Réflexions sur le problème de la scolarisation des filles au Dahomey - article ; n°10 ; vol.3, pg 266-281

Claude Tardits

Description

Cahiers d'études africaines - Année 1962 - Volume 3 - Numéro 10 - Pages 266-281
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: CAHIERS_D-ETUDES_AFRICAINES
• Publié le: 01 janvier 1962
• Nombre de lectures: 33
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Monsieur Claude Tardits
Réflexions sur le problème de la scolarisation des filles au
Dahomey
In: Cahiers d'études africaines. Vol. 3 N°10. 1962. pp. 266-281.
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Tardits Claude. Réflexions sur le problème de la scolarisation des filles au Dahomey. In: Cahiers d'études africaines. Vol. 3
N°10. 1962. pp. 266-281.
doi : 10.3406/cea.1962.3702
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cea_0008-0055_1962_num_3_10_3702CLAUDE TARDITS
Réflexions sur le problème de la scolarisation
des filles au Dahomey
chelonnée le long des quelque cent vingt-cinq kilomètres de côte
qui forment la fa ade maritime du Dahomey une série anciens ports
côtiers ou lagunaires Agoué Grand-Popo Ouidah Porto-Novo
attestent importance du développement urbain que provoqua le
commerce international partir du xvne siècle Dans arrière-pays
autres agglomérations étaient formées Save Allada Abomey
capitales de petits tats en lutte pour assurer le contrôle des côtes
et le monopole des relations commerciales
Au début du xvine siècle Abomey établit sa domination au
littoral et Porto-Novo nommée époque Hogbonu située plus
est échappa seule la conquête
Le trafic négrier organisé sur une vaste échelle partir du xvine siè
cle favorisa le développement de sociétés cosmopolites Aux dj
autochtones représentés sur la côte par les Huedah de Ouidah les Fon
Allada et Abomey les Gun de Porto-Novo ajoutèrent des Mähi
et des Yoruba de intérieur faits prisonniers dans les expéditions
guerrières des ressortissants des puissances européennes qui organi
saient le trafic Portugais Fran ais et Anglais Enfin partir des
dernières années du xvine siècle une colonie Africains libérés de
esclavage revint Amérique du Sud particulièrement du Brésil
pour installer dans les ports où eux-mêmes ou leurs parents
avaient été embarqués quelques éléments authentiquement por
tugais ou métis vinrent en grossir le nombre Ce fut origine de la
population dite brésilienne ou créole
Ces Brésiliens avertis des exigences de la traite parlant ou com
prenant les langues européennes prirent dans la première partie du
xixe siècle une part active un commerce dont après avoir été les
victimes ils surent devenir les bénéficiaires Familiarisés avec les
techniques européennes apprises dans les familles où ils vécurent et
dont ils prirent le nom ils les introduisirent sur la côte du Bénin SUR LA SCOLARISATION DES FILLES AU DAHOMEY 267
Christianisés depuis peu et se souvenant de leur origine mähi et yoruba
ils restaurèrent souvent les cultes ancestraux tout en réservant le
meilleur accueil aux missionnaires qui installèrent parmi eux Ils
apparaissent véritablement comme les intermédiaires entre deux
mondes Agents et conseillers des rois Abomey et de Porto-Novo
ils deviennent partir de la seconde moitié du xixe siècle ceux des
conquérants fran ais Les anciens annuaires révèlent les noms des
commissaires de police des administrateurs brésiliens de époque
Leur origine leur permet de conserver malgré ambiguïté de leur
position la confiance des populations régionales Ils amorcent la scola
risation du Dahomey et dès 1860 les missionnaires ouvrent des écoles
Ouidah La population leur confie souvent des enfants afin ils les
familiarisent avec les modes de vie occidentaux Grâce leur initiative et
leur influence le Dahomey fournira pendant toute la première moitié
du xxe siècle des cadres commerciaux et des fonctionnaires aux pays
de ancienne A.O.F Ils contribueront faire du Dahomey pendant
longtemps le pays le plus scolarisé de Ouest africain et empreinte
dont ils ont marqué lui valut être qualifié de quartier latin de
Afrique
Ces Brésiliens ne représentaient toutefois un élément minori
taire dans les royaumes Abomey et de Porto-Novo où ils étaient
principalement fixés Ces deux tats étaient développés en appuyant
