Réalités, perceptions et usages des « famines vertes » du Sud éthiopien - article ; n°184 ; vol.46, pg 837-859
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Tiers-Monde - Année 2005 - Volume 46 - Numéro 184 - Pages 837-859
Sabine Planěl — Realities, perceptions and uses of « green famines » in Southern Ethiopia.
In Ethiopia, the mechanisms of redistribution of food aid are profoundly unequal depending on the regions, due to the remarkable ignorance of the various agrarian systems. Therefore, since their appearance in the 1980's, the «green famines » of the Ethiopian South, former granary, receive less aid. The case study of Wolaita, hereby presented, shows how inherited representations of space, territories and societies, shape the management of food aid policy at times without any relevance to food problems, with the resulting risk of aggravating preferences and ethno-regional inequalities as regards development in a weak federal country.
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2005
Nombre de lectures 5
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Sabine Planel
Réalités, perceptions et usages des « famines vertes » du Sud
éthiopien
In: Tiers-Monde. 2005, tome 46 n°184. pp. 837-859.
Abstract
Sabine Planěl — Realities, perceptions and uses of « green famines » in Southern Ethiopia.
In Ethiopia, the mechanisms of redistribution of food aid are profoundly unequal depending on the regions, due to the remarkable
ignorance of the various agrarian systems. Therefore, since their appearance in the 1980's, the «green famines » of the Ethiopian
South, former granary, receive less aid. The case study of Wolaita, hereby presented, shows how inherited representations of
space, territories and societies, shape the management of food aid policy at times without any relevance to food problems, with
the resulting risk of aggravating preferences and ethno-regional inequalities as regards development in a weak federal country.
Citer ce document / Cite this document :
Planel Sabine. Réalités, perceptions et usages des « famines vertes » du Sud éthiopien. In: Tiers-Monde. 2005, tome 46 n°184.
pp. 837-859.
doi : 10.3406/tiers.2005.5613
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_2005_num_46_184_5613PERCEPTIONS ET USAGES RÉALITÉS,
DES «FAMINES VERTES»
DU SUD ÉTHIOPIEN
par Sabine Planěl
En Ethiopie, les mécanismes de redistribution de l'aide alimentaire
sont fortement inégalitaires selon les régions, en raison notamment de la
méconnaissance des systèmes agraires. Ainsi, depuis leur émergence dans
les années 1980, les «famines vertes » du Sud éthiopien, ancien grenier
agricole, perçoivent moins d'aide. L'étude de cas du Wolaita présentée
ici montre combien les perceptions héritées, de l'espace comme des terri
toires ou des sociétés, orientent la gestion politique de l'aide, parfois sans
relation avec les problèmes alimentaires, au risque d'accroître les préfé
rences et les inégalités ethno-régionales en matière de développement
dans un pays fédéral fragile.
Les famines vertes surprennent en Ethiopie parce qu'elles ne
s'accompagnent pas d'un déficit hydrique et surviennent dans les cam
pagnes du Sud que l'on pensait à l'abri des famines, disettes1 et autres
déséquilibres alimentaires qui frappent régulièrement le reste du pays
depuis 1974. Ces famines d'un genre particulier sont de plus en plus
fréquentes et les zones d'instabilité alimentaire s'étendent sur les
1 . La « famine » est une situation de sous-alimentation critique affectant un groupe humain et re
sponsable d'une grave surmortalité touchant toutes les tranches d'âge de la population. Elle survient occa
sionnellement lors de perturbations climatiques ou politiques majeures, mais peut être alimentée par une
dégradation du contexte économique à plus long terme, comme ce fut le cas en Ethiopie, au cours des
années 1980, du fait de la réorientation de l'économie rurale par des politiques communistes. Elle pro
voque une importante déstructuration des sociétés et des économies qu'elle affecte.
La « famine verte » est une famine d'origine économique qui ne s'accompagne pas d'une sécheresse
majeure et qui se lit donc difficilement dans les paysages.
La « disette » est une forme atténuée de la famine. Comparable à une période de sous-alimentation,
elle provoque une surmortalité limitée aux catégories de personnes les plus fragiles (enfants en bas âge et
personnes âgées). Néanmoins, dans des sociétés rurales appauvries, elle est récurrente et intervient tous les
ans à l'occasion de la soudure.
