P. et V. Glachant Essai critique sur le théatre de Victor Hugo. Les drames en vers - compte-rendu ; n°1 ; vol.9, pg 351-365
16 pages
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P. et V. Glachant Essai critique sur le théatre de Victor Hugo. Les drames en vers - compte-rendu ; n°1 ; vol.9, pg 351-365

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Description

L'année psychologique - Année 1902 - Volume 9 - Numéro 1 - Pages 351-365
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1902
Nombre de lectures 35
Langue Français

Extrait

Alfred Binet
P. et V. Glachant Essai critique sur le théatre de Victor Hugo.
Les drames en vers
In: L'année psychologique. 1902 vol. 9. pp. 351-365.
Citer ce document / Cite this document :
Binet Alfred. P. et V. Glachant Essai critique sur le théatre de Victor Hugo. Les drames en vers. In: L'année psychologique.
1902 vol. 9. pp. 351-365.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1902_num_9_1_3485IX
IMAGINATION
P. et V. GLACHANT. — Essai critique sur le théâtre de Victor Hugo.
Un laboratoire dramaturgique. Les drames en vers (1827-1839). —
Paris, Hachette, 1902, p. 404.
Les auteurs ont fait une étude intéressante des manuscrits de
Victor Hugo, que le grand poète a légués à la Bibliothèque Nationale,
et qui aujourd'hui s'y trouvent presque tous; ces ne
représentent pas toujours, c'est trop évident, le jet primitif; mais
quelques pages sont surchargées d'additions, de corrections, de
ratures; et Victor Hugo qui avait conscience de travailler pour la
postérité n'aimait rien laisser perdre. Il avait raison. Les psycho
logues trouvent profit à étudier ces documents. Les auteurs du pré
sent livre ne se sont pas mis au point de vue strictement psycholo
gique; et venant après eux, on aurait encore beaucoup à travailler,,
pour tirer de l'étude de ces textes tout ce qu'ils contiennent d'inté
ressant. Mais ils ont préparé le travail. Pour ma part, j'ai pris grand
plaisir aies lire, et je voudrais communiquer un .peu de ce plaisir à
nos lecteurs, en leur faisant quelques citations. Le livre contient les
documents relatifs à Cromwell, Marion de Lorme, Ruy Blas, Hernani,
le Roi s'amuse, et les Jumeaux (cette dernière pièce, beaucoup moins
connue, est restée inachevée, on l'a fait paraître dans les Œuvres,
posthumes).
Le travail des auteurs est simplement analytique; ils suivent les-
pièces pas à pas, vers par vers, notant les variantes, cherchant par
fois à les expliquer, faisant presque toujours suivre leur travail de
notes courtes, pleines, judicieuses. Il faudrait faire maintenant un
travail un peu différent, plus synthétique, qui consisterait à dégager
les divers procédés de V. Hugo, et à en faire l'étude dans les divers
exemples où on les retrouve. On ne peut demander à un article de
compte rendu comme le mien un tel travail; en réalité, ce serait
refaire le travail de MM. Glachant sur d'autres bases, je n'en ai pas le
loisir; en outre, ce second travail devrait être fait par un nouveau
recours au manuscrit; car, quoi qu'en pensent les auteurs, l'étude
graphologique de l'écriture serait probablement intéressante. Je vais
donc me borner à présenter une esquisse de ce nouveau travail,
auquel je convie les auteurs, si par hasard ils donnent une seconde
édition. ANALYSES BIBLIOGRAPHIQUES 352
J'étudierai successivement :
Les corrections de mots;
Les de scènes;
L'art d'accommoder les restes ;
L'idée de la pièce;
Le premier jet.
LES CORRECTIONS DE MOTS
C'est le travail le plus facile à faire. Il y a beaucoup de variantes
dans les manuscrits. Certaines ratures sont faites de la manière la
plus radicale, par un mouvement spirale de la plume, qui cache le
mot à jamais. D'autres ratures sont un simple trail, et permettent,
peut-être à dessein, de déchiffrer le mot rayé; ce qui frappe, ce sont
deux faits : 1° le nombre très grand des corrections; 2° leur justesse.
On a toujours pensé jusqu'ici que Victor Hugo, à cause de son éton
nante faconde, était un auteur de premier jet. C'est une erreur; il
se corrigeait beaucoup. Probablement, il se corrigeait à chaque vers.
On lui reproche souvent aussi de manquer de sens critique et de
goût. Il avait de cela plus qu'on ne pense, car ses corrections sont
presque toujours heureuses. C'est vraiment étonnant qu'il fût capable
