Minorités exogènes ou Russes de l intérieur en Asie centrale - article ; n°4 ; vol.26, pg 125-142
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Description

Revue d’études comparatives Est-Ouest - Année 1995 - Volume 26 - Numéro 4 - Pages 125-142
La « diaspora russe » coloniale et post-coloniale, qui réside encore dans les républiques d'Asie centrale ex-soviétique au nombre de plusieurs millions, constitue un héritage douloureux pour ces jeunes États de facture soviétique dont l'affirmation identitaire passe par la mise en évidence d'une responsabilité historique de la Russie à leur égard. Pourtant, le problème des russophones vivant dans cet « Étranger proche » - expression initialement lancée par les diplomates russes pour désigner les autres pays de la CEI - est devenu un enjeu politique aussi bien pour F« ancienne métropole», dont la politique extérieure doit prendre en compte la création de nouvelles frontières, que pour les nouvelles républiques qui tentent de les fixer sur place et tâchent de contenir la pression inter-ethnique.
Exogenous minorities or indigenous Russians in Central Asia.
The colonial and post-colonial Russian diaspora which is still living in the former Soviet republics of Central Asia, to the number of several millions, represents a painful inheritance for these new Soviet-created states, whose identity is affirmed by underscoring Russia's historical responsibility for them. However, the problem of these near abroad (the expression was originally coined by Russian diplomats to describe the other countries of the CEI) Russophones has become a political stake, as much for the former homeland, whose external policy must take into account the setting-up of new frontiers, as for the new republics who are trying to establish them firmly and endeavouring to contain inter-ethnic pressures.
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Catherine Poujol
Minorités exogènes ou Russes de l'intérieur en Asie centrale
In: Revue d’études comparatives Est-Ouest. Volume 26, 1995, N°4. pp. 125-142.
Résumé
La « diaspora russe » coloniale et post-coloniale, qui réside encore dans les républiques d'Asie centrale ex-soviétique au nombre
de plusieurs millions, constitue un héritage douloureux pour ces jeunes États de facture soviétique dont l'affirmation identitaire
passe par la mise en évidence d'une responsabilité historique de la Russie à leur égard. Pourtant, le problème des russophones
vivant dans cet « Étranger proche » - expression initialement lancée par les diplomates russes pour désigner les autres pays de
la CEI - est devenu un enjeu politique aussi bien pour F« ancienne métropole», dont la politique extérieure doit prendre en
compte la création de nouvelles frontières, que pour les nouvelles républiques qui tentent de les fixer sur place et tâchent de
contenir la pression inter-ethnique.
Abstract
Exogenous minorities or indigenous Russians in Central Asia.
The colonial and post-colonial "Russian diaspora" which is still living in the former Soviet republics of Central Asia, to the number
of several millions, represents a painful inheritance for these new Soviet-created states, whose identity is affirmed by
underscoring Russia's historical responsibility for them. However, the problem of these "near abroad" (the expression was
originally coined by Russian diplomats to describe the other countries of the CEI) Russophones has become a political stake, as
much for the "former homeland", whose external policy must take into account the setting-up of new frontiers, as for the new
republics who are trying to establish them firmly and endeavouring to contain inter-ethnic pressures.
Citer ce document / Cite this document :
Poujol Catherine. Minorités exogènes ou Russes de l'intérieur en Asie centrale. In: Revue d’études comparatives Est-Ouest.
Volume 26, 1995, N°4. pp. 125-142.
doi : 10.3406/receo.1995.2764
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/receo_0338-0599_1995_num_26_4_2764Revue d'études comparatives Est-Ouest, 1995, 4 (décembre)
pp. 125-142 - Catherine POUJOL
Minorités exogènes ou Russes de l'intérieur
en Asie centrale
Catherine POUJOL*
La « diaspora russe » coloniale et post-coloniale, qui réside encore dans les
républiques d'Asie centrale ex-soviétique au nombre de plusieurs millions,
constitue un héritage douloureux pour ces jeunes États de facture soviétique
dont l'affirmation identitaire passe par la mise en évidence d'une responsabil
ité historique de la Russie à leur égard. Pourtant, le problème des russophones1
vivant dans cet « Étranger proche » - expression initialement lancée par les
diplomates russes pour désigner les autres pays de la CEI - est devenu un
enjeu politique aussi bien pour l'« ancienne métropole », dont la politique exté
rieure doit prendre en compte la création de nouvelles frontières, que pour les
nouvelles républiques qui tentent de les fixer sur place et tâchent de contenir la
pression inter-ethnique.
