Prison et prisonniers dans le théâtre de Corneille - article ; n°1 ; vol.37, pg 137-150
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1985 - Volume 37 - Numéro 1 - Pages 137-150
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 27
Langue Français

Extrait

Monsieur Alain Couprie
Prison et prisonniers dans le théâtre de Corneille
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1985, N°37. pp. 137-150.
Citer ce document / Cite this document :
Couprie Alain. Prison et prisonniers dans le théâtre de Corneille. In: Cahiers de l'Association internationale des études
francaises, 1985, N°37. pp. 137-150.
doi : 10.3406/caief.1985.1950
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1985_num_37_1_1950PRISON ET PRISONNIERS
DANS LE THEATRE DE CORNEILLE
Communication de M. Alain COUPRIE
(Paris)
au XXXVP Congrès de l'Association, le 25 juillet 1984
De Clitandre injustement incarcéré à Suréna menacé
d'arrestation, le thème de la prison est l'un des plus constants
du théâtre de Corneille : quatorze pièces l'orchestrent, qu'il
s'agisse de comédie ou de tragédie (1). Son étude demande
d'être abordée sous trois angles au moins : dramaturgique,
juridico-politique et éthique.
Dramaturgique, parce que la représentation de la prison,
élément spectaculaire s'il en est, soulève des problèmes de
mise en scène auxquels Corneille a très vite été sensible et
à propos desquels, à l'instar de celles des théoriciens et de
ses confrères, ses conceptions évoluèrent.
Juridico-politique, parce que tout emprisonnement sanc
tionne ou doit sanctionner un délit tombant dûment sous le
coup de la loi, et que le premier devoir d'un monarque, selon
l'exemple de Salomon ou de saint Louis, est de rendre la
justice.
Mêdêe Polyeucte (1) Emprisonnement (IV, (IV, 4) 14) ; L'Illusion ; La réel Suite : comique Clitandre du menteur (IV, (III, 7) (I ; 3-4 dnna II, ; 4-7 IV, (IV, ; III) 6-7 1, ; v. Théodore V, 1120) 1) ;
(II, 5, v. 620 et passim) ; Héraclius (III, 2, v. 992-994 et passim) ;
Nicomède (IV, 4) ; Pertharite (III, 5, v. 1094-1095). Allusion à des empri
sonnements passés : Rodogune (I, 4, 18 et 264-268). Menace d'emprisonne
ment : Suréna (IV, 2). Cas des prisonniers de guerre : Sophobisbe (passim)
et Attila (passim : les rois Ardaric et Valamir). 138 ALAIN COUPRIE
Ethique enfin, parce que la privation de liberté s'oppose
à l'exigence d'autonomie chère au héros cornélien.
I. LA PRISON : PROBLEMES DE MISE EN SCENE
Quatre pièces de Corneille, toutes jouées entre 1630 et
1642, se déroulent au moins en partie dans une prison :
Clitandre (III, 34 ; IV, 6-7 ; V, 1), Médêe (IV, 4), L'Illusion
comique (IV, 7-9) et La Suite du Menteur, qui constitue un
cas extrême puisque tout le premier acte, une bonne moitié
du second et la totalité du troisième se passent dans une geôle
de Lyon.
C'est alors la mode de situer une péripétie de l'action dans
une prison, et Corneille se plie à cette vogue. Les années
1630-1643 correspondent au plein épanouissement de la
tragi-comédie qui, comme l'a montré R. Guichemerre (2),
aimait assez ce genre d'épisode romanesque. Il en va de même
de la comédie et surtout de la tragédie. En 1639, La Mesnar-
dière constate, dans sa Poétique, que « le spectacle des prisons
est assez ordinaire parmi les actions tragiques » ; ce «spec
tacle », explique-t-il, répond au principe aristotélicien faisant
de la terreur et de la pitié les ressorts fondamentaux de la
tragédie :
La noirceur et l'obscurité éclairées d'un rayon de feu et
d'une lumière sombre rendront la prison effroyable pour ce que
l'intention du poète dans la plupart des tragédies est d'émouvoir
la compassion pour les personnes captives, et que plus ces lieux
sont horribles, plus ils touchent le spectateur par un sentiment
de pitié (3).
De fait, à l'exception de La Suite du Menteur qui, il est
vrai, est une comédie, et où Dorante mène une existence
relativement confortable — il reçoit du courrier, des visites,
noue une intrigue amoureuse — , les prisons cornéliennes
inspirent de la terreur même aux âmes les plus nobles :
(2) La Tragi-comédie, Paris, P.U.F., 1981, p. 185-186 ; voir aussi
J. Scherer, La Dramaturgie classique en France, Paris, Nizet, 1950,
p. 167-168.
(3) Ch. XI, p. 414. PRISON ET PRISONNIERS CHEZ CORNEILLE 139
Clitandre prisonnier ! je n'en fais pas croyable
Ni l'air sale et puant d'un cachot effroyable,
Ni de ce faible jour l'incertaine clarté,
Ni le poids de ces fers dont je suis arrêté...
(Clitandre, III, 3)
et /Egée qualifie ainsi sa prison, dans Médée :
Demeure affreuse des coupables
Lieux maudits, funeste séjour (IV, 4) ;
lui aussi évoque une « pâle lumière » (v. 1209).
Cette description semble assez conventionnelle. Déjà, dans
Tyr et Sidon de Jean de Schelandre (1608), Belcar, arrêté
sur Tordre de Pharnabaze, se plaint d'être jeté dans un « noir
cachot »
Où les rats fourmillants [lui] tiennent compagnie (4).
C'est que la prison est d'abord conçue comme un élément
essentiel du décor pathétique. Même les geôliers ajoutent à
l'effroi. Celui de Clitandre possède un « visage » si « affreux »
qu' « il redouble [la] terreur » du héros (III, 3, V. 840) dont
les protestations d'innocence et les supplications le laissent
par ailleurs indifférent :
Soyez coupable ou non, je ne veux rien savoir (IV, 6).
Corrompu, le gardien de L'Illusion comique pratique un
humour cynique en faisant croire à Clindor que les juges
viennent de lui accorder la « faveur » de mourir de nuit.
Comme Clindor s'en étonne, il lui réplique :
Que de cette faveur vous tenez peu de conte !
D'un supplice public, c'est vous sauver la honte I (IV, 8)
A tort ou à raison, redoutée, parfois souhaitée, la mort appar
aît en effet comme inéluctable. La prison est presque toujours
une cellule de condamné à mort. Clitandre imagine « l'écha-
faud » qu'on lui « apprête » (IV, 7, v. 1235) ; le roi
(4) Cité d'après R. Guichemerre, op. cit., p. 185-186. 140 ALAIN COUPRIE
envisage de se suicider pour échapper à un supplice indigne
de sa condition princière (Médée, IV, 4, v. 1165-1168) ; quant
à Clindor, il tente de fortifier son âme par le souvenir de ses
amours :
Et lorsque du trépas les plus noires couleurs
Viendront à mon esprit figurer mes malheurs,
Figurez aussitôt à mon âme interdite
Combien je fus heureux par delà mon mérite.
(L'Illusion comique, IV, 7)
La description du lieu carcéral, la peinture des gardiens,
l'attente de la mort, tout concourt donc à faire de la prison
une donnée spectaculaire et pathétique de l'action dramat
ique. La recherche de l'effet est évidente.
Pourtant, après 1643, aucune pièce de Corneille ne repré
sente sur scène une prison et ses détenus. La rupture est
nette. Si l'on veut bien mettre à part la Suite du Menteur,
elle se produit même entre L'Illusion comique et Le Cid, le
roi Don Fernand se contentant d'assigner Don Diègue à
résidence : il aura, dit-il, « ma cour et sa foi pour prison »
(II, 8, v. 736). Sur cette évolution, Corneille s'est expliqué
dans l'édition de ses œuvres de 1660. Il avance quatre rai
sons.
La première tient aux difficultés de mise en scène. La
demi-obscurité et les grilles d'un cachot sont une gêne pour
les spectateurs, comme il l'écrit dans l'Examen de Médée :
La prison où je mets JEgée est un spectacle désagréable que
je conseillerais d'éviter : ces grilles [...] éloignent l'acteur du
spectateur et lui cachent toujours plus de la moitié de sa
personne.
En conséquence, l'acteur était souvent tenté de sortir de son
cachot pour réciter son rôle, ce qui heurte la vraisemblance (5).
(5) La Mesnardière, op. cit., ch. XI, p. 413 : « Jamais la personne
captive ne doit sortir en parlant des bornes de sa prison pour se jeter de
ce lieu-là sur le devant du théâtre [...]. Le spectateur est choqué s'il voit
que les prisonniers [...] ne se sauvent pas dès l'instant qu'on leur laisse la
liberté d'aller partout où il leur plaît ». PRISON ET PRISONNIERS CHEZ CORNEILLE 141
La seconde raison a trait à l'unité de lieu. La prison est
un lieu parmi d'autres. Même si l'emploi d'une « tapisseri

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