Recherches archéologiques aux Nouvelles-Hébrides - article ; n°1 ; vol.6, pg 59-81

José Garanger

Description

L'Homme - Année 1966 - Volume 6 - Numéro 1 - Pages 59-81
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: L-HOMME0
• Publié le: 01 janvier 1966
• Nombre de lectures: 14
• Langue: Français
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Extrait

José Garanger
Recherches archéologiques aux Nouvelles-Hébrides
In: L'Homme, 1966, tome 6 n°1. pp. 59-81.
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Garanger José. Recherches archéologiques aux Nouvelles-Hébrides. In: L'Homme, 1966, tome 6 n°1. pp. 59-81.
doi : 10.3406/hom.1966.366755
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1966_num_6_1_366755S3
RECHERCHES ARCHÉOLOGIQUES
AUX NOUVELLES-HÉBRIDES1
par
JOSÉ GARANGER
Au dixième Congrès des Sciences du Pacifique, tenu à Honolulu en août 1961,
la Mélanésie sud-orientale fut désignée comme l'une des régions dont l'étude
permettrait de comprendre les processus de peuplement du Pacifique sud. Il est
en effet certain que la Mélanésie constitua l'une des principales étapes des popul
ations polynésiennes au cours de leurs lents et complexes déplacements jusqu'aux
limites extrêmes du triangle polynésien2. Or, hormis quelques travaux importants
mais limités aux Fidji et à la Nouvelle-Calédonie3, elle restait terra incognita pour
la période préhistorique ; c'était en particulier le cas des Nouvelles-Hébrides, où
aucune fouille systématique n'avait été encore effectuée.
L'archipel hébridais occupe cependant une position privilégiée en Mélanésie du
sud : il est situé au croisement des voies qui conduisent, par les îles Salomon, de
la Nouvelle-Guinée aux Fidji et à la Nouvelle-Calédonie ; de nombreux îlots poly
nésiens conservés sur ses marges attestent par ailleurs le passage de populations
polynésiennes aux temps anciens de leurs premières migrations vers l'est ou, plus
récemment, l'arrivée, intentionnelle ou non, de marins partis des îles de la Polynésie
occidentale. Ces enclaves ne sont pas seulement la conséquence normale du voisi
nage, dans le temps et dans l'espace, de deux mondes étrangers ; des travaux
ethnologiques récents, les recherches d'ethno-histoire en particulier, que Jean
1. Cette mission a été rendue possible grâce aux efforts conjugués du Centre National de
la Recherche Scientifique et de l'Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-Mer.
Le Centre Documentaire pour l'Océanie a financé les premières analyses d'échantillons pour
la datation au carbone radio-actif.
2. Cet apport des cultures mélanésiennes aux civilisations primitives de Polynésie orien
tale semble confirmé par de récents travaux archéologiques, tels ceux de Suggs aux Marquises
(Suggs 1961). On peut cependant difficilement suivre cet auteur lorsqu'il affirme que la pre
mière civilisation marquisienne évolua, par la suite, sans de nouveaux apports culturels ;
sa théorie d'une réinvention locale de l'herminette à épaulement et dos concave est, en part
iculier, peu convaincante.
3. Il s'agit des campagnes de fouilles systématiques (Gifford 1951, Gifïord et Shutler 1956).
Mais il est entendu que des études relativement nombreuses avaient déjà été publiées qui
concernaient des trouvailles fortuites ou l'étude de pièces de collections publiques ou privées. 60 JOSÉ GARANGER
Guiart poursuit dans cette région depuis 1948, démontrent au contraire l'existence
d'une unité régionale, d'un monde mélano-polynésien né d'interférences multiples,
tant biologiques que culturelles. Ce monde, original par sa diversité même, s'étend
autour des Nouvelles-Hébrides depuis le sud de la Nouvelle-Calédonie jusqu'au
nord des îles Banks et jusqu'aux îles Wallis, Samoa et Tonga à l'est. Cette situation
peut être ancienne et cette région serait le creuset des premières civilisations de
la Polynésie orientale1.
Ainsi, des recherches archéologiques effectuées aux Nouvelles-Hébrides
devaient pouvoir éclairer non seulement la préhistoire de cet archipel2 mais celles
aussi de la Mélanésie et de la Polynésie occidentale sinon celle de la Polynésie
