Quelques exemples de l utilité pratique des études ethnologiques. - article ; n°2 ; vol.1, pg 195-206
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Description

Journal de la Société des Africanistes - Année 1931 - Volume 1 - Numéro 2 - Pages 195-206
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1931
Nombre de lectures 18
Langue Français

Extrait

Maurice Prouteaux
Quelques exemples de l'utilité pratique des études
ethnologiques.
In: Journal de la Société des Africanistes. 1931, tome 1 fascicule 2. pp. 195-206.
Citer ce document / Cite this document :
Prouteaux Maurice. Quelques exemples de l'utilité pratique des études ethnologiques. In: Journal de la Société des Africanistes.
1931, tome 1 fascicule 2. pp. 195-206.
doi : 10.3406/jafr.1931.1509
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0037-9166_1931_num_1_2_1509EXEMPLES DE L'UTILITÉ PRATIQUE QUELQUES
DES ÉTUDES ETHNOLOGIQUES,
Maurice PROUTEAUX
Administrateur en chef des Colonies.
Il peut sembler superflu, il devrait être superflu, d'agiter encore la ques
tion des enseignements que peuvent retirer des études ethnologiques tous
ceux qui vivent et travaillent au milieu des populations primitives. Cepend
ant, il apparaît nettement que la valeur de ces études est sous-estimée
en bien des circonstances. J'ai entendu, récemment encore, faire à nos
Sociétés le reproche d'être trop académiques, de se passionner pour des
questions d'un intérêt spéculatif que tout le monde admet, mais dont l'uti
lité pratique apparaît mal, et certes, à notre époque, voilà une critique
très grave.
Je n'ai pas besoin de développer, ici, combien elle est injuste. Pourtant,
au moment où la jeune Société des Africanistes fait ses débuts dans le
monde, au moment où elle va offrir à tous ceux qui s'intéressent à l'Afrique
et aux Africains, la facilité de soumettre leurs observations à des esprits
avertis, d'étayer réciproquement leurs recherches, d'en contrôler les
résultats, de confronter leurs hypothèses sous l'arbitrage de Maîtres incon
testés, n'est-il pas opportun de combattre l'incrédulité, d'assainir l'atmo
sphère autour de nous, de dissiper le brouillard qui estompe nos buts, de
façon que les bonnes volontés, qui sont nombreuses, se manifestent avec
confiance, et que les esprits curieux ne soient pas arrêtés par la crainte
d'être taxés de rêveurs.
Pour ne pas m'écarter moi-même du point de vue utilitaire, je pense
que les meilleurs arguments de propagande sont des faits. — Je me bor
nerai à vous conter quelques anecdotes qui montrent quelles facilités la
connaissance de la mentalité et des coutumes indigènes apporte aux
Administrateurs et aux Magistrats soucieux d'accomplir leur tâche avec 196 SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES
conscience, aux Colons mêmes, qui ont le légitime désir de mener leur
entreprise avec profit.
C'est évidemment dans le domaine politique, que l'Administrateur a
le plus fréquemment occasion de scruter la coutume. Et, je le dis tout de
suite, en ces matières, des notions superficielles ne suffisent pas. Elles
sont même souvent dangereuses, et je les sais responsables de bien des
erreurs et de bien des injustices. Seule une connaissance approfondie peut
donner à nos décisions la base raisonnable que tous nous désirons. En
voici un exemple.
Dans un cercle de la Haute Côte d'Ivoire, en pays Séné, un chef de
canton étant mort, on consulta suivant l'usage, sur le choix de son suc
cesseur, les notables et chefs de village intéressés. Ceux-ci, d'un commun
accord, désignèrent un homme de trente-cinq ans, qui fut immédiate
ment agréé. Rarement candidature se présentait sous des auspices aussi
favorables : héritier traditionnel sans contestation possible, le nouveau chef
était au surplus actif, intelligent et particulièrement docile à nos direc
tions.
En le présentant, les notables avaient indiqué que leur candidat leur
paraissait encore un peu jeune, et qu'ils voyaient des avantages à ne lui
confier que provisoirement le commandement pour le mettre en mesure
de faire ses preuves. Mais il avait largement dépassé la trentaine, et en
raison de ses qualités bien réelles, l'Administration ne retint pas l'avis des
