Perspectives de la classe ouvrière brésilienne - article ; n°171 ; vol.43, pg 617-638
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Perspectives de la classe ouvrière brésilienne - article ; n°171 ; vol.43, pg 617-638

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Description

Tiers-Monde - Année 2002 - Volume 43 - Numéro 171 - Pages 617-638
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 34
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Robert Cabanes
Perspectives de la classe ouvrière brésilienne
In: Tiers-Monde. 2002, tome 43 n°171. Trajectoires latino-américaines. Regards sur Cuba. (sous la direction de
Rémy Herrera). pp. 617-638.
Citer ce document / Cite this document :
Cabanes Robert. Perspectives de la classe ouvrière brésilienne. In: Tiers-Monde. 2002, tome 43 n°171. Trajectoires latino-
américaines. Regards sur Cuba. (sous la direction de Rémy Herrera). pp. 617-638.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_2002_num_43_171_1627PERSPECTIVES
DE LA CLASSE OUVRIÈRE BRÉSILIENNE1
par Robert Cabanes*
La description des fondements actuels d'une culture ouvrière relevée
à partir des récits de vie de familles souligne l'importance de l'assise
domestique et d'une référence au travail de coopération qui domine la
référence au travail hiérarchique. Ces données, sans être trop affectées
par la précarité récente du travail, qui au Brésil est ancienne, ont tou
jours eu des prolongements au niveau national dans certaines formes de
syndicalisme minoritaire, et semblent en avoir de nouveaux dans cer
taines formes décentrées - par rapport à la production qui ne peut être
qu'indirectement concernée - et décentralisées de démocratie locale.
Parler de classe ouvrière aujourd'hui peut paraître une provocation
aux yeux de l'Occident industrialisé. La « mondialisation » n'était
d'actualité, jusqu'à une date récente, que sous l'aspect économique et
financier. En développant les échanges et la richesse globale, elle
renvoie une bonne partie des travailleurs à la précarité, au chômage,
au travail clandestin. Du travail, on retient « l'invisibilité » ouvrière2,
les délocalisations, la coupure des générations, la fin d'une classe. En
portant le regard sur cette partie de l'ancien Tiers Monde qui s'indust
rialise, comme l'Amérique latine ou l'Asie, on voit que la précarité y
est ancienne, que ces sociétés à double vitesse préfigurent la nôtre,
celle de la crise actuelle, et qu'elles offrent des perspectives inédites. Le
Brésil sera un des rares pays d'Amérique latine à proposer une alterna
tive nettement à gauche après les élections présidentielles et législatives
d'octobre dernier.
* Chercheur, Institut de recherche pour le développement.
1. Si toutefois on peut parler d'elle à partir seulement de Sâo Paulo et de sa région métropolitaine.
2. Stéphane Beaud, Michel Pialoux, Retour sur la condition ouvrière, Fayard, 1999.
Revue Tiers Monde, t. XLIII, n° 171, juillet-septembre 2002 618 Robert Cabanes
La même conjoncture longue de précarité rapproche des situations
de départ bien différentes au Brésil et en France. Là-bas, les processus
ambiants sont ceux d'un ralentissement des migrations vers les villes,
d'un recul des religions traditionnelles et d'un essor des religions nouv
elles dites « de l'individu », de stratégies puissantes et incertaines d'un
retour à la terre, dont le Mouvement des Sans-Terre porte le drapeau.
Mais l'État-providence n'y a jamais existé, du moins comme dans les
pays du centre, et l'idéologie de la débrouillardise individuelle par « la
relation » (le jeitd) a toujours été valorisée comme la principale qualité
du caractère national. Crises et récessions rendent les dépendances
plus dures et l'entraide plus intense. Le groupe domestique urbain, s'il
n'est pas déstructuré, se constitue en référence puissante. Le processus
de désaffîliation sociale paraît moins évident qu'en France, car
l'affiliation y avait été moins généralisée ; les syndicats connaissent une
désaffection moindre qu'en France. Comme partout, l'individualisme
prend force, mais sous quelles formes ?
Que signifie de porter le regard sur la plus petite cellule de base du
milieu ouvrier, la famille, qui est aussi généralement celle de toute
