Reproduction de la force de travail et développement - article ; n°68 ; vol.17, pg 961-985
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Description

Tiers-Monde - Année 1976 - Volume 17 - Numéro 68 - Pages 961-985
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Paul Singer
Reproduction de la force de travail et développement
In: Tiers-Monde. 1976, tome 17 n°68. L'Amérique latine après cinquante ans d'industrialisation (sous la direction de
Pedro Calil Padis). pp. 961-985.
Citer ce document / Cite this document :
Singer Paul. Reproduction de la force de travail et développement. In: Tiers-Monde. 1976, tome 17 n°68. L'Amérique latine
après cinquante ans d'industrialisation (sous la direction de Pedro Calil Padis). pp. 961-985.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1976_num_17_68_2676REPRODUCTION
DE LA FORCE DE TRAVAIL
ET DÉVELOPPEMENT
par Paul Singer*
L'analyse de l'histoire des pays industrialisés nous montre que la transfo
rmation des rapports entre le capital et le travail dont découle l'intégration de la
classe ouvrière dans le marché de la consommation intérieur ne constitue pas
une fatalité et qu'elle n'est nullement irréversible. Elle est liée au passage d'une
phase ou la plus grande partie de l'accroissement de la force de travail utilisable
par le capital provient de l'irruption de celui-ci dans d'autres modes de pro
duction, à la phase où cet accroissement a pour origine la reproduction
ampliée de cette force de travail, ou, autrement dit, la croissance végétative
de la population ouvrière. Ce lien est logique : à partir du moment où le capital
commence à dépendre des fils des travailleurs pour pourvoir et augmenter
l'armée industrielle, il apparaît normal que l'Etat bourgeois commence à fixer
les limites de l'exploitation de façon à empêcher les capitalistes de détruire la
capacité de travail effective et potentielle dont dispose la société. Cette inte
rvention de l'Etat ne constitue pas un changement en soi, mais elle crée des
conditions pour son avènement car l'observance effective de la législation du
travail implique que les salariés — directement concernés — puissent s'orga
niser pour la défense de leurs droits légaux. Ceci semble avoir été le début de la
conquête des droits politiques et syndicaux par la classe ouvrière; l'exercice
de ces droits implique la transformation des rapports entre capital et travail.
Bien entendu la conquête réelle et complète de ces droits varie souvent d'un
pays à l'autre selon l'évolution particulière de son histoire. En plus, comme on
a pu le vérifier dans les pays dominés par des dictatures fascistes, ces droits
peuvent être perdus, ce qui détermine un retour à l'étape antérieure à la tran
sformation des rapports entre capital et travail.
Il existe bien un rapport entre le rythme de la transformation économique
et le changement institutionnel, mais il faut se garder de le simplifier.
(i) Cet article est extrait d'un ouvrage Emploi, Production et Reproduction de la Vor ce de
Travail.
* cebrap (Centro Brasileiro de Análise e Planejamento).
961
т. m. 68 33 PAUL SINGER
L'Angleterre, berceau de la révolution industrielle, a été le premier pays où la
mutation a eu lieu : les premières Factory "Laws datent de 1833 mais le
droit à l'organisation syndicale n'a été obtenu qu'en 1859, et le droit au vote
pour la classe ouvrière, pat les réformes de Disraeli (1867) et de Gladstone
(1884). Ainsi en Angleterre la mutation a eu lieu environ un siècle après
le début de l'industrialisation. Cependant en Allemagne, ainsi qu'en Autriche,
le droit à l'organisation syndicale a été obtenu en 1869, au moment où l'indus
trialisation de ces pays était à ses débuts. En Allemagne l'unification des partis
ouvriers en 1875 a permis au Parti social-démocrate d'obtenir 9 % des votes
aux élections de 1877. Les luttes ouvrières semblaient progresser plus vite que
l'industrialisation, mais en 1 8 8 1 fut adoptée la législation antisocialiste dans le
vain but de faire reculer le processus. Il est intéressant de noter que les premières
lois sociales furent adoptées par le gouvernement de Bismarck, pendant que
cette législation était encore en vigueur (1881-1890). A la fin du siècle un parti
et un mouvement syndical de plus en plus puissants avaient redéfini les rap
ports entre capital et travail en Allemagne. D'un autre côté, dans l'Empire
austro-hongrois, le développement des luttes ouvrières a été plus lent (ainsi
que l'industrialisation) et le droit de vote pour les travailleurs n'a été obtenu
qu'en 1907.
