Psychologisme et sociologisme - article ; n°1 ; vol.15, pg 357-372
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Description

L'année psychologique - Année 1908 - Volume 15 - Numéro 1 - Pages 357-372
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1908
Nombre de lectures 78
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Ruyssen
Psychologisme et sociologisme
In: L'année psychologique. 1908 vol. 15. pp. 357-372.
Citer ce document / Cite this document :
Ruyssen . Psychologisme et sociologisme. In: L'année psychologique. 1908 vol. 15. pp. 357-372.
doi : 10.3406/psy.1908.3761
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1908_num_15_1_3761VIII
PSYCHOLOGISME ET SOCIOLOGISME
REVUE DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSE
Le dessein de cette brève étude ne saurait être de passer en revue
ni de discuter les innombrables travaux qui, d'une année à l'autre,
signalent la prospérité croissante des études de philosophie rel
igieuse objective. Une publication spéciale, une « Année de philoso
phie religieuse », ne serait pas de trop pour résumer les recherches
scientifiques qu'encourage la curiosité informée d'un public sans
cesse plus nombreux. On voudrait simplement ici, à la lumière de
quelques ouvrages caractéristiques, rappeler la division très tran
chée qui, à l'égard des phénomènes religieux, s'est établie entre
deux catégories de chercheurs et signaler les inconvénients, très
grands semble-t-il, de cette répartition du travail scientifique.
A vrai dire, les deux modes d'explication auxquels nous pensons,
l'explication psychologique et l'explication sociologique — ou, pour
employer un terme commode, le psychologisme et le sociologisme —
correspondent à deux aspects bien divers de la vie religieuse. Pour
définir — ce qu'on n'a pas encore fait de manière satisfaisante —
le « fait religieux », on est naturellement appelé à classer les manif
estations de la vie religieuse. Or, il n'est pas douteux que le mot
religieux convienne également à deux formes de réalité en appa
rence très distinctes. D'une part, nul ne songe à refuser cette qual
ification, à certains modes bien définis de la conscience et de l'acti
vité sociales, à savoir les dogmes et les rites, et l'on reconnaîtra
sans peine que dogmes et rites n'ont de sens, même aux yeux
de l'individu, qu'autant qu'ils sont collectifs. Un dogme n'est tel
qu'autant qu'il est imposé par une autorité collective à la conscience
du croyant; un rite, même domestique, est-pfcr définition même
l'accomplissement d'une formule traditionnelle. Devant la rigueur
imperative des croyances et des pratiques communes, les diff
érences individuelles s'atténuent ou s'effacent. Dès lors, c'est du
dehors que le fait religieux se prête à l'observation; l'étude des
réactions internes semble n'enrichir en rien la connaissance objec
tive du phénomène. — Et d'autre part, on ne peut davantage con
tester la nature religieuse de catégories très définies de phéno
mènes purement intérieurs : émotions toutes subjectives, réactions -^
358 MÉMOIRES ORIGINAUX
tout individuelles du « divin » dans l'enceinte inviolable de la
conscience, « extase », « conversion » tous états qui, pour être
sans doute réductibles à des phénomènes psychiques généraux,
n'en constituent pas moins dans la vie mentale un ensemble nett
ement différencié, du à premier examen. Or, ce qu'il y a de
singulièrement frappant, c'est que l'intensité et la richesse de la
vie religieuse interne peuvent n'avoir avec les formes extérieures
de la vie religieuse que des rapports lâches et indistincts, bien plus,
elles peuvent être en raison inverse l'une de l'autre. Dans une
société très ritualiste, très dogmatique, les explosions du mysticisme
individuel ont peu de chances de se produire; ou, quand elles ont
lieu, elles amènent fréquemment un recul de l'élément dogmatique
et rituel. Celui qui se croit en communion intime avec Dieu, n'a
que faire, pour se rapprocher de lui, de l'efficacité des formules et
des actes collectifs. C'est ainsi que les réformateurs religieux, ou
simplement les auteurs de « réveils » religieux au sein d'une Église,
ont très généralement dénoncé la routine, le pharisaïsme et le
formalisme '. De sorte que l'on a pu légitimement voir les types les
plus parfaits de la religiosité profonde dans ceux-là mêmes qui
rompaient avec les rites et avec les dogmes 2.
Sociologues et psychologues vont donc leur chemin, poursuivant,
avec des procédés divers, des fins sensiblement différentes. Or, si
la valeur des résultats suffit à justifier les méthodes, il n'est pas
douteux que les uns et les autres aient raison et fassent d'utile
besogne. Dans l'article célèbre qu'il écrivait, il y a dix ans déjà, sur
la Définition des Phénomènes religieux, M. Durkheim disait avec raison :
« Cette définition une fois admise, la science des religions se
trouve, par cela seul, orientée dans un sens déterminé et qui en
fait une science vraiment sociologique 3 ». Si, en effet, on arrive à
démontrer que ni l'idée du mystère, ni même celle de Dieu ne sont
essentielles à la religion, si le fait religieux se réduit à l'obligation
de croire à certains dogmes admis par une collectivité et à celle
d'exécuter les pratiques connexes à ces croyances, il est clair que,
dès lors, le « problème se pose en termes sociologiques. Les forces
devant lesquelles s'incline le croyant ne sont pas de simples
énergies physiques... ce sont des forces sociales » (p. 24). Plus
énergiquement encore, M. Durkheim aurait dit dans une conférence
plus récente : « Dieu c'est la société * ». Dès lors, l'étude de l'action
que le fidèle croit exercée spécialement sur lui par Dieu, si elle
garde son intérêt psychologique, n'est plus spécifiquement essent
ielle à la science de la religion; c'est un aspect « subsidiaire », et
c'est au dehors de la conscience individuelle, dans les données
fournies par l'ethnographie sur les croyances collectives et les rites,
1. Cf. Höffding, p. Ill et suiv.
2. Cf. Boutroux, p. 204.
3. II' Année sociol., p. 23.
4. A. Lalande. Philosophy in France (1905), in Philos. Review, mai 1906,
p. 255. TH. RUYSSEN. — PSYCHOLOGISME ET SOCIOLOGISME 359
que le sociologue trouvera la matière nécessaire et suffisante de
son enquête.
Et ainsi procèdent, depuis quelque dix ans, avec une remarquable
continuité, les disciples du maître. Si MM. Hubert et Mauss étudient
le sacrifice, c'est son « mécanisme », ce sont les rites, les instru
ments, les lieux qu'ils décrivent, et non pas l'état d'âme du sacrifiant.
Et s'ils se demandent dans la conclusion comment il se fait que le
fidèle sacrifie ses biens à des pouvoirs mystérieux dont l'existence
est toujours « fantomatique », ils répondent que « les notions
religieuses, parce qu'elles sont crues, existent objectivement
comme faits sociaux. Les choses sacrées par rapport auxquelles
fonctionne le sacrifice sont des choses sociales. Et cela suffit pour
expliquer le * ». Le fidèle sacrifie non à ses dieux, mais à
la croyance collective. Dans le mémoire où ils esquissent une
Théorie générale de la magie, les mêmes sociologues cherchent à
établir que les faits magiques, fréquemment considérés comme
une revanche du sens individuel sur le sens collectif, sont dans
le fond, des choses sociales, au même titre que les faits qu'on
appelle religieux. Esprits de la nature, pouvoirs magiques «. n'ont
d'existence que par le consensus social, l'opinion publique de la
tribu2 ». Ainsi la magie, dans les conceptions qu'elle suppose et
dans ses rites spéciaux, imite en somme les représentations et les
rites religieux du milieu où elle s'exerce. L'essai si intéressant de
M. Mauss sur les Variations saisonnières des Sociétés Esquimos est
exclusivement un « Essai de morphologie sociale ». En effet, si la
vie religieuse de l'Esquimos se concentre presque entièrement dans
l'hiver, tandis que l'été est pour lui un retour à une vie presque
entièrement profane, c'est que la saison froide oblige les familles
esquimos à se grouper en agglomérations très serrées dans lesquelles
la vie sociale prend, du fait même des conditions physiques, un
caractère de communauté plus étroite

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