Réforme de l État et développement économique - article ; n°139 ; vol.35, pg 613-642
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Réforme de l'État et développement économique - article ; n°139 ; vol.35, pg 613-642

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Description

Tiers-Monde - Année 1994 - Volume 35 - Numéro 139 - Pages 613-642
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 16
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Korkut Boratav
Réforme de l'État et développement économique
In: Tiers-Monde. 1994, tome 35 n°139. pp. 613-642.
Citer ce document / Cite this document :
Boratav Korkut. Réforme de l'État et développement économique. In: Tiers-Monde. 1994, tome 35 n°139. pp. 613-642.
doi : 10.3406/tiers.1994.4906
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1994_num_35_139_4906RÉFORME DE L'ÉTAT
ET DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE :
RÉFLEXIONS SUR LE CAS
DE QUELQUES PAYS DU MOYEN-ORIENT
par Korkut Boratav*
Cet article examine les conséquences des nouvelles théories sur le
rôle du secteur public et l'intervention de l'Etat dans les pays en déve
loppement à partir de l'étude de quatre pays du Moyen-Orient —
l'Egypte, le Maroc, la Tunisie et la Turquie1. Mais les idées exposées ici
sont valables pour beaucoup d'autres pays. Il s'agit donc plus d'une
enquête sur le rôle de l'Etat dans le processus de développement
aujourd'hui que d'une étude portant sur quatre pays.
La crise de la fin des années 70 et du début des années 80 a épar
gné l'Egypte, mais a frappé les trois autres pays. La communauté des
bailleurs de fonds est alors intervenue, et ces trois pays sont devenus
des adeptes de la formule classique stabilisation/ajustement structurel.
Ils en ont récolté les fruits sous forme d'afflux de capitaux et sont dans
l'ensemble considérés comme des exemples de réussite, comme l'avait
été l'Egypte de Yintifah, « l'ouverture », au milieu des années 70. Dans
chacun de ces quatre pays la résistance de la population a été le plus
gros obstacle à l'application des programmes d'ajustement structurel :
en Afrique du Nord, les émeutes ont frôlé l'insurrection ; en Turquie,
la résistance s'est exprimée dans les urnes, et les partis politiques ont
* Université d'Ankara. L'auteur remercie Yilmaz Akyûz et Peter Robinson qui ont bien voulu lui faire
part de leurs suggestions et critiques sur une version antérieure de la présente étude, ainsi que S. Gûzel et
H. A. Nassar pour l'aide précieuse qu'ils lui ont apportée dans ses recherches.
1. Le terme Moyen-Orient sera généralement employé pour désigner les quatre pays faisant l'objet du
présent article. Selon l'usage anglo-américain, le « Moyen-Orient » englobe le Maghreb et les autres pays
arabes, la Turquie et l'Iran, alors qu'en français, le ne comprend pas le Maghreb. C'est la pre
mière acception qui est retenue ici.
n° 139, juillet-septembre 1994 Revue Tiers Monde, t. XXXV, 614 Korkut Boratav
été contraints de suivre une ligne populiste différente de la ligne ortho
doxe, même si le régime militaire du début des années 80 a étouffé la
résistance populaire.
Les quatre pays sont lourdement endettés. Depuis la fin des
années 70, les taux d'investissement ont régulièrement diminué.
L'Egypte a fait exception et maintenu son taux d'investissement —
mais a dû se résoudre à un taux d'accumulation plus faible à partir
de 1985. La croissance annuelle du PIB a été de 6,6 % entre 1977
et 1988 en Egypte, mais est restée à 4-4,5 % dans les trois autres
pays.
« Moins d'Etat ! » Tel a été le slogan des bailleurs internationaux
dans le combat mené contre le secteur public, l'intervention de l'Etat et
la planification. Basées sur la théorie de « l'éviction », les comparaisons
d'efficacité, et l'opposition bureaucrates/entrepreneurs, les nouvelles
théories sur les rapports entre l'Etat et l'économie engendrent une
contradiction frôlant l'antagonisme entre secteurs public et privé dans
les économies en développement1.
I - UNE AUTRE CONCEPTION DES RAPPORTS ÉTAT/SECTEUR PRIVÉ
1 . Pourquoi une autre conception ?
Cette conception des rapports entre Etat et économie (ou, plus exac