société, en une période où tout semble indiquer que le mouvement du
monde est de plus en plus déterminé par les puissances économiques
de forme et de force mondiales ? L'impression que donnent les ana
lyses sociologiques d'un écrasement d'individus de plus en plus domi
nés ou hors course est juste mais incomplète. Derrière l'écrasement, il
y a les résistances et les ressources qu'ils mettent en œuvre, d'abord à
leur échelle. Il ne s'agit pas de valoriser le modèle individualiste que le
néo-libéralisme contemporain reprend comme un symbole positif de
modernité dans un contexte mondial de régression sociale. Mais
d'observer la transformation du rapport de l'individu au social, à ses
groupes et communautés, chez des classes travailleuses qui restent à la
base de toute activité, dans un contexte où une nation veut se posi
tionner, comme tant d'autres, dans la course à la mondialisation.
Dans la situation actuelle, on peut remarquer que le processus
d'inclusion des nations dans la mondialisation paraît différent de celui
de l'insertion du capitalisme dans la forme Etat-nation. Lorsque le
capitalisme pénètre en chaque nation pour mobiliser la main-d'œuvre,
il laisse chacune inventer les formes de sa démocratie et de sa protec
tion sociale : chacune, incarnation de l'universel politique, exprime son
lien social spécifique. Quand le capitalisme se mondialise, il cherche les
lieux où, entre autres facteurs qui favorisent la valorisation du capital,
le social et le politique présentent le moins d'obstacles. On voit alors
les nations se plier à ses exigences, le flatter pour l'attirer : l'individu
est alors en perte d'identité du fait de la déstabilisation de ses cadres de la classe ouvrière brésilienne 619 Perspectives
sociaux habituels. Nul ne voit quelle structure sociale plus large que la
nation serait en mesure de réguler un capital largement libéré
d'entraves sociales et politiques. La pression est directe, l'individu est
désigné comme l'unité sociale de base capable de gagner toutes les
batailles dont le capitalisme seul dessine la configuration. Le dévelop
pement actuel n'a d'autre propos civilisateur que cette idéologie de
l'individu et celle de la croissance.
Or, le groupe domestique semble devenir une unité sociale de réfé
rence, dans le milieu ouvrier de cette métropole urbaine formée de
migrants des quatre coins du pays, en portant des valeurs individuelles
différentes des valeurs individualistes du capitalisme. S'agissant de
classes dominées, il y a peu de danger de céder au genre de la bio
graphie exemplaire, celle de leurs « grands hommes » qui auraient fait
ou feraient encore l'histoire. Il ne s'agit pas non plus de tomber dans
le genre inverse, de louer les humbles qui l'ont subie. Il s'agit de bio
graphies de gens du commun, qui ne dirigent ni ne subissent spécial
ement l'histoire, mais qui en général y participent. Qui sont les indivi
dus nés de cette rencontre entre l'univers social du capitalisme et
l'univers privé d'une société qu'il n'a pas totalement pénétrée?
L'approche biographique a paru adéquate pour établir, au plan
anthropologique, les actes de cette rencontre1.
Après avoir décrit les formes de l'action que l'on peut rencontrer
dans le milieu et les familles ouvrières (1), on présentera une réflexion
sur ce qui nous semble être un nouveau statut de la vie privée dans la
vie sociale, celle du travail en particulier (2), sur les tensions dont les
représentations du sont l'enjeu (3), pour finalement poser la
question de la démocratie dans l'économie et plus particulièrement
dans les rapports de travail (4). Car il semble que ce soit à cet horizon
qu'une mondialisation durable puisse prendre place, une fois dépassé
l'actuel processus de domination et de repli sur soi des plus puissants.
I. LES FORMES DE L'ACTION
Chaque forme d'action est construite sur l'homogénéité d'un
espace social qui a un sens et une portée : militantisme national, local,
critique sociale née de marginalités proches de la classe ouvrière,
1. Robert Cabanes, Travail, famille, mondialisation. Récits de la vie ouvrière à Sâo Paulo, Brésil, ird-
Karthala, 2002, 480 p. 620 Robert Ca

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