Renée Vivien ou la religion de la musique - article ; n°57 ; vol.17, pg 89-100
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Description

Romantisme - Année 1987 - Volume 17 - Numéro 57 - Pages 89-100
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 44
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Sylvie Croguennoc
Renée Vivien ou la religion de la musique
In: Romantisme, 1987, n°57. pp. 89-100.
Citer ce document / Cite this document :
Croguennoc Sylvie. Renée Vivien ou la religion de la musique. In: Romantisme, 1987, n°57. pp. 89-100.
doi : 10.3406/roman.1987.4884
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1987_num_17_57_4884Sylvie CROGUENNOC
Renée Vivien ou la religion de la musique
S'il fallait d'un mot caractériser l'œuvre de Renée Vivien, que l'actualité
littéraire vient de sortir d'un oubli de près d'un siècle S c'est le mot musique
qui d'abord viendrait à l'esprit : une musique tour à tour glorifiée, puis niée,
mais toujours référence essentielle — unique peut-être — du poète. Certes,
cette prééminence accordée à l'art des sons au sein d'une œuvre littéraire,
issue du romantisme, n'est pas particulière à Renée Vivien : poètes et écri
vains, en cette aube du xx* siècle, portent tous un vif intérêt à la musique.
Verlaine en fait le fondement de son Art poétique, Proust voit en elle l'un
des principaux véhicules de l'anamnèse et synthétise, dans la Sonate de
Vinteuil, l'art de Fauré, Franck et Saint-Saëns ; quant à Mallarmé, après
l'audition du Prélude à VAprès-Midi d'un Faune (1894), il n'hésitera pas
à déclarer à Debussy que cette pièce « ne présentait de dissonance avec mon
texte, sinon d'aller bien plus loin, vraiment, dans la nostalgie et dans la
lumière, avec finesse, avec malaise, avec richesse » 2. Tous enfin, écrivains
et poètes, succombent au charme du « vieil enchanteur Klingsor », et la
plupart feront au moins une fois le traditionnel pèlerinage à Bayreuth. Si,
nous le verrons, Renée Vivien ne fait pas exception à la règle en s'enthou-
siasmant pour l'art wagnérien, du moins se distingue-t-elle de ses contempor
ains en refusant la musique de son époque. Indifférente à Debussy, Ravel
ou Fauré, ses goûts la portent exclusivement vers les compositeurs romant
iques ou post-romantiques. Enfin, comme Maurice Emmanuel — mais pour
de très différentes raisons — , Vivien vouera un culte passionné à la musique
de l'antiquité grecque et, à l'exclusion de toute autre, à celle de l'Ecole
saphique dont elle s'efforcera de ressusciter, à travers ses propres poèmes,
la Magie. A l'image de la poésie grecque, il est impossible de dissocier chez
Vivien le poème et le chant : du moins, si la musique peut se passer du
verbe, en aucun cas ce dernier ne saurait être sans la musique, qui en consti
tue l'essence même. Etudier l'une revient donc à parler de l'autre. C'est
l'approfondissement de la vision musicale du poète que l'on s'efforcera d'étu
dier ici, à travers la poésie de celle qui se voulut musicienne avant que d'être
poète et souhaitait, en 1904, « n'être qu'un souffle chantant exhalé dans
l'espace » 8.
Etudes et Préludes (1901), première œuvre éditée de Renée Vivien,
place d'emblée la création du poète sous le signe de la musique, faisant
clairement référence, de par son titre et le Nocturne qui l'achève, à Chopin.
