Séparation, retour, permanence. Le lien maternel dans le rite naven des latmul - article ; n°151 ; vol.39, pg 151-179
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Séparation, retour, permanence. Le lien maternel dans le rite naven des latmul - article ; n°151 ; vol.39, pg 151-179

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Description

L'Homme - Année 1999 - Volume 39 - Numéro 151 - Pages 151-179
29 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 35
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Bernard Juillerat
Séparation, retour, permanence. Le lien maternel dans le rite
naven des latmul
In: L'Homme, 1999, tome 39 n°151. pp. 151-179.
Citer ce document / Cite this document :
Juillerat Bernard. Séparation, retour, permanence. Le lien maternel dans le rite naven des latmul. In: L'Homme, 1999, tome 39
n°151. pp. 151-179.
doi : 10.3406/hom.1999.453624
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1999_num_39_151_453624retour, permanence Séparation,
Le lien maternel dans le rite naven des latmul
Bernard Juillerat
a en mémoire les photographies de l'ouvrage de Gregory Bateson,
Naven, montrant des « oncles maternels » accoutrés en vieilles femmes et tit
ubant à travers un village iatmul devant les enfants amusés. Depuis les premiers
travaux de Bateson (1932, 1936), le Naven des latmul du moyen Sépik
(Papouasie Nouvelle-Guinée) est certainement devenu l'un des rites les plus
connus et les plus commentés par les anthropologues. Contrairement à l'initia
tion, ce rite ne fait pas partie du culte masculin ; il n'est attaché ni à la maison
des hommes ni aux moitiés totémiques ; il s'agit d'un rite public, non religieux,
se déroulant à découvert dans le village. Naven « a été pour moi une occasion de
soumettre à l'expérimentation ou, mieux, à une série d'expérimentations, les
méthodes de traitement du matériel ethnologique » (Bateson 1958 : 257 ; 1986 :
298) ; plus qu'un travail ethnographique fondé sur l'étude fonctionnelle des ins
titutions, l'ouvrage apparaît comme une somme d'observations et de commenta
ires d'informateurs conduisant à une analyse structurale construite
principalement en référence aux notions & ethos (l'expression des émotions et
des pulsions individuelles dans une culture donnée) et d'eidos (« une normalisat
ion des aspects intellectuels [cognitive aspects] de la personnalité des individus » —
ibid. : Tl§ ; ibid. : 263). À partir de là et plus particulièrement de l'analyse du
comportement des hommes entre eux, Bateson en vient à définir « un processus
de différenciation dans les normes de comportement individuel résultant d'interac
tions cumulatives entre des individus » (ibid. : 175 ; ibid. : 221) qu'il nomme
schismogenèse et dont il distingue deux modalités, symétrique ou complémen- ÍT
taire ; cette notion est aujourd'hui bien connue quoique peu utilisée en anthro- ^
pologie1. Plutôt qu'y cerner des fonctions et des contenus symboliques, Bateson t/)
S
rite. 1. Voir cependant Houseman & Severi (1986, 1994) qui Font reprise dans leur propre interprétation du o 2
UJ
L'HOMME 151 / 1999, pp. 151 à 180 a cherché, à travers le comportement des individus et leurs discours, à saisir
quelque chose de la structure et de l'évolution de la société tout entière2.
152 H faut attendre les années 60-70 pour que de nouvelles recherches de terrain
soient effectuées chez les Iatmul. C'est l'école de l'université et du musée ethno
graphique de Bale qui entreprend alors des investigations systématiques et pro
longées dans différents villages iatmul, ainsi que chez les Sawos voisins3. Nous
devons aux recherches bâloises deux avancées significatives concernant la compré
hension de ce rite : premièrement la description de nombreux Naven observés,
dont la comparaison permit de mieux fixer les constantes mais aussi les variantes,
deuxièmement la mise en lumière de ce que Bateson n'avait pas relevé, à savoir le
rôle central de la mère parmi les signifiants rituels (Stanek 1983a, 1983b ;
Morgenthaler F. & M. & Weiss 1987)4. Je ne reviendrai pas sur la comparaison
des matériaux de Bateson avec ceux des anthropologues de Baie ou d'enquêteurs
plus récents (Coiffier 1994) : on pourra se reporter à l'ouvrage de Michael
Houseman et Carlo Severi (1994). Par contre, j'aimerais développer le second
