Pauline Viardot, femme et artiste - article ; n°57 ; vol.17, pg 17-32
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Description

Romantisme - Année 1987 - Volume 17 - Numéro 57 - Pages 17-32
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 41
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Yvette Sieffert-Rigaud
Pauline Viardot, femme et artiste
In: Romantisme, 1987, n°57. pp. 17-32.
Citer ce document / Cite this document :
Sieffert-Rigaud Yvette. Pauline Viardot, femme et artiste. In: Romantisme, 1987, n°57. pp. 17-32.
doi : 10.3406/roman.1987.4878
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1987_num_17_57_4878Yvette SIEFFERT-RIGAUD
Pauline Viardot : femme et artiste
Etrange sort des cantatrices, tour à tour adulées et rejetées ! Beauté des
voix, fascination du jeu dramatique. La diva, sans cesse à la frontière de
deux mondes, séduit, bouleverse, intrigue. Lumières du théâtre qui s'ouvrent
sur l'imaginaire. Et le public insensiblement identifie l'artiste au personnage
interprété. Vertige des passions. Emportée dans un inéluctable tourbillon,
à peine revenue de ses longues chevauchées à travers la campagne, solitaire,
Maria Malibran devenait Desdémone, Rosine, Tancrède ou Roméo. Cantat
rice aux multiples visages : amoureuse, ingénue ou jeune héros dont la
grâce émouvait le vieux La Fayette. En 1835, rappelée seize fois alors
qu'elle jouait le rôle de Norma, elle avait suscité une véritable tempête
d'ovations qui avait failli ébranler les bâtiments de la Scala, à Milan. Il
avait fallu interdire les applaudissements, par mesure de sécurité. Sous lés
auspices de Da Ponte, elle avait fait connaître l'Opéra italien en Amér
ique. Elle parcourait la France, l'Angleterre, l'Italie, provoquant des scènes
d'enthousiasme populaire. Mais, une fois éteints les feux de la rampe, qu'est-
ce qu'une diva, en ce début du xix* siècle ? Certains salons de l'aristocratie
la reçoivent à contrecœur ou lui ferment leur porte. « Je ne suis que la
chanteuse d'opéra, rien de plus, l'esclave qu'ils paient pour leur dispenser
du plaisir » !, constatait Maria Malibran. Les gazettes ne manquent pas une
occasion de railler sa vie privée : с La Diva prétend faire déclarer la nullité
de son mariage, non en sa qualité de déesse, qui ne peut contracter d'union
durable avec un simple mortel, le code n'a pas connu de cas semblable,
mais attendu qu'étrangère à la France comme son mari, elle n'a été mariée
à New York que devant le consul français qui n'avait pas caractère pour
sanctionner de tels nœuds > 2. Artiste et femme, vivant en dehors des normes
de la société de son temps, avec quelle fougue n'avait-elle pas accueilli la
révolution de 1830 ! D'Angleterre, elle envoyait des lettres enflammées :
« [...] en pensant à Paris je sens mon âme s'élever ! Croyez-vous que des
soldats armés de fusils auraient pu m'empêcher de crier : " Vive la liberté " ?
On me dit que tout n'est pas encore tranquille en France. Ecrivez-le moi ;
j'irai. Je veux partager le sort de mes frères » 8. Disciple des saint-simoniens,
elle rêvait d'une France soudain métamorphosée : < Mon cœur pétille de
bonheur. Il me semble que je dois voir les visages français changés, je me
figure les voir rayonnant de liberté, les yeux pleins de ce regard de feu et
de bonheur qu'inspire toujours la conviction du bien qu'on a voulu faire » 4.
A maintes reprises, elle exprimait ses regrets de n'avoir pu agir physique- 18 Yvette Sieffert-Rigaud
ment : « Si j'avais pu perdre un bras pour une cause pareille, je croirais
en avoir gagné deux par la force de la conviction d'avoir servi à quelque
chose en maintenant le droit de la nature » 4. Peser sur le cours des évé
nements, changer la société : folle chimère, vision outrancière. De Maria
Malibran le public ne voudra retenir que des stéréotypes : ses affrontements
au théâtre avec la Sontag ou la Grisi, les sommes fabuleuses qu'elle gagne
au prix de sa voix au timbre étonnamment étendu du contralto au soprano
élevé.