On pourrait supposer que plus le temps passe, plus le décalage entre le
début de l'industrialisation et la mutation se réduit. Cependant, les cas
de la France et de la Belgique, deux pays ou l'industrialisation a commencé
plus tôt, prouvent le contraire. En France, l'échec de la Commune inaugura une
longue période de réaction et le droit à l'organisation syndicale n'a été reconnu
qu'en 1884, l'essor de la législation sociale étant postérieur à 1900. En Belgique,
les premières conquêtes socio-économiques ont été le résultat des mouvements
de grève de 1886, 1892 et 1893 (1).
Il semble évident, partant de la diversité de l'expérience historique, que les
vicissitudes politiques peuvent accélérer ou retarder considérablement la
mutation. Néanmoins on ne peut pas nier que : a) La mutation n'advient
jamais avant que la classe ouvrière n'ait acquis une certaine maturité
et un poids social; h) La mutation devient économiquement viable
dans la mesure où la productivité du travail dans le pays en question est devenue
comparable à celle des pays compétiteurs sur le marché mondial et dans la
mesure où, dans ces pays, le capital se charge déjà du coût social supplément
aire que cette mutation implique. La conquête des droits politiques et syndi
caux par la classe ouvrière de l'Angleterre et de l'Allemagne, les deux plus
puissantes nations industrielles à la fin du siècle, a dû rendre plus facile leur
(1) W. Abendroth, A Short history of the European working class, Monthly Review Press,
N.Y., 1972, pp. 29 à 64.
962 REPRODUCTION DE LA FORCE DE TRAVAIL
conquête en France et en Belgique dans les années suivantes, ainsi que dans
d'autres pays européens moins développés industriellement.
Il est difficile de dire dans quelle mesure, dans les nations européennes, le
capital dépendait déjà de la reproduction de la force de travail pour obtenir
et surtout accroître le montant de main-d'œuvre qu'il exploitait. Il est probable
cependant qu'une grande partie de la force de travail libérée par l'emploi
d'autres modes de production a émigré outre-mer, ce qui a assuré une
situation de quasi plein emploi en Europe dans les années qui précédèrent la
deuxième guerre mondiale. Dans ces circonstances les Etats bourgeois euro
péens avaient des raisons de caractère « structurel », en dehors des motivations
politiques évidentes, pour intervenir dans la reproduction de la force de
travail.
Maintenant, si nous examinons ce processus dans les pays qui sont en train
de s'industrialiser tardivement, la première chose à remarquer est que, par
définition, la croissance de leur armée industrielle est due plutôt à la production
qu'à la reproduction de la force de travail. Ceci est un des traits qui distingue
les pays non développés de ceux qui le sont déjà. On pourrait même dire que
le développement capitaliste est un processus de production de force de travail
pour le capital. Ou bien que, quand la production de la force de travail pour le
capital est devenue insignifiante par rapport à la reproduction par suite de
l'épuisement des modes de production non capitalistes, le processus de déve
loppement capitaliste est achevé et le pays en question doit être considéré
comme développé.
Le Brésil, par exemple, en dépit de son considérable développement indust
riel, est, d'après ce critère, un pays non développé. Essayons de voir comment
l'armée industrielle s'y est accrue dans les vingt dernières années. Etant donné
l'imprécision des recensements concernant les situations d'emploi de ceux qui
travaillent dans l'agriculture, nous parlerons uniquement des salariés non
agricoles des entreprises privées (étant exclus par conséquent les employés
de l'administration publique). Leur n

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