Revue Tiers Monde, t. XLVI, n° 184, octobre-décembre 2005 838 Sabine Planěl
anciens greniers éthiopiens. Pour autant, leur prise en compte reste
réduite et l'aide qu'elles reçoivent est encore limitée. Il nous semble
pourtant que le peu d'intérêt du gouvernement éthiopien et des bail
leurs de fonds internationaux pour les déséquilibres alimentaires de ces
régions ne s'explique pas seulement par des facteurs politiques, mais
également par les perceptions géographiques qui influencent la com
préhension, comme la gestion de ces phénomènes.
En effet, un ensemble de perceptions héritées intervient dans la ges
tion de l'aide alimentaire et la façonne selon des critères plus ou moins
normatifs. Pour autant, cette forte incidence des perceptions géogra
phiques dans l'aide alimentaire n'est pas toujours volontaire et ne sau
rait se réduire à une instrumentalisation politique. Au contraire, il
s'agit d'un phénomène partiellement « inconscient » qui témoigne de la
réalité d'une « culture nationale éthiopienne » reposant, entre autres,
sur le partage de certaines perceptions de l'espace. Les acteurs de
l'aide alimentaire, et plus particulièrement les acteurs éthiopiens,
imprégnés par une lecture spécifique de l'espace, orientent donc leur
action dans un sens aujourd'hui peu favorable à certaines catégories
d'espace, notamment à celle des anciens greniers méridionaux.
Identifier les espaces et les catégories à risques s'avère être un exer
cice difficile à conduire dans le contexte éthiopien où l'espace est
chargé de valeurs politiques et culturelles fortes. À travers les paysag
es, l'espace est perçu par ses habitants, mais également par d'autres
groupes sociaux. L'emboîtement de ces perceptions participe à
l'élaboration plus ou moins consciente d'un espace qui ne converge
pas nécessairement avec la « réalité » géographique. En Ethiopie, ces
perceptions se confondent avec une « ethnicisation » des rapports
sociaux, laquelle crée de fortes oppositions régionales et influence
directement l'aménagement régional.
Estimer le risque alimentaire se révèle ainsi d'autant plus délicat
que, depuis quelques dizaines d'années, l'aide alimentaire occupe une
place grandissante dans l'économie éthiopienne et retient particulièr
ement l'attention du gouvernement. Phénomène aléatoire avant les
années 1980, la famine devient aujourd'hui un élément structurant des
campagnes et des villes d'Ethiopie (Webb et ai, 1992) et son coût
croissant constitue une charge incompressible pour le gouvernement.
La vie des Éthiopiens est marquée par la famine, qui tend à ryth
mer leur histoire : la chute de l'empereur Haïlé Sélassié, en 1974, fut
ainsi largement provoquée par une famine qui sévissait dans le Wollo
et le Tigré depuis plusieurs années. Depuis le XIIIe siècle, des témoignag
es de graves pénuries alimentaires jalonnent les chroniques royales
éthiopiennes. Pourtant, c'est surtout à partir du milieu des perceptions et usages des «famines vertes » 839 Réalités,
années 1970 que la prévalence des famines s'est accrue du fait d'une
concordance malheureuse entre l'augmentation de la pression foncière,
une période de forte sécheresse au milieu des années 1980 et les bou
leversements politiques et économiques importants1 qui suivirent l'in
stauration d'une dictature militaire d'inspiration soviétique. Ces dif
férents événements déstabilisèrent fortement les communautés rurales
(Rahmato, 1992). À partir de cette période, on estime que le pays fit
face à cinq crises alimentaires majeures et à de nombreux épisodes de
moindre importance. Durant la décennie 1980, la famine faisait tous
les ans 2 millions de victimes, alors que le budget alloué par le gouver
nement à l'aide alimentaire représentait 9 millions de birrs (1,3 million
d'euros) en 1980-1981. Il atteignit 65 millions de birrs lors de la grande
famine de 1984-1985 (Webb et Von Braun, 1994).
D'après les dernières estimations du Programme alimentaire mond
ial, la totalité de l'aide internationale perçue annuellement par le
gouvernement éthiopien, et pas uniquement l'aide alimentaire,
s'élèverait en moyenne à 10 % du PNB national. De 1984 à 1994,
l'Ethiopie reçut 10 millions de tonnes de céréales, soit 10 % de la pro
duction nationale sur cette période. Durant les mauvaises années, cette
proportion a pu s'élever à un cinquième de la production domestique.
L'importance croissante de l'aide alimentaire dans le budget éthiopien
const

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