orientale3. Si l'histoire des derniers siècles est accessible à travers les traditions
orales, l'archéologie pouvait encore jalonner de témoins, muets mais indubitables,
le dédale de ces informations traditionnelles, complexes et mouvantes parce
qu'encore vivantes. De même que Jean Guiart et indépendamment de ce chercheur,
l'archéologue Richard Shutler était arrivé à cette conclusion qu'il serait d'un grand
intérêt d'effectuer des fouilles systématiques dans l'archipel hébridais ; une entre
prise commune fut donc envisagée : R. Shutler s'est attaché à l'étude des îles du
sud4 ; cet article concerne les recherches similaires effectuées dans les îles du
centre : Nord-Efate et Shepherds.
I. — LES SITES
La carte ci-contre (fig. 1) localise les sites. Ils sont distingués par les deux lettres
(abréviation du nom de l'île), un chiffre (le nom du village actuel ou ancien) suivi
d'un second chiffre qui identifie le site à l'intérieur du village ; lorsque ce dernier
1. Voir en particulier : Guiart 1963 (a), p. 25 et 1963 (b), p. 643.
2. Rien jusqu'à ce jour ne permet d'infirmer l'idée que la préhistoire de ces régions peut
être très ancienne, J. B. Palmer, au Fidji-Muséum de Suva m'a montré deux pièces récoltées
à Vitu Levu au cours de travaux de terrassement : ce sont incontestablement des bifaces
paléolithiques d'allure moustérienne.
3. Non seulement pour les périodes anciennes, il apparaît en effet, à la lumière de travaux
ethnologiques récents, que la. frontière entre Polynésie occidentale et Polynésie orientale ne
fut jamais aussi étanche qu'on le pensait jadis. Accidentellement ou non, des Polynésiens
orientaux ont même atteint la Mélanésie : des Rarotongiens, par exemple, la Nouvelle-
Calédonie (Guiart, 1963 b) et sans doute les Shepherds. Le seul critère fondé sur la typo
logie des herminettes (Golson 1959), souligne l'évidence d'une réalité globale qui, dans ses
détails, est beaucoup plus nuancée, la connaissance de l'archéologie du Pacifique Sud est
encore insuffisante pour le démontrer ; J. B. Palmer, cependant, vient de recueillir in situ une
herminette du type Polynésie orientale à Vitu Levu (communication personnelle) ; de telles
trouvailles se multiplieront sans doute en même temps que les fouilles deviendront plus nomb
reuses et le cas de l'herminette des Tokelau par exemple (Duff 1956, p. 156) peut être
à reconsidérer.
4. On trouvera dans The Journal of the Polynesian Society (vol. 73, n° 3, sept. 1964, p. 252)
un compte rendu succinct des premiers travaux de R. Shutler dans les îles du Sud. RECHERCHES ARCHÉOLOGIQUES AUX NOUVELLES-HÉBRIDES 6l
ÎLE5 5HEPMERDJ5
EF21(«.il.v 4. S. 4.7.)
Fig. i. — Localisation et identification des sites. 02 JOSÉ GARANGER
chiffre est le chiffre zéro, il faut entendre que le village a été prospecté en surface
mais qu'aucune fouille n'y a été effectuée. Afin d'harmoniser cette nomenclature
avec celle de R. Shutler qui travailla également à Efate et dans l'îlot Fila, les
petites îles du Nord-Efate sont désignées par les lettres « EF » suivies de deux
chiffres qui les identifient. Les deux chiffres suivants ont respectivement la même
signification que dans le premier cas. Dans ce même souci d'harmonisation, les
lettres « RS » désignent les grottes et cavernes aussi bien que les abris sous roche
(rock-shelter) .
i. Efate
Des prospections ont été effectuées au centre de l'île (Watabaka, Matelema),
dans la région de Forari, sur la côte sud et à la pointe Malapoa. Elles ont été
décevantes. Les îles plus petites se sont révélées plus riches, l'ancien habitat y est
naturellement moins dispersé, les zones côtières ne sont pas bousculées par l'acti
vité européenne et la végétation de l'intérieur est toujours moins dense que dans
les montagnes d'Efate. Les îles Nguna, Mau, Moso, Lelepa et Mêle ont été pros
pectées en surface, des tessons de poterie ont été partout récoltés, sauf à Mêle.
Des fouilles ont été effectuées dans les îles Lelepa et Mêle.
i° Lelepa (EF 10).
Lelepa est une petite île située au nord-est d'Efate, sa structure géologique
est celle de toute la région de Port-