d'écrire de premier jet tant de vers qui sont non seulement ridicules,
mais plats, II a laissé dans beaucoup de pièces des fautes de goût,
c'est incontestable. Mais cela ne prouve pas qu'il manquât de sens
critique. La preuve, c'est que, dans le manuscrit primitif, les fautes
de goût étaient encore plus nombreuses; il en a beaucoup enlevé.
Beaucoup de corrections sont insignifiantes; elles modifient à peine
une nuance du sens, et elles sont la preuve de l'application et du
zèle de l'auteur.
Prenons Ruy Blas. Nous allons analyser quelques-unes des correc
tions du Ier acte, et aussi du Ve.
Au lever du rideau, Salluste est en scène, et apprend à Gudiel qu'il
va être chassé, pour une amourelte. Les vers :
parce que la donzelle
Est à la Reine et vient de Neubourg avec elle
ont eu un premier texte, vraiment faible:
... et fait je ne sais quoi chezelle
et vient d'Allemagne avec elle
On croirait difficilement que V. Hugo peut écrire des vers aussi plais
que le premier texte.
Plus loin, Salluste déboulonne son pourpoint et dit (texte définitif) à
Gudiel:
Tu m'agrafes toujours comme on agrafe un prêtre
Tu serres mon pourpoint, et j'étouffe, mon cher! IMAGINATION 353
Voici ce qu'il disait d'abord:
Exilé — r'ouvre donc ta maudite fenêtre !
Toujours elle se ferme, et j'étouffe, mon cher!
Cela a été supprimé, et on en comprend la raison. Un peu plus haut
Hugo a fait fermer la fenêtre à Ruy Blas et c'était un effet. Inutile de
revenir sur cet effet et de l'amoindrir. Alors il s'est produit un fait
curieux; il fallait une rime à disparaître. Cette rime a fourni le mot
prêtre; de là, le vers nouveau. Ici, l'idée a été soufflée par la rime.
Plus loin, deux rapidesdu texte définitif...
Je me vengerai, va! Comment? Je ne sais pas...
Mais je veux que ce soit enrayant !
Un premier texte était plus long, d'un tour plus languissant.
Je me vengerai, va ! je ne sais pas comment.
Mais ce sera hideux ! Vois-tu, j'en fais serment.
Je tirerai vengeance de ma disgrâce,
Dussè-je m'y briser.
Évidemment, ces vers-là auraientpu rester, ils sont bons. Cela prouve
combien Victor Hugo hésitait peu à corriger, lui qu'on se représente
comme un génie de premier mouvement; et il corrigeait bien. Cette
correction-ci se fait dans un sens qui est ce me semble, tout à fait
théâtre. J'appelle style théâtre le style dans lequel l'abondance et la
variété des tours rappellent l'allure d'une conversation, dans laquelle
la pensée est très mobile. Ainsi : je ne sais pas comment est moins varié
comme tour que : comment, jene sais pas. Je prends un exemple banal,
presque puéril, pour me faire bien comprendre.
Dans toutes ces scènes, le mot frappant, juste, pittoresque, arrive
souvent dans la correction.
Le vers
Vous n'allez fréquentant que spadassins infâmes.
est venu d'abord ainsi :
Vous n'avez pour amis que des bretteurs infâmes.
De même : trêve aux reproches remplace pas de reproches. Je sids
heureux remplace je suis content. Bravache que vous êtes remplace tout
fort que vous vous faites.
Dans le Roi s'amuse, les six vers suivants du texte.
M. DE P1ENNE
Je suis de ton avis, comte ! Un roi qui s'ennuie
C'est une fille en noir, c'est un été de pluie
M. DE PARDAILLAN
C'est un amour sans duel.
M. DE VIC
C'est un flacon plein d'eau.
l'année psychologique, ix. 23 354 ANALYSES BIBLIOGRAPHIQUES
MAROT (bas)
Le roi revient avec Triboulet-Cupido
La première version était plus faible:
M. DE PIENXE
Je suis de votre avis, comte. Un roi qui s'ennuie
C'est un souper sans vin, c'est un été de pluie.
M. DE PARDAILLAN
Ah ! c'est vrai, tout languit.
M. DE GARDE
Tout va mal, c'est aifreux.
MAROT (bas)
Silence! il entre, avec Triboulet l'amoureux.
La progression est manifeste.
Jamais les corrections n'ont été plus heureuses, disent les auteurs,
que pour l'acte V d'Hernani, où Dona Sol et Hernani meurent en
scène, sous les yeux de Ruy Gomez. Ce dernier acte a été profondé
ment refondu. On a reproché, paraît-il, à cet acte son excès de
réalisme, contorsions, faces crispées par la souffrance, plaintes d'ago
nie, etc. Ce n'est pas ainsi évidemment que meurent les person
nages de Racine. « Que diraient ces critiques si V. Hugo avait main
tenu au théâtre la version primitive de son dernier acte? En voulant
faire du natu

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