Cependant, l'accès aux sources et leur validité pour traiter cette problémat
ique posent des difficultés. Hormis le dernier recensement de l'ère soviétique,
celui de 1989 dit « de la transparence », la recherche se heurte à un obstacle
prévisible en ces temps de déstructuration généralisée : l'incohérence des
chiffres concernant les mouvements de population par nationalité et la fin,
depuis 1991, de la centralisation des données par le Goskomstat (Comité
d'Etat de la statistique) de Moscou. On aurait pu s'attendre à une mise à dispo
sition de l'information à la faveur de l'indépendance, on ne fait que retrouver
une réalité bien connue, aux obstacles démultipliés.
Toutefois, cette carence de données statistiques est en partie compensée par
la pléthore d'articles parus dans la presse russe sur « le sort tragique des minor
ités russophones hors de Russie » et les rapports d'experts (voir bibliogra
phie), l'enquête personnelle sur le terrain restant décisive tant pour définir le
cadre de la réflexion que pour en orienter les conclusions.
* Maître de conférences à l'INALCO et chargée de conférences à la 4e section de
l'EPHE.
1. Sur 25 millions de russophones, terme qui bien qu'élargissant le propos tend à
remplacer celui de Russes dans la problématique, voir la carte « Ethnie Russians within
the Former Soviet Union », in M. Gilbert, Atlas of Russian History, 1993, p. 161.
125 Catherine Poujol
Les problèmes soulevés par la présence et la sécurité de près de 10 millions
de Russes vivant avant 1991 en Asie centrale sont devenus le principal pré
texte de l'ensemble des acteurs politiques moscovites pour légitimer leur
approche de cette région qui, du reste, est jugée bien inefficace par les intéres
sés. Ce constat renvoie aux principaux axes de la politique extérieure russe,
dans le cadre de sa nouvelle doctrine militaire formulée en novembre 1993,
laquelle s'arroge le droit et le devoir de protéger ses minorités en cas de dan
ger.
A cet égard, on ne peut que souligner la remarquable continuité d'une pra
tique qui, dans les siècles pré-coloniaux, reposait sur la présence dans les kha-
nats ouzbeks de quelques centaines d'esclaves russes qui, en l'absence de
représentation diplomatique, commerciale et religieuse ont malgré eux consti
tué la seule « carte russe » dans la région et, plus tard, la justification d'une
conquête libératrice 2.
L'implantation par strates successives de cette communauté exogène, et le
rôle qu'elle a joué depuis, sont des phénomènes qui, tout en bouleversant
ponctuellement le cours de l'histoire locale, auront sans doute des implications
dans la pérennité des États centre-asiatiques indépendants.
Genèse du peuplement slave
La présence en Asie centrale de près de 9 520 000 Russes, auxquels il faut
ajouter 1 235 000 Ukrainiens, 235 000 Biélorusses et 50 000 Juifs ashkénazes,
selon le recensement de 1989, remonte à la conquête coloniale réalisée par les
armées tsaristes, au cours du XVIIIe siècle pour ce qui est des steppes kaza-
khes, et de la seconde moitié du XIXe les régions au Sud de la Mer
d'Aral. Cependant, cette « transplantation ethnique » dans un espace tardiv
ement inséré dans la sphère d'influence de la Russie a connu des temps d'accé
lération et de latence, des mouvements de flux et de reflux, qui, s 'étant
poursuivis tout au long de la période soviétique, connaissent une amplification
décisive aujourd'hui.
Cette communauté d'apparence homogène est donc issue de plusieurs
strates, définies selon l'ancienneté de l'arrivée, les raisons en ayant été aussi
bien d'ordre économique que politique. Le prince V.I. Masal'skij, dans sa
monographie publiée en 1913 sur le Turkestan russe, décompose la souche
russe initiale selon les catégories socio-professionnelles suivantes :
2. Voir C. Poujol, 1984, pp. 55-77.
126 Minorités exogènes ou Russes de l'intérieur en Asie centrale
1. les cosaques du Semiretchie (30 stanitsa et villages3),
2. les paysans,
3. les Ouraliens (les cosaques de l'Oural),
4. les militaires,
5. les citadins (marchands, bourgeois, soldats de réserve),
6. les représentants de l'administration et les fonctionnaires.
On trouve aujourd'hui encore les descendants de ces premiers colons agri
culteurs ou cheminots, mineurs, administrateurs, plus rarement orientalistes,
davantage envoyés par l'État russe que venus de leur propre gré, notamment
dans le nord du Kazakhstan où ils côtoient les cosaques installés à partir du
début du XVIIIe siècle dans les stanitsa, dont certaines matérialisent la ligne de
frontière dite « d'Orenbourg »4. De cette souche ancienne relèvent également,
quoiqu'en très faible proportion, les descendants des exilés politiques (révolu
tionnaires bannis par le pouvoir tsariste et envoyés dans les grands chantiers ou
les mines), ou des exilés pour motifs religieux (vieux croyants, molokanes,
soubbotniki, baptistes, etc.), auxquels sont venus s'ajouter dans les années
20-30 les koulaks déportés par Staline, au Kazakhstan notamment. Viennent

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