Par sa mort, le 26 septembre 1836, à l'âge de vingt-huit ans, la cantat
rice échappe aux conventions pour acquérir une dimension mythique. Com
ment ne pas évoquer l'atmosphère des contes d'Hoffmann ? La diva jeune,
belle et forte fera rêver les romantiques, de Lamartine à Edgar Poe, en
passant par Musset. Plus cynique, Théophile Gautier écrira : « S'arrêter à
propos, sortir à temps, bien peu l'ont su. La mort intelligente s'en charge
pour quelques favorisés, Alexandre, Raphaël, lord Byron et Malibran » 5.
« II y a un enfant qui nous effacera tous : c'est ma sœur >, avait annoncé
la diva. Pauline, comme Maria Malibran, avait suivi l'enseignement de leur
père Manuel Garcia, l'illustre ténor, célèbre pour ses interprétations de
Don Giovanni et du Barbier. Douée de talents remarquables, elle parlait
couramment cinq langues, dessinait à merveille, avait appris le contrepoint
avec Reicha, au Conservatoire de Paris, et le piano avec Liszt. A quinze ans,
quelques jours à peine avant la mort de Maria Malibran, elle entre en scène
pour la première fois. Le fait est signalé dans la chronique des mondanités :
« Plus de vingt mille curieux assistaient à Liège aux courses de chevaux
qu'a couronnées de la manière la plus brillante le concert donné dans la
salle de spectacle de M. de Bériot, sa femme (Madame Malibran) et Madem
oiselle Garcia. Les trois artistes ont excité un enthousiame universel » e.
Une carrière s'esquisse, apparemment sans histoire. Mais quand meurt Maria
Malibran, les débuts de Pauline Garcia prennent une signification symbol
ique. Une émotion profonde étreint la salle, lorsque le 15 décembre 1838,
au Théâtre de la Renaissance à Paris, la jeune fille fait son apparition, tout
de blanc vêtue, avec un petit diamant noir sur le front. « Un deuil, une
fête ; un regret, un espoir [...] > 7, dira Legouvé. Au-delà de la débutante,
c'est une autre présence que chacun espère, devine. Et l'enthousiasme éclate :
« Au bout de dix mesures, c'est sa sœur vivante de nouveau qu'on applaud
it ! Même voix, même méthode de chant, même style, une ressemblance
de talent qui vous confond, et rien qui sente l'imitation ! » 8. Ambiguïté
du succès remporté. Musset évoque la grâce juvénile de с ce revenant de dix-
sept ans » et ajoute : « La Malibran est revenue au monde, il n'y pas d'i
nquiétude à avoir, et on n'a qu'à la laisser faire » 9. La cantatrice bouleverse
par sa voix étrange, « mélange de soprano et de ténor » : с La partie basse
a de l'affinité avec le violoncelle, et la partie la plus élevée avec le violon » 10.
Pauline Garcia commence par briller dans l'univers artificiel des salons.
Elle n'est encore que < l'intéressante sœur de la diva Malibran », néanmoins
on la qualifie de « lion musical du monde parisien » n. La rumeur évoque
d'imaginaires fiançailles avec Franz Liszt, tandis que les critiques adoptent
le ton de la conversation mondaine, conventionnelle : « La blanche Pauline
Garcia » suscite < un enthousiasme religieux et des applaudissements uni
versels » ". Dans cette unanimité de louanges, seul Berlioz se montre réticent.
Il dénonce la dangereuse célébrité de la cantatrice, condamne sévèrement
le répertoire à la mode qu'elle interprète : « Ce ne sont pas les cavatines et Viardot 19 Pauline
les duos boursouflés autant que faux d'expression de la plupart des opéras
modernes qui pouvaient la mettre sur la voie qui conduit à ce qu'il y a,
suivant moi, de plus élevé dans l'art » 12. Selon le compositeur, elle abuse
des fioritures, et, voulant montrer les vastes possibilités de sa voix, elle offre
à son auditoire une image erronée du personnage qu'elle incarne :
« Eurydice, chantée par une voix grave, serait évidemment un contre
sens ; et voilà pourquoi Mlle Garcia, en substituant aux notes hautes
de Gluck les sons de contralto qu'elle fait vibrer avec tant de bonheur,
est sortie aussitôt du rôle d'Eurydice, a rompu le charme qui le sou
tenait, a détruit la vérité et l'unité de la conception du maître, et au
lieu de l'épouse d'Orphée, au lieu d'une création digne de la poésie
antique, ne nous a plus donné qu'une cantatrice moderne, à la voix
très étendue » 12.
Pauline Garcia se souviendra de ces cr

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