Stendhal et la tentation de l histoire - article ; n°107 ; vol.30, pg 5-22
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Romantisme - Année 2000 - Volume 30 - Numéro 107 - Pages 5-22
Quoique jugé piètre historien et peu sûr lui-même de ses dons pour l'histoire, Stendhal n'a cessé de s'y intéresser de très près. Spectateur dès son enfance, plus tard acteur d'une «histoire» capitale, il songe très tôt à s'en faire, d'abord le «barde», avant de comprendre l'effort de lucidité qu'exigