Quel avenir pour l'aide américaine à l'étranger ? - article ; n°151 ; vol.38, pg 539-551

Carol Lancaster

Description

Tiers-Monde - Année 1997 - Volume 38 - Numéro 151 - Pages 539-551
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: TIERS-MONDE
• Publié le: 01 janvier 1997
• Nombre de lectures: 36
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Carol Lancaster
Quel avenir pour l'aide américaine à l'étranger ?
In: Tiers-Monde. 1997, tome 38 n°151. Coopération internationale : le temps des incertitudes ( sous la direction
d'André Guichaoua ). pp. 539-551.
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Lancaster Carol. Quel avenir pour l'aide américaine à l'étranger ?. In: Tiers-Monde. 1997, tome 38 n°151. Coopération
internationale : le temps des incertitudes ( sous la direction d'André Guichaoua ). pp. 539-551.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_1997_num_38_151_5146QUEL AVENIR
POUR L'AIDE AMÉRICAINE
A L'ÉTRANGER?
par Carol Lancaster*
L 'aide américaine à l'étranger est dans une période transitoire. Elle s 'est
considérablement réduite ces dernières années, après la fin de la guerre froide
et sous l'effet des pressions budgétaires de Washington et des réels succès
remportés en Asie et en Amérique latine dans le domaine du développement.
Ces réductions sont appelées à se poursuivre, parallèlement à un changement
d'orientation, délaissant le « développement » pour s'attacher à des pro
blèmes généraux tels que la dégradation de l'environnement ou l'extension
des maladies, et à un changement dans la façon d'attribuer l'aide américaine,
délaissant les interventions directes pour répondre à des demandes d'assis
tance émanant de gouvernements ou d'ONG.
Les États-Unis fournissent de l'aide à l'étranger depuis la fin de la
deuxième guerre mondiale, soit plus d'un demi-siècle. Pourquoi alors
s'interroger sur l'avenir de l'aide américaine ? Parce que les futurs pro
grammes d'aide américains seront probablement très différents de ceux
des cinq dernières décennies ; ils seront sans doute de moindre envergure
et auront des objectifs différents.
Aujourd'hui, les États-Unis fournissent une aide bilatérale et multilat
érale. L'aide bilatérale, qui s'élevait à 6,1 milliards de dollars en 1996,
était principalement gérée par I'usaid, l'Agence des États-Unis pour le
développement international. Les contributions américaines aux organi
sations multilatérales atteignaient 1,4 milliard de dollars en 1996, un peu
plus de 1 milliard de dollars étant alloué à la Banque mondiale et à des
banques de développement régionales, et 285 millions de dollars étant
fournis à titre de contributions volontaires à des organismes des Nations
Unies tels que le Programme des Nations Unies pour le développement.
* Georgetown University.
Revue Tiers Monde, t. XXXVIII, n° 1 5 1 , juillet-septembre 1997 540 Carol Lancaster
Aide américaine étrangère (en milliards de dollars)
1991 1992 1993 1994 1996 1990 1995
Aide bilatérale
0,799 1,07 1,31 1,18 1,25 1,02 Afrique 1,13
0,297 3,78 2,99 2,88 2,65 2,64 2,58 Asie (Israël)* et Proche-Orient
1,19 1,85 1,2 1,2 1,2 1,2 1,2
(Egypte)* 0,811 0,815 0,815 0,818 0,826 0,815 0,815
Amérique latine 1,54 1,17 1,28 0,989 0,642 0,651 0,508
Europe de l'Est et NEI 3,28 0,718 1,69 1,19 1,31 1,28 0,733
Sous-total — Programmes 5,916 6,738 6,313 6,739 5,732 5,731 5,388
Autres — Frais administrat
0,644 ifs et de fonctionnement 0,579 0,606 0,676 0,917 0,676 0,553
Illustration non autorisée à la diffusion
Aide d'urgence 0,029 0,108 0,07 0,049 0,166 0,169 0,181
Sous-total 6,524 7,452 7,059 7,705 6,574 6,544 6,122
1994 1990 1991 1992 1993 1995 1996
Aide multilatérale
BMD 1,47 1,62 1,52 1,49 1,43 1,82 1,15
ONU 0,274 0,284 0,28 0,32 0,36 0,374 0,285
1,904 Sous-total 1,744 1,8 1,81 1,79 2,194 1,435
Total aide 8,268 9,356 8,859 9,515 8,364 8,738 7,557
* En 1990, les chiffres relatifs à Israël et à l'Egypte étaient comptés dans l'enveloppe Europe de l'Est.
De 1991 à 1996, ils sont inclus dans l'enveloppe Asie et Proche-Orient.
(Source : usaid, Tableaux résumés de présentation au Congrès, années diverses.)
Comme le montre le tableau, les principaux bénéficiaires de l'aide amér
icaine sont Israël et l'Egypte, car le montant de l'aide qu'ils reçoivent est
resté identique depuis six ans, malgré les variations apportées à d'autres
programmes. Plus généralement, l'aide américaine a diminué de 2 mil
liards de dollars depuis 1 993, ce qui constitue la plus forte baisse et ramène
l'aide américaine à son niveau réel le plus bas depuis maintes années.
DÉPRÉCIATION DES ARGUMENTS
EN FAVEUR DE L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT
Les raisons des futures modifications du montant et de l'orientation de
l'aide américaine sont multiples. La première, de toute évidence, est la fin
de la guerre froide. Les États-Unis, plus que tout autre État, ont modelé et Quel avenir pour l'aide américaine à l'étranger ? 541
justifié leur programme d'aide étrangère de façon à contenir l'expansion
de l'influence soviétique. La sécurité représentait un argument important
pour persuader un Congrès et un public américains sceptiques d'apporter
leur soutien à des montants d'aide relativement importants année après
année. Et les préoccupations relatives à l'influence soviétique en Afrique,
dans certaines régions d'Asie, au Moyen-Orient et même en Amérique
latine (particulièrement après l'arrivée au pouvoir de Fidel Castro) orien
taient le choix des pays bénéficiaires et même les objectifs pour lesquels
l'aide était allouée. Il n'existe aucune autre explication au fait que le Zaïre
ait été le principal bénéficiaire de l'aide américaine en Afrique subsaha
rienne durant la majeure partie de la période comprise entre 1965 et 1990.
En outre, le président Mobutu était maître dans l'art de manipuler tant les
craintes de Washington que la politique interne du gouvernement améri
cain pour recueillir des montants significatifs sur une période si longue.
Depuis la fin de la guerre froide, il est beaucoup plus difficile de trouver
une justification convaincante aux programmes d'aide à l'étranger, sus
ceptible de recueillir le soutien, ou même seulement l'accord, des scepti
ques au Congrès (nombreux aujourd'hui) et parmi la population améric
aine. L'impact de la fin de la guerre froide sur l'importance de l'aide à
l'étranger est évident parmi l'élite politique aux États-Unis. Les hauts
fonctionnaires du département d'Etat ont beaucoup moins intérêt à
demander davantage d'aide au président ou au Congrès maintenant
qu'elle n'est plus un outil essentiel de la diplomatie américaine.
Il existe une autre raison, moins largement admise, au déclin de l'i
mportance de l'aide étrangère dans la Il s'agit du
succès relatif de nombreux pays en développement en matière de crois
sance économique. Un simple examen des revenus par tête en Amérique
latine montre que très peu de pays (par exemple Haïti et le Honduras)
peuvent maintenant avoir accès aux prêts préférentiels de l'Association
internationale pour le développement (ida) de la Banque mondiale. Les
indicateurs de progrès économique en Asie, dans une grande partie du
Moyen-Orient, ainsi qu'en Amérique latine, montrent une amélioration
sans précédent sur les cinq dernières décennies : espérance de vie en
hausse, taux d'alphabétisation en hausse, taux de mortalité infantile en
baisse et augmentations significatives du revenu réel par tête. Cela ne
signifie pas que ces pays ne connaissent pas de véritables problèmes de
pauvreté. Aujourd'hui encore, des millions de personnes vivent dans un
dénuement extrême. Mais il est certain qu'une part importante de la
base du développement - l'infrastructure physique et humaine - est en
place dans nombre de pays autrefois pauvres et que les gouvernements
de ces pays sont de plus en plus capables de financer eux-mêmes leurs
investissements publics. L'aide étrangère n'est plus essentielle. Carol Lancaster 542
Un troisième changement, intervenu dans les cinq dernières années,
affecte la justification fondamentale de l'aide au développement (par
opposition à l'aide fournie dans un but diplomatique). Il s'agit de l'e
xtraordinaire croissance des flux de c