Rome chez les géographes arabes - article ; n°2 ; vol.119, pg 281-291
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Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1975 - Volume 119 - Numéro 2 - Pages 281-291
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1975
Nombre de lectures 30
Langue Français

Extrait

Monsieur André Miquel
Rome chez les géographes arabes
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 119e année, N. 2, 1975. pp. 281-
291.
Citer ce document / Cite this document :
Miquel André. Rome chez les géographes arabes. In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-
Lettres, 119e année, N. 2, 1975. pp. 281-291.
doi : 10.3406/crai.1975.13126
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1975_num_119_2_13126ROME CHEZ LES GÉOGRAPHES ARABES 281
COMMUNICATION
ROME CHEZ LES GÉOGRAPHES ARABES,
PAR M. ANDRÉ MIQUEL.
Je dois à mon maître Régis Blachère, que la mort enleva si tôt
à votre illustre assemblée, et à M. Henri Laoust, qui a bien voulu
me faire l'honneur de me présenter, d'avoir été intéressé très tôt
par la géographie arabe. Par cette expression, on entendra un
ensemble de textes rédigés en cette langue après les débuts du califat
abbasside de Bagdad (11e siècle de l'Hégire /vme siècle après J.-C.)
et dont l'origine est triple : cosmographie grecque ou indienne, revue
et corrigée à la lumière des terres conquises par la nouvelle histoire
musulmane, traités des fonctionnaires sur les thèmes de la frontière,
de la poste et du cadastre, enfin relations de voyageurs, ambassa
deurs ou commerçants. Au ive/xe siècle, ces données se rassemblent
en deux genres principaux : une géographie encyclopédique à l'usage
d'un public cultivé mais non spécialisé, d'une part, et, d'autre
part, une description ordonnée du monde, et d'abord du monde
musulman1.
L'intérêt de ces textes est multiple : on peut évidemment les
exploiter en historien, et la recherche, notamment en matière
d'histoire économique ou religieuse, sait de quelles moissons ils sont
porteurs. Une autre voie possible nous invite à l'histoire de cette
géographie. Outre son évolution, que l'on vient d'esquisser, on la
définira, fondamentalement, comme une géographie humaine, et
ce en deux sens : humaine, d'abord, parce qu'elle pose, de décret
divin, l'homme au centre de la création, et donc que le monde en
son ensemble, y compris celui de la géographie physique ou astrale,
doit être expliqué, en dernière analyse, par référence à ce microcosme
humain auquel il est lié selon les modes logiques de l'analogie, du
conflit, de la cause ou de la finalité. Humaine, aussi, parce que cette
géographie ne pose pas l'homme seulement comme objet d'une
recherche : il est présent aussi comme sujet, avec ses goûts, son
tempérament, ses options politiques ou religieuses : face à notre
géographie qui, pour être science, doit éliminer dans sa recherche
toute intervention subjective, cette géographie-ci est une géographie
d'auteurs.
L'historien sait quelles défenses il doit disposer autour de ses
investigations pour ne pas laisser ces sujets, ces personnes, fausser
1. Sur cette littérature géographique, cf. A. Miquel, La Géographie humaine
du monde musulman jusqu'au milieu du XIe siècle, Paris -La Haye, 2e éd., 1973. 282 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
l'imagination objective du monde qu'il se propose d'étudier. Il doit
rester constamment en éveil et comme sur la défensive pour corriger
l'intervention intempestive d'une mentalité dans le donné qu'elle
livre. Mais si, renversant la perspective, nous faisions de cette
mentalité même, de ses rapports avec le monde dont elle traite,
l'objet d'une étude nouvelle ? Si l'on étudiait non pas le monde tel
qu'il fut dans la réalité, mais le monde tel qu'il fut perçu, approuvé,
corrigé, rêvé même dans les consciences ? Non pas le monde comme
objet de l'histoire, mais le monde comme objet d'une représen
tation ?
Pour qu'une telle étude soit possible, il faut évidemment se
garder du formalisme pur et simple. Le monde en effet n'est pas
une forme vide, il appartient à une histoire et l'histoire, loin d'être
récusée avec un mépris trop commode, doit au contraire garder sa
place, toute sa place, dans une étude de mentalité. Car pour apprécier
une distance éventuelle entre le réel et la représentation que l'on
s'en fait, il faut bien que l'histoire, qui tient les clés de ce réel, soit
toujours présente, comme une référence constante, dans l'analyse.
Autre difficulté, et objection possible : puisqu'il s'agit d'étudier
la relation entre le monde et la conscience qui le perçoit, le risque
est grand, peut-être, de voir s'éparpiller la recherche en autant
d'études qu'il y a de consciences, de personnes par définition
variables. Sommes-nous fondés à parler d'une mentalité commune ?
En d'autres termes, nos géographes constituent-ils une population
cohérente ? Nous croyons pouvoir répondre par l'affirmative, et
dire qu'ils constituent en effet une population remarquablement
homogène par le fait même qu'elle se définit comme moyenne.
Socialement, d'abord. Ces auteurs incarnent (et s'adressent à)
l'administrateur, le marchand et l'honnête homme. Or, le fonction
naire, l'homme des bureaux califiens, se situe, par son rôle, entre
la masse et les hautes classes dirigeantes ; le marchand, celui du
grand commerce lointain, se situe à son tour entre le petit boutiquier-
artisan du souk et l'aristocratie, du pouvoir ou du sang ; l'honnête
homme, enfin, c'est celui qui, comme le nôtre, se repère à une
définition du savoir fondé sur la culture plutôt que sur la science,
sur les « lumières » plutôt que sur un savoir approfondi.
Moyenne aussi sur le plan politique et religieux. Tous nos auteurs
appartiennent à l'Islam que je dirais majoritaire : sunnites ou plus
souvent chiites, ils récusent les extrémismes de l'un et l'autre camp,
tous sont sensibles, au-delà des divergences d'écoles, au caractère
communautaire de l'Islam, tous, arabes ou iraniens d'origine,
écrivent, à deux exceptions près, dans la langue communautaire et
véhiculaire de cet Islam, l'arabe.
Moyenne, enfin, comme on l'a laissé entendre, sur le plan de la ROME CHEZ LES GÉOGRAPHES ARABES 283
culture. Car l'administrateur, le marchand et l'honnête homme sont
moyens autant et plus par leur culture que par leur position sociale.
Cette culture, que l'on désigne sous le terme à'adab, agit comme
un ferment unitaire sur tous ceux qui la possèdent, et c'est bien
dans ce contexte un d'une culture moyenne que nos textes se sont
élaborés, à mi-chemin entre l'expérience vécue et la documentation
livresque, entre le concret et la vulgarisation des données des
savants.
Ainsi peut-on, au-delà des différences de détail, proposer une
lecture globale de ces textes, un peu comme si, à la limite, ils avaient
été écrits par le musulman moyennement cultivé des me-ive/
ixe-xe siècles. De ce point de vue, leur importance est énorme, entre
les œuvres des grands savants et penseurs, d'un côté, et la littérature
populaire, si mal connue et presque absente, de l'autre. Par eux
peut-être aurons-nous accès à l'image du monde que se faisait alors,
sinon la masse musulmane, du moins ce musulman moyen, situé
au milieu de l'échelle sociale et culturelle. Sans doute pourra-t-on
objecter que les géographes ne sont pas les seuls dans ce cas, et que
l'on peut trouver, dans les lettres arabes, d'autres populations
possibles pour l'étude des mentalités. Mais au moins devra-t-on
convenir que la leur est la mieux placée pour cela, puisque la seule
à se proposer la description du monde comme objet conscient de
la recherche.
Dernière remarque : au nombre des ferments d'unité intervient
l'époque ; plus celle-ci sera brève, plus la synchronie sera rigoureuse,
et plus nous aurons de chance de trouver une mentalité homogène.
Les textes retenus, en l'espèce, couvrent à peine un siècle et demi,
des années 850 à 1000 de J.-C, ce qui est peu pour une littérature
de quatorze siècles ou presque. Mais il y a plus, et plus sérieux :
le grand clivage du xie siècle, qui inaugure avec les Turcs une
nouvelle phase de l'

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