Quand la philosophie engage la vie - article ; n°1 ; vol.78, pg 46-56
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Description

Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique - Année 2003 - Volume 78 - Numéro 1 - Pages 46-56
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2003
Nombre de lectures 76
Langue Français

Extrait

Florence Laborie
Quand la philosophie engage la vie
In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique. N°78, 2003. pp. 46-56.
Citer ce document / Cite this document :
Laborie Florence. Quand la philosophie engage la vie. In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique. N°78, 2003. pp.
46-56.
doi : 10.3406/chris.2003.2434
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_2003_num_78_1_2434Quand la philosophie engage la vie
Florence Laborie *
Comment faire rejoindre la pratique philosophique et la pratique de la
vie ? Florence Laborie propose un chemin partant de la définition livresque
de la philosophie, pour aboutir à une présentation des courants hellénis
tiques qui n'envisageaient pas de séparation entre la philosophie et la vie, en
particulier Epicure. Ce texte est la transcription d'une conférence tout public
donnée dans le cadre de l'association « de la théologie pour tous »', avec
l'aimable autorisation de son auteur.
Un long cortège de livres
Nous tenterons dans un premier temps d'examiner une définition première
de la philosophie en la saisissant dans sa consistance la plus manifeste, à
savoir ce long cortège de livres qui fait bibliothèque, des livres qui sont
« professionnellement » évalués comme philosophiques par ceux qui y
reconnaissent la marque de fabrique de leurs pairs. Il semblerait donc que
seule la philosophie permet de distinguer ce qui est philosophique de ce qui
ne l'est pas. En cela, elle satisfait l'exigence du retour de la pensée sur soi.
C'est le cercle, non vicieux, de la réflexivité de la pensée. L'évaluation de la
chose philosophique est donc en quelque sorte auto-réferentielle, et le réfè
rent livresque est central dans sa constitution comme discipline scolaire ou
universitaire. Cette présence de la philosophie peut donc être comprise de
façon restrictive comme une circulation d'œuvres produites par des profes
sionnels de la philosophie qui s'adressent à d'autres professionnels de la phi
losophie, leurs pairs, eux-mêmes auteurs et historiens de la philosophie, pro
fesseurs, universitaires, parfois ecclésiastiques.
Lectures critiques, transmission possible
C'est ainsi qu'Aristote est un lecteur critique de Platon, Spinoza un lecteur
critique de Hegel, Kant un lecteur critique de Hume, Marx un lecteur critique
de Hegel, Heidegger un de Nietzsche... Le caractère appa
remment circulaire de sa manifestation savante ne plaide pas en sa faveur. Le
* Florence Laborie est professeur de philosophie.
1. Renseignements: delatheopourtous@yahoo.fr
46 Quand la philosophie engage la vie
cercle de la clôture et de la sclérose la menace et c'est pourtant cette techni
cité toute professionnelle qui en constitue le noyau dur, l'assise durable et la
fixité. C'est cette technicité souvent décriée qui rend tout simplement la
transmission de la chose philosophie possible et dans l'acte de sa transmiss
ion, la compréhension toujours renouvelée d'elle-même.
La philosophie n'existe qu'en acte
Si un enseignement de la philosophie existe aujourd'hui, il ne peut consist
er dans l'acte de restitution simple de doctrines. Il ne s'agirait alors que de
l'histoire des idées. En pareil cas l'acte d'enseignement se réduirait à trans
vaser des contenus de savoirs d'un sujet (le maître) dans un autre sujet
(l'élève). Si les contenus des mathématiques ou de la physique préexistent à
leur transmission, ce n'est pas le cas de la philosophie. La philosophie ne
préexiste pas à son enseignement, mais n'advient à l'existence que dans son
actualisation. Elle n'existe qu'en acte. Cet acte de pensée se réalise dans la
discursivité et donc dans le temps nécessaire à son expression qui est le
temps propre de la pensée.
La beauté du geste philosophique
II semblerait qu'il y ait une spécificité propre à l'enseignement de la philo
sophie dans son cadre moderne : dans la transmission non pas de solutions
trouvées, mais de problèmes à poser. Dans la d'une manière de
questionner, on rencontre une exigence intérieure qui reconduit chacun à
faire pour lui-même un cheminement de pensée. Cette exigence fait toute la
beauté du geste de la transmission et toute son excessive difficulté.
Maurice Merleau-Ponty: « Les livres, ils ne sont enfin que des paroles plus
cohérentes. Or la philosophie mise en livres a cessé d'interpeller les
hommes. Ce qu 'il y a d'insolite et presque d'insupportable en elle s 'est caché
dans la vie décente des grands systèmes. Pour retrouver la fonction entière
du philosophe, il faut se rappeler que même les philosophes auteurs que nous
lisons et que nous sommes n'ont jamais cessé de reconnaître pour patron un
homme qui n 'écrivait pas, qui n 'enseignait pas, du moins dans des chaires
d'État, qui s 'adressait à ceux qu 'il rencontrait dans la rue et qui a eu des dif
ficultés avec l'opinion et avec les pouvoirs, il faut se rappeler Socrate »
(Éloge de philosophie, Leçon inaugurale au Collège de France en 1951).
Socrate
La figure incontournable de Socrate, (469-399 av. J.-C.) est paradoxale
ment emblématique à cet égard. Socrate est ce héros fondateur qui fait rup
ture dans l'histoire de la pensée occidentale par l'abandon de son objet - pré-
47 Florence Laborie
socratique - antérieur: l'étude de \aphusis (la Nature) au profit d'un autre, la
psuké (l'Âme) se tournant vers elle-même: l'âme dans sa réflexivité, l'âme
réfléchissant la condition humaine, l'âme se manifestant essentiellement
comme conscience intellectuelle et conscience morale, spéculative et cri
tique. L'injonction du dieu delphique « Connais-toi toi-même » est la maxime
même de la philosophie. Elle détermine le caractère réflexif de la pensée.
Doublement emblématique, Socrate fait rupture par rapport aux sophistes
qui sont des professeurs qui enseignent (moyennant large rétribution),
l'ensemble des connaissances utiles à la réussite sociale: la maîtrise de l'él
oquence, l'art de la parole, une compétence rhétorique et argumentative. La
valeur des objets de dispute est en réalité indifférente (le faux peut se faire
passer pour le vrai). Un tel enseignement est toujours finalisé sur l'intérêt
particulier: une réussite professionnelle, politique.
L'effet déceptif
Le questionnement socratique se défend de toute prétention d'enseigne
ment et se passe de la trace écrite. Le partage entre le Socrate historique et
celui si brillamment mis en scène par Platon dans ses dialogues est difficile à
opérer. Ce que l'on retient communément est le caractère profondément ir
onique de son questionnement et le risque assuré de l'aporie, cette déception
finale qui vient sanctionner la prétention initiale indue d'une connaissance
des Essences, l'essence du Bien, du Juste, du Beau...
L'effet déceptif a le cruel honneur de se découper sur un horizon de vérité
vers lequel s'oriente tout le questionnement socratique. L'atteinte de la
n'en est que plus désirable. L'effet déceptif se produit au terme d'un chemi
nement réellement dialectique: le jeu progressif des questions met en contra
diction l'interlocuteur de Socrate, démasque ses faux savoirs. Le seul avan
tage que possède Socrate sur ses interlocuteurs, c'est la conscience de son
ignorance. Fausse humilité pour certains, stratagème pour d'autres. La
méthode dialectique socratique que l'on appelle encore la maïeutique ou l'art
d'accoucher les esprits, pointe l'inconsistance des connaissances empiriques
qui n'enveloppent que l'accidentel, le particulier, l'aléatoire, le périssable; en
réalité tout ce qui fait la connaissance immédiate et commune que l'humain a
de lui-même et du monde.
L'horizon de vérité
Mais cette fonction négative et critique n'est pas le tout de la maïeutique.
Il s'agit bien de dégager un horizon de vérité où tout un chacun intuitionne
une essence, c'est-à-dire une universalité, une définition qui embrasse la tota-
48 Quand la philosophie engage la vie
lité des particularités, des singularités. On pourrait dire l'autorité d'une
norme qui, à rebours, annule l'arbitraire des jeux de langage, des chasses-
c

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