tement, entre secteur public et secteur privé), comme la conception
« développementiste » traditionnelle de l'Etat empêchent d'analyser
nombre de questions complexes relatives au paradigme actuel. On a pu
observer qu'aucune de ces deux conceptions ne comporte une théorie de
l'Etat (Shapiro, 1990, p. 1 1) en ce qu'elle traite l'Etat comme une entité
essentiellement homogène et non différenciée, largement indépendante
de la société civile dans ses décisions politiques. Le secteur privé est
perçu d'une manière tout aussi superficielle. Cette esquisse sommaire ne
permet pas de décrire, et encore moins d'analyser, les rapports variés
qui existent entre les organismes d'Etat et différentes branches du sec
teur privé dans un environnement capitaliste non développé.
Pour examiner les rapports Etat/économie dans une optique plus
féconde, il faut commencer par construire une anatomie de l'Etat, comp
létée par une analyse parallèle de la structure interne du secteur privé.
1 . Pour un aperçu concis, mais extrêmement clair, des principaux éléments théoriques sur lesquels s'ap
puie la nouvelle réflexion sur les rapports Etat/économie, voir Shapiro (1990). Réforme de l'état et développement économique 615
L' « anatomie » de l'Etat doit intégrer une distinction entre le niveau
politique et la bureaucratie. Cette analyse par niveaux renvoie à l'ana
lyse des clivages internes à la bourgeoisie. Les réformes économiques
ont eu le plus souvent des effets différenciés sur les diverses strates de
l'appareil d'Etat — ce qui a eu des répercussions imprévisibles sur les
résultats des nouvelles politiques. Et on ne peut expliquer certaines
conséquences imprévues des réformes structurelles qu'après avoir fait
une distinction opérationnelle entre les différents sous-groupes de la
bourgeoisie. De ce point de vue, il est utile de retracer l'évolution obser
vée dans les pays du Moyen-Orient au cours des dernières décennies.
2. Le secteur privé : anatomie et spécificités
Le comportement imprévisible de l'entreprise privée a entraîné plu
sieurs surprises dans le processus d'ajustement au Moyen-Orient : mite
et retour de capitaux ; investissement capricieux ; réticence des entre
prises à s'orienter vers des activités nouvelles et plus rémunératrices,
même avec des coûts de transition minimes ; recherche de protection
accrue dans des régimes apparemment plus libéraux, et ainsi de suite. Il
est clair que le terme générique « secteur privé » ne suffit pas à rendre
compte de ces comportements et qu'une « anatomie » de la bourgeoisie
est ici nécessaire : commerçants, industriels, agriculteurs et rentiers ;
groupes fortement ou faiblement liés au capital étranger, dépendant ou
non de l'existence d'un secteur public important, grands groupes inté
grés ou petites et moyennes entreprises spécialisées, autant de groupes
différemment touchés par les politiques d'ajustement structurel et de sta
bilisation. Ignorer ces distinctions nous condamnerait à une analyse
extrêmement rudimentaire.
Pour comprendre les rapports entre Etat et secteur privé au Moyen-
Orient, il faut noter que « la bourgeoisie et le privé ont été créés
par l'Etat » (Sebbar, 1988, p. 11), surtout dans les années qui ont suivi
l'indépendance. Il ne fait aucun doute que, lorsque la plupart des
nations du Moyen-Orient ont retrouvé leur statut d'Etat, ces pays
comptaient des groupes privés influents, essentiellement dans le secteur
du négoce. Les rangs de ces classes traditionnelles ont été renforcés par
l'arrivée des cadres politiques ; les bourgeoisies nouvelles engendrées
par cette alliance sociale étaient redevables, d'une manière ou d'une
autre, à l'Etat. Ce facteur historique explique que beaucoup d'entrepre
neurs soient réticents devant le slogan « moins d'Etat » imposé de
l'extérieur. Pour reprendre les termes d'observateurs du Moyen-Orient :
« Les secteurs public et privé vivent un rapport de symbiose, non 616 Korkut Boratav
d'opposition et... le retrait de l'Etat ne sera ni applaudi ni encouragé
unanimement par le secteur privé. » Ou encore, selon les propos d'un
économiste et homme politique marocain : 

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