Cette première allusion au compositeur — elle y reviendra en 1905, dans 90 Sylvie Croguennoc
Une femme m'apparut — n'a rien d'étonnant, si l'on considère la formation
musicale de l'auteur qui fut, à en croire ses contemporains, une excellente
pianiste 4. Toutefois, il serait faux de voir en Vivien une de ces jeunes filles
de la bourgeoisie « fin de siècle » qui, ayant appris le piano par pure conve
nance, se pâment sur d'éternelles Valses de Chopin. Sa passion pour la
musique romantique est réelle et profonde, et son goût en matière musicale
semble sûr ; ainsi, en 1894 — elle est alors âgée de dix-sept ans — juge-
t-elle avec lucidité, et non sans un certain humour, certains compositeurs
fort à la mode dans les salons : « Mettez-moi [...] les cahiers de musique
de Thomé et Godard dans un grand sac, puis flanquez-moi tout cela dans
la Seine ! ». « Les meilleures heures de ma vie sont celles que je passe avec
Beethoven et Chopin », écrit-elle à Amédée Moullé 5, et les bustes de ces
derniers, entourés de ceux de Bach, Schumann, Meyerbeer et Wagner sont
disposés sur le bureau de celle qui n'est encore que Pauline Tarn. Plus
tard, elle s'attachera son professeur de piano, avec qui elle assistera à divers
concerts : l'année 1902 la voit au Nouveau Théâtre de la rue Blanche, où
l'on donne le Manfred de Schumann, et c'est une représentation à Bayreuth,
le 10 août 1904, qui scellera — pour peu de temps — ses retrouvailles avec
Natalie Clifford Barney. Cette passion pour Wagner, Chopin et, dans une
moindre mesure6, Beethoven, si elle s'explique certes par la formation
musicale et le milieu culturel dans lequel grandit Renée Vivien, fut sans
doute avivée par celle qui valut au poète son surnom de « Muse aux vio
lettes ». Profondément cultivée, Violette Shillito fit partager à Vivien son
amour pour Beethoven et Chopin, et connaissait parfaitement les opéras de
Wagner, dont elle chantait les leitmotive de mémoire 7. Sa brusque dispari
tion, le 8 août 1901, et le culte qui s'ensuivit de la part de Vivien — dont
l'œuvre entière, à l'exception d'Etudes et Préludes, demeure hantée par le
souvenir de cette amie — ne sont sans doute pas étrangers à la présence
grandissante de la musique dans l'œuvre. Interprète et auditrice passionnée,
Renée Vivien prendra plaisir à rassembler, dans la « chambre des musiques »
de l'appartement de l'avenue du Bois, une collection d'instruments anciens.
Citons enfin les fameuses réunions qui, à la fin de la vie de Vivien, réunis
saient dans ce même appartement quelques artistes — dont Colette et Marg
uerite Moreno — , pour de très hellénisants spectacles où se mêlaient la
danse, la déclamation et la musique.
Entre 1901 et 1904 paraissent successivement quatre recueils poétiques
— Etudes et Préludes (1901), Cendres et Poussières (1902), Evocations et
La Vénus des Aveugles (1903) 8 — qui tous contiennent un genre péo-
tique à tendance musicale : la chanson. Ce genre, qui envahit le premier
recueil (qui comprend sept chansons parmi les trente-cinq pièces qui le comp
osent), disparaîtra progressivement au cours des années qui suivront et
sera définitivement abandonné après 1904. L'analyse de ces pièces montre
que le terme recouvre des structures fort diverses, dont l'unique point com
mun est de chanter, sur des registres très variés, l'amante du moment. La
majorité d'entre elles se compose d'un nombre variable de strophes, conte
nant chacune quatre octosyllables à rimes généralement croisées. Mais, à
partir de 1903, Vivien semble vouloir rompre avec ce schéma, faisant de
la chanson un genre plus libre, lieu de recherches où la poésie tend à l'em
prunt de procédés musicaux. Ainsi, Evocations contient une Chanson norvé
gienne qui n'est autre qu'un court fragment dramatique où alternent récit
et chœur : au chœur est confié un refrain qui, immuable, répond aux Vivien 91 Renée
diverses interventions du récit9. Ce procédé réapparaîtra dans La Vénus
des Aveugles, associé encore à la Norvège 10. Cette fois, le chœur reprend
les quatrains d'octosyllables des chansons plus anciennes, qu'il oppose aux
alexandrins du récit. Sans doute faut-il voir dans l'emploi de cette structure
à refrain, ainsi que dans la variation de la dernière intervention du chœur
de la seconde pièce, une influence des auteurs nordiques, tant appréciée de
Renée Vivien n.
« Ta voix est un savant poème »,
vers qui ouvre la première chanson d'Etudes et Préludes 12, définit parfai
tement le rôle que tient à cette époque la musique, et plus généralement le
poème qui se veut musique, dans les premières œuvres de Vivien. Pour cette
dernière, la femme est avant tout présence musicale. Elle est l'« harmonieuse
et musicale amante » 13, son âme est « le poème, et le chant, et le soir » 14.
Si elle ne néglige pas les sensations olfactives, tactiles ou visuelles, Vivien
est avant tout sensi

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