Miracles au Brésil - article ; n°3 ; vol.11, pg 336-346
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1956 - Volume 11 - Numéro 3 - Pages 336-346
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1956
Nombre de lectures 14
Langue Français

Extrait

Maria Isaura Peireira de Queiroz
Miracles au Brésil
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 11e année, N. 3, 1956. pp. 336-346.
Citer ce document / Cite this document :
Peireira de Queiroz Maria Isaura. Miracles au Brésil. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 11e année, N. 3, 1956. pp.
336-346.
doi : 10.3406/ahess.1956.2557
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1956_num_11_3_2557MIRACLES AU BRESIL
Tambaú est une petite ville de 4 500 habitants, située à quelque 300 km
de la capitale de l'État de Sâo Paulo. Elle fut le théâtre de faits extraordi
naires qui eurent lieu du mois de novembre 1954 au mois de mai 1955 : un
prêtre catholique y opérait des guérisons miraculeuses à pleines mains et le
défilé des pèlerins qui en recherchaient le bénéfice allait sans cesse croissant.
Les journaux publièrent d'impressionnantes descriptions du thaumaturge,
entouré par des gens que la misère physique ou économique transformait
en désespérés ; ils racontaient les crises de pleurs et de cris, les prières récitées
à haute voix, le comportement convulsif et à demi-extatique d'une foule
en proie, disaient-ils, à de véritables accès de folie mystique.
Le phénomène prit une telle extension que la Faculté de Philosophie
Sciences et Lettres de l'Université de Sâo Paulo et la revue culturelle Anhembi
décidèrent d'envoyer sur les lieux quelqu'un qui pût faire un récit sans pas
sion de ce qui se passait. Étant donné l'intérêt que je portais à la sociologie
religieuse, je fus choisie ; mais mon travail à la Faculté ne me laissant que
peu de liberté, je séjournai à Tambaú quelques jours seulement, en mai. Je
n'ai donc pas pu effectuer une recherche véritable ; j'ai simplement mis sur
pied un rapport que j'ai essayé de rendre aussi objectif que possible. Très
bien reçue par les habitants de Tambaú et par le prêtre dans sa maison paroiss
iale, j'ai essayé d'élucider ce qui m'intéressait le plus, c'est-à-dire le com
portement de la foule devant le saint et les miracles.
Padre Donizetti Tavares de Lima, âgé de soixante-quatorze ans, est
curé de Tambaú depuis 1926. Il a toujours exercé son ministère avec autant
de probité que de zèle. Rien d'extraordinaire ne s'était produit pendant
les vingt-neuf premières années de son séjour à Tambaú, sauf la constata
tion très tôt faite qu'il guérissait du vice de la boisson et faisait disparaître les
maux de dents en touchant la joue enflée : d'où son sobriquet de « dentiste
pour petits paysans ». MIRACLES AU BRÉSIL 337
Or, en mars 1954, un de ses amis, marchand de vins de la ville de Poços
de Caldas, en visite chez lui, se plaignit d'un rhumatisme au genou qui le
faisait beaucoup souffrir. Le prêtre lui répondit que ce n'était rien, toucha
le genou de ses doigts en prononçant une bénédiction et le marchand put
mouvoir sa jambe et marcher sans douleur. Il revint chez lui criant au miracle
et fit une telle propagande parmi ses proches que plusieurs personnes se suc
cédèrent à Tambau demandant au prêtre la guérison de maux divers ; quel
ques-uns ayant obtenu la grâce, la nouvelle des miracles se répandit en
dehors de la ville de Poços de Galdas, et Padre Donizetti reçut chez lui des
habitants d'endroits fort différents.
Mais ceux de Tambaú eux-mêmes restaient ignorants de ce qui se passait.
Il fallut que le mouvement prit quelque ampleur pour que, intrigués par
une affluence chaque jour croissante de visiteurs à la maison paroissiale,
ils fussent mis au courant des pouvoirs extraordinaires de leur curé. La popul
ation de la ville se transporta alors sur la place, qu'on appela aussitôt Place
des Miracles, et là, elle put voir, émerveillée, des invalides qui entraient
appuyés sur des béquilles et ressortaient sans aide ; des aveugles qui recou
vraient la vue ; des muets qui se mettaient à parler ; des fous qui guéris