sur la traite bien ils aient pris une part différente Le royaume
Abomey lan ait chaque année des expéditions militaires destinées
lui procurer des prisonniers vendus comme esclaves sur les marchés
côtiers au xixe siècle le commerce négrier pris fin pour faire
place celui des oléagineux Abomey perd de son importance au profit
de Porto-Novo Ce port lagunaire centre un petit royaume qui
avait jamais connu la fortune militaire Abomey devient un grand
centre exportation et la fin du xixe siècle après eut été signé
un traité de protectorat avec la France la capitale du territoire qui
allait former partir de 1893 la colonie du Bénin
Les sociétés de ces tats fortement hiérarchisés étaient constituées
par de larges groupes patrilignagers dont influence dépendait de leur
rôle historique et de leur taille En dehors de la guerre ces groupes
vivaient de la pêche de agriculture et du commerce régional qui prit
de ampleur lorsque exploitation de la palmeraie pour exportation
fit pénétrer économie de marché dans les villages des campagnes La
division traditionnelle du travail laissant aux hommes les travaux de
la terre et aux femmes le soin en vendre les produits fit progressive
ment bénéficier ces dernières de ouverture de économie
La colonisation qui commence la fin du siècle stimule le commerce
en multipliant les voies de communication et paradoxalement les par
tages que font les Européens des pays de la côte du Bénin la fin du 208 CLAUDE TARDITS
siècle dernier encouragent artificiellement en établissant des barrières
douanières qui suscitent un discret mais important trafic aux frontières
Si en 1955 époque de enquête où nous tirons ces notes organi
sation monarchique pratiquement disparu en dehors de Porto-Novo
où ses représentants sont ailleurs dépourvus de presque tout pouvoir
les patrilignages forment toujours le cadre dans lequel se déroule
existence de la grande majorité de la population Les hommes ne sont
plus exclusivement pêcheurs ou agriculteurs les artisans prolifèrent
une petite population ouvrière est formée principalement Cotonou
les entreprises commerciales et les services publics emploient plusieurs
milliers employés et de fonctionnaires éventail professionnel est
beaucoup moins large pour les femmes qui en dehors de quelques
activités artisanales anciennes ou modernes sont en très grande
majorité commer antes
une nouvelle hiérarchie sociale est petit petit constituée où les
rangs les plus élevés sont occupés par les cadres du commerce et surtout
les fonctionnaires importance relative et la stabilité des traitements
la participation aux affaires de tat confèrent des moyens et un
prestige que ne donnent ni les activités traditionnelles ni les artisanats
trop précaires La scolarisation en donnant accès aux professions les
plus enviables est devenue le plus important facteur de différenciation
sociale et époque apparaît lointaine où le roi de Porto-Novo sollicité
envoyer son fils école estimait que ces nouveautés étaient tout
fait temporaires et faisait envoyer les enfants de ses serviteurs qui
passaient pour les siens
Le pays est pénétré par islam et le christianisme depuis plus de
cent ans les populations origine adj se sont plus largement que les
autres converties au christianisme particulièrement dans les villages
les populations origine yoruba se sont en général islamisées ani
misme caractérisé par le culte très élaboré des vodun reste vivant
même en ville dans certains lignages qui réservent encore pour les
fonctions religieuses plusieurs de leurs filles et même quelques fils
Le Dahomey où exerce depuis près un siècle une influence occi
dentale indirecte ou directe été longtemps dans la fédération ouest-
africaine le pays au taux de scolarisation le plus élevé En 1955 il
43 419 enfants dont 13 309 filles dans les écoles représentant 15
de la population scolarisable1 Un rapport de Inspection académique
de la même année précise que dans le Sud-Dahomey 14 des filles
en âge de être sont scolarisées contre 40 des gar ons Le contraste
avec le Nord-Dahomey est frappant 32 de filles et 143 de
gar ons Ces taux sont ailleurs vraisemblablement forts les recense
ments sous-évaluant généralement la population Néanmoins écart
Chiffre établi au Ier janvier