notables, et installa immédiatement le jeune chef.
Or, dès les premiers mois, un singulier malaise se fit sentir. Contrai
rement à toutes les prévisions raisonnables, l'autorité du chef, en s'exer-
çant, diminuait au lieu de s'affermir. Une sourde opposition entravait
tous ses efforts, et les indigènes lui opposaient une inertie d'autant plus
inattendue qu'il s'agissait de populations très souples et très travailleuses.
D'abord, on supposa que son modernisme, si je puis dire, peut-être sa
docilité à suivre nos conseils, déconsidéraient le nouveau chef. Mais il
fallut se rendre à l'évidence. Les vieillards le soutenaient loyalement et
c'étaient les jeunes gens, les hommes de son âge, qui lui montraient cette
hostilité résolue.
L'énigme n'était pas impénétrable.
En pays Séné, tous les jeunes hommes sont soumis à une initiation sans
laquelle ils restent en marge de leur société, et notamment, nul ne peut
occuper une fonction, fût-ce celle de chef de famille, s'il n'a, pour user
d'une image hardie, satisfait aux examens de clôture et obtenu le diplôme.
Cette initiation est à la fois instructive et éducative ; on dévoile aux
néophytes le sens des symboles sacrés et les fondements véritables des UTILITÉ PRATIQUE DES ÉTUDES ETHNLOGOIQOES 197
croyances ; on leur apprend les règles et le formalisme que la coutume
prescrit. En même temps, on les plie à l'obéissance passive vis-à-vis des
chefs religieux ou civils, on les dresse aux pratiques d'assistance aux vieil
lards, de solidarité envers leurs égaux, et d'aide à leurs cadets.
Cette initiation comprend trois cycles de près de sept années chacun,
de sorte que, commençant aux environs de la puberté (entre onze et dix-
huit ans suivant l'occasion), elle ne se termine qu'après la trentaine et le
plus souvent aux environs de la quarantaine. Dans la langue courante, on
dit que les enfants entrent dans les cases (des bois sacrés), lorsqu'ils
débutent, et que les jeunes gens sortent des cases lorsqu'ils sont déclarés
initiés.
Or, le jeune chef de canton, à l'occasion duquel je rappelle ces détails,
avait été nanti de son commandement, un an exactement avant la sortie
des bois sacrés. C'était là le motif des réticences des notables et de leur
suggestion de ne pas introniser d'emblée leur candidat. Malheureusement,
avec une circonspection regrettable certes, mais qui se justifie souvent^
ils n'avaient pas osé exposer les raisons profondes de leur proposition.
Quoi qu'il en soit, le jeune Chef, un peu grisé par sa nouvelle puissance,
ne tarda pas à s'émanciper. Je veux dire qu'il négligea les devoirs d'obéis
sance et surtout de respectueuse déférence envers ses maîtres et, en par
ticulier, le chef du bois sacré de son clan. Ceux-ci, gens âgés et pleins
de sens, ainsi que les notables, lui pardonnaient facilement ses incartades,
ils reconnaissaient les qualités de leur élève, savaient les services qu'il
rendrait plus tard au canton, et étaient disposés à fermer les yeux;
Mais ils en furent empêchés par les camarades mêmes du jeune chef
qui, choqués et indignés de ses irrévérences, le mirent en quarantaine et
exigèrent son exclusion, de façon qu'il ne pût participer à la sortie offi
cielle du bois sacré, qui est la consécration publique des initiés, la procla
mation de leur qualité.
Il faut considérer que cette exclusion, si elle avait été effectivement
prononcée, eût couvert le jeune chef de honte et l'eût rendu inapte aux
fonctions qu'il occupait, de sorte que, comme tant d'autres, il fût devenu
un chef mannequin, simple agent de l'Administration, déconsidéré, et
que l'on se serait fait un plaisir de bafouer.
La situation était à ce point tendue, lorsque le hasard des mutations,
mit, pour quelques mois, à la tête de la subdivision, un Administrateur
qui avait la confiance des indigènes, de sorte qu'on ne lui cacha rien des
causes du soi-disant inexplicable malaise. L'Administrateur s'entremit,
fit comprendre aux jeunes gens que leur intransigeance aurait des consé
quences disproportionnées avec les fautes commises . . . D'autre part, le
délinquant fit les excuses que l'on voulut, et tout se calma. Le jeune chef
participa aux fêtes de la sortie des b

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