saient instantanément. Dans cette première phase, Padre Donizetti faisait
défiler les malades chez lui et leur accordait un par un la bénédiction, bénis
sant après, collectivement, les autres pèlerins réunis devant sa maison. Les
moyens de guérison étaient variés, mais ils avaient tous le prêtre pour
médiateur. L'eau qu'il avait bénie égalait en importance les bénédictions
qu'il donnait directement et les pèlerins apportaient avec eux des bout
eilles pleines ; ils apportaient aussi des vêtements, des photographies, des
lettres de ceux qui n'avaient pu venir — et la bénédiction que ces objets
recevaient agissait à distance. D'ailleurs, il suffisait qu'un des membres
de la famille fût sur la Place des Miracles pour que tous les autres reçoivent
la bénédiction, «même s'ils étaient au Japon»; Padre Donizetti l'affirmait
dans ses sermons.
Ce début de l'histoire des miracles nous fut conté et confirmé par le curé
lui-même, par le marchand de .vin, ainsi que par tous les habitants de la
ville avec qui nous avons pu nous entretenir. Bientôt, du reste, la nouvelle
atteignit la capitale de l'État de Sào Paulo ; journaux et radios s'en empar
èrent, la répandirent partout, dépassant les frontières de l'État et attirant
des gens des États de Rio de Janeiro, Minas Geraes, Parana, Mato Grosso,
Goiás.
Bien vite, la radio devint le moyen le plus important de répandre au loin
le don guérisseur. Quelques postes émetteurs, dont cinq de la capitale de
l'État de Sào Paulo, transmettaient tous les jours à 18 heures précises une
allocution et la bénédiction du prêtre qu'on enregistrait chez lui tous les
jours, avec des entrevues de quelques miraculés. Le croyant plaçant bout
eille ou verre d'eau, vêtements ou photos devant l'appareil recevait la béné
diction de la même manière que s'il avait été sur la Place des Miracles.
Nombre de guérisons extraordinaires obtenues par l'intermédiaire de la
radio ayant été constatées, Padre Donizetti l'appelait « ma succursale ».
Annales (11* année, juillet-septembre 1956), n» 3. 22 338 ANNALES
* *
Vers la mi-février, devant l'affluence toujours grandissante des pèle
rine, Padre Donizetti ne les reçut plus chez lui ; il institua les bénédictions
collectives, données deux fois par jour, à 9 heures du matin et 20 h 30, du soir,
à tous les pèlerins massés devant sa maison ; cependant, si vers 13 heures
la Place des Miracles présentait une agglomération inusitée de gens, le prêtre
leur donnait une bénédiction supplémentaire pour qu'ils puissent vite part
ir et céder leur place à d'autres. Apparaissant à la porte de sa maison, il
prononçait un court sermon et bénissait. Puis, en file, les pèlerins entraient
par une porte dans la Salle des Miracles — une salle de la maison paroissiale,
dans laquelle on conservait béquilles, appareils orthopédiques, lunettes, et
toutes sortes d'ex-votos ; ils ressortaient par l'autre, édifiés sur les pouvoirs
exceptionnels du curé.
Les bénédictions spéciales et individuelles continuaient d'exister, mais
étaient devenues difficiles à obtenir ; elles avaient lieu dans la maison parois
siale ; seuls y étaient admis les pèlerins munis d'une lettre de recommandation
de l'archevêque de l'Etat de Sâo Paulo ; ceux qui étaient introduits par la
famille Rezende, une des plus importantes de la ville et dont les filles s'étaient
de longue date dévouées au service de la paroisse ; les hommes politiques,
ainsi que ceux qui avaient une position sociale et économique vraiment
importante ; enfin tous les journalistes, reporters, représentants des diff
érentes radios, des entreprises cinématographiques, de la télévision.
La bénédiction spéciale était donnée collectivement à un petit groupe
de personnes, trente ou quarante, qu'on recevait dans la Salle des Miracles.
Elles attendaient trois ou quatre heures parfois que le Padre Donizetti dai
gnât paraître ; parlant à voix basse, elles se lamentaient d'avoir à attendre
dans cette salle chaude et hermétiquement close. Padre Donizetti entrait
tout d'un coup, marmonnait sa bénéd

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