point, car la relation mère/enfant (et ce qu'en fait la culture) ainsi que la position
généalogique du fils-neveu utérin me paraissent être au cœur et à l'origine du rite.
Lors de recherches de terrain plus récentes chez les Iatmul orientaux (village de
Tambunum), Eric Silverman a observé de nouvelles modalités du Naven qui l'ont
conduit à souligner avec la plus extrême conviction le rôle sous-jacent de la matern
ité dans la culture iatmul (Silverman, à paraître), y compris dans ses aspects les
plus spécifiquement réservés aux hommes comme l'initiation5.
Rappelons brièvement les circonstances qui suscitent l'organisation d'un
Naven ainsi que le scénario rituel le plus habituel. Bateson les avait subdivisées
en trois catégories : travaux, accomplissements rituels et retours de voyages.
Parmi les « actes culturels » accomplis pour la première fois par un garçon et
honorés par un Naven, Bateson cite l'abattage de chaque espèce animale, la cap
ture d'une anguille, la plantation d'un arbre, l'abattage d'un sagoutier, la fabri
cation d'un outil, d'une arme, d'une pirogue ou d'un instrument de musique,
jouer d'une flûte ou d'un tambour, acheter un objet de valeur, être initié, etc.
Pour les filles il s'agit de la première pêche, du filtrage ou de la préparation du
sagou, du premier échange au marché de forêt6, de l'initiation (abandonnée
aujourd'hui), etc. Mais la célébration la plus complète, pour le garçon seulement,
2. Pour de plus complètes analyses sur la méthode de Bateson, voir Gewertz 1983, Houseman & Severi
1986, Lipset 1982, Marcus 1985, Winkin, ed. 1988.
3. À la même époque, deux chercheurs américains, Deborah Gewertz et Frederick Errington, entrepre
naient une recherche de longue haleine chez les Chambri autrefois visités par Margaret Mead (Gewertz
1983), et Simon Harrison inaugurait une enquête chez les Manambu installés sur le fleuve en amont des
Iatmul et Chambri (Harrison 1990, 1993).
4. Bateson avait en effet centré toute son interprétation sur la relation entre oncle maternel et neveu (nièce)
utérin(e).
m' avoir fait parvenir son manuscrit alors que le présent 5. Je remercie chaleureusement Eric Silverman de
article était en voie d'achèvement. C'est donc dans l'après-coup de mes réflexions sur le rite Naven que j'ai
introduit dans mon texte les remarques portant sur le travail de ce chercheur.
6. Lieu d'échange traditionnel où les femmes iatmul échangent du poisson contre du sagou avec les femmes
sawos (Gewertz 1983 ; Weiss 1981).
Bernard Juillerat honore le jeune homme qui a tué « un ennemi, un étranger ou une victime ache
tée » (Bateson 1958 : 6 ; 1986 : 44). Chaque accomplissement de l'enfant ou de
l'adolescent(e) marquant l'acquisition d'un savoir, et donc une meilleure inser- 1 53
tion sociale, est ainsi l'occasion d'un Naven. Nous verrons que ces actions suc
cessives sont symboliquement identifiées aux exploits du héros mythique. Par
ailleurs, le rite fournit l'occasion de mettre en scène de façon débridée et ludique
des fantasmes portant sur le rapport entre les sexes et la filiation. Les deux liens
dominants sont ceux entre la mère et son enfant (si celui-ci est encore petit) et
entre un oncle maternel classificatoire et son neveu utérin (lorsque l'enfant est
déjà grand) ; la place rituelle octroyée à la tante paternelle, l'épouse du frère aîné
ou l'épouse de l'oncle maternel est secondaire bien que significative ; le lien entre
père et fils n'est que très indirectement noté ; j'y reviendrai.
Les scènes caractéristiques du Naven sont multiples, plus ou moins récurrentes
et ne sont pas nécessairement liées entre elles. L'épisode le plus connu et qui est
devenu emblématique de ce rite concerne le comportement des oncles maternels
(wau) travestis et la réponse que leur oppose leur neveu utérin (laua), faite d'évi-
tement, de honte et finalement d'un don de monnaies de coquillages contre la
nourriture offerte par l'oncle. Les frères de mère déguisés en vieilles femmes, tout
en déclarant qu'ils sont leur propre sœur (mère du neveu), partent à la recherche
de leur enfant de sœur (fils). Parfois coiffés d'un filet de pêche, activité essentie
llement féminine, il leur arrive d'appeler leur laua par un chant où celui-ci est
identifié au poisson (Stanek 1983b). Honteux, le nev

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