Profession, participation, patient : trois enjeux pour la qualité des soins (Commentaire) - article ; n°2 ; vol.19, pg 99-109
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Sciences sociales et santé - Année 2001 - Volume 19 - Numéro 2 - Pages 99-109
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 23
Langue Français

Extrait

Franck Cochoy
Profession, participation, patient : trois enjeux pour la qualité des
soins (Commentaire)
In: Sciences sociales et santé. Volume 19, n°2, 2001. pp. 99-109.
Citer ce document / Cite this document :
Cochoy Franck. Profession, participation, patient : trois enjeux pour la qualité des soins (Commentaire). In: Sciences sociales et
santé. Volume 19, n°2, 2001. pp. 99-109.
doi : 10.3406/sosan.2001.1522
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/sosan_0294-0337_2001_num_19_2_1522Sociales et Santé, Vol. 19, n° 2, juin 2001 Sciences
Profession, participation, patient :
trois enjeux pour la qualité des soins
Commentaire
Franck Cochoy*
L'étude très dense et stimulante que M. Robelet consacre à la mise
en œuvre des démarches qualité dans le secteur de la santé véhicule deux
types d'enseignements. Le premier porte sur ce que la qualité nous
apprend de la profession médicale : sa diversité, ses logiques, ses front
ières, mais aussi son dynamisme et sa très rapide transformation. Le
second enseignement porte sur ce que le secteur médical nous apprend de
la qualité : son adaptabilité, sa plasticité, V étonnant pouvoir de pénétrat
ion de cet outil de gestion, quels qu'en puissent être les lieux d'applicat(1). Ces deux enseignements sont bien sûrs liés : c'est bien parce que
* Franck Cochoy, sociologue, CERTOP, Université Toulouse II, Maison de la
Recherche, 5, allée Antonio-Machado, 31058 Toulouse Cedex, France.
(1) Les démarches qualité touchent non seulement l'organisation de la production
(entre 1990 et janvier 2001, l'Association française pour l'assurance qualité a délivré
16 000 certificats ISO 9000 dans le monde !) mais aussi la protection de l'environne
ment (l'émergence du référentiel ISO 14 000 dédié à la qualité environnementale est
en pleine croissance : apparue en 1995, la certification ISO 14 000 a connu une pro
gression de 60 % entre 1999 et 2000, avec près de 500 certificats attribués aujour
d'hui) (source : http://www.afaq.org). Par ailleurs, les démarches qualité s'étendent du
secteur privé vers le secteur public : le secteur hospitalier n 'est pas le seul à être
concerné ; presque toutes les administrations sont aujourd'hui touchées, que la qualité
y soit implantée de façon directe ou indirecte, avec la généralisation du « pilotage par
le bas » des organismes publics (Weller, 1998). FRANCK COCHOY 100
la qualité vient rejoindre la logique professionnelle, et parce que la pro
fession médicale se saisit de la qualité pour redéfinir sa place, son rôle et
son identité, que la qualité progresse et que la santé poursuit sa mutation.
Je voudrais revenir sur cette liaison en soulignant, à partir des résultats
et de l 'analyse de M. Robelet, combien la qualité des soins nous amène à
repenser non seulement les contours et le fonctionnement de la profession
médicale, mais aussi à examiner en d 'autres termes les rapports qu 'elle
entretient avec son environnement.
Qualité et profession
Les médecins appartiennent, comme les avocats, à l'univers des pro
fessions libérales. Karpik avait attiré notre attention sur le fonctionne
ment économique très particulier d'un tel univers : comme la logique
professionnelle interdit à ceux qu 'elle régit tout recours à la publicité et
à la concurrence par les prix, les avocats ont été amenés, pour trouver
leur clientèle, à s'inscrire dans une « économie de la qualité » fondée sur
le contrôle de l 'Ordre professionnel et sur l 'établissement de relations de
confiance et de réputation avec leurs clients (Karpik, 1989). L'article de
M. Robelet nous permet de comprendre combien l'irruption de la « qual
ité industrielle » dans le secteur médical s 'écarte de « l 'économie de la
qualité » qui règne encore du côté des avocats. Cette qualité industrielle
n 'est pas construite dans le cadre du colloque singulier avec le client
(avocats) ou avec le patient (médecins) ; il s'agit au contraire d'une
démarche venue du dehors, en relation avec des partenaires extérieurs à
la profession médicale (pouvoirs publics, experts en qualité...).
Comment comprendre qu 'un Ordre professionnel accepte ainsi de se
soumettre à une régulation « venue d'ailleurs » ? La pénétration des
démarches qualité dans le secteur des soins saperait-elle les fondements
mêmes de la profession médicale (Freidson, 1984) ? Il me semble que
l'étude de M. Robelet permet d'élucider la première question en répon
dant de façon négative à la seconde : si la médecine s'ouvre à la qualité
industrielle (par opposition aux avocats dont la qualité reste — pour l 'ins
tant ! — le privilège exclusif de l 'Ordre correspondant), ce n 'est pas
parce que la qualité industrielle « changerait la médecine », mais parce
que cette qualité donne la mesure des changements intervenus dans le
corps médical et son environnement. Trois raisons me semblent pouvoir
appuyer cette vision des choses.
La première raison tient moins au cas de la médecine qu 'aux subti
lités de la qualité industrielle et aux mécanismes de sa diffusion. Segrestin TROIS ENJEUX POUR LA QUALITE DES SOINS 1 0 1
(1997) doutait que l'adoption de référentiels qualité censés s'appliquer
« tels quels » puisse entraîner une quelconque uniformisation des entre
prises certifiées. A l 'appui de cette thèse, il soulignait combien les mêmes
référentiels recevaient en pratique des applications différenciées. Mais
la différenciation des applications est précisément ce que prescrivent les-
dits référentiels ! Adapter ces normes, c'est les appliquer « telles
quelles » ; les systèmes de gestion de la qualité ne aucun
contenu unique, sinon l'injonction d'être universellement adaptés ;
comme le dit M. Robelet « l'accréditation ne prescri(t) pas de façon nor
mative une méthode d'amélioration de la qualité des soins » ; « La défi
nition de la qualité (...) est déléguée à la profession ». Cette
caractéristique explique sans doute le succès et l 'ubiquité des démarches
qualité : si un produit se diffuse d'autant mieux qu'il peut être adapté
(Akrich et al., 1988), on comprend qu'un produit qui n'a d'autre sub
stance que la prescription d'être lui-même adapté à ses différents
contextes d'utilisation soit difficilement résistible, et pénètre de proche
en proche tous les secteurs de l'activité sociale (2)... y compris ceux qui,
telle la médecine, sont a priori et par définition fermés à l'intrusion de
tout contrôle extérieur.
On rejoint ici la seconde raison qui explique que la qualité pro
gresse dans la profession médicale sans forcément la remettre en cause,
à savoir que cette qualité n 'est paradoxalement en rien incompatible avec
les règles qui régissent une telle profession. Les démarches qualité repo
sent sur l 'écriture des procédures de travail par les acteurs eux-mêmes,
c'est-à-dire sur l'instauration d'un « autocontrôle » (Rot, 1998). Or cette
façon de faire, qui consiste pour chacun à s 'enchaîner à sa propre prat
ique, vient fort opportunément rejoindre l'autodiscipline en vigueur dans
les professions libérales : comme le souligne M. Robelet, la « fibre de
l'identité et de l'autonomie professionnelle (est) perceptible dans les trois
démarches qualité étudiées ». Le cas de la pneumologie, par exemple,
montre que certains médecins, loin de voir dans la qualité une prescrip
tion extérieure qui viendrait violer leur autonomie, y discernent plutôt le
(2) La plupart des reproches qui sont adressés aux politiques de la qualité tiennent
moins aux di spositifs eux-mêmes qu 'à leur mauvaise application : c 'est ici que se pose
le problème de la « qualité de la qualité », de la distinction entre une qualité imposée
par des administrations et des entreprises trop longtemps habituées à des modes de
gestion centralisés, et une qualité plus conforme aux référentiels eux-mêmes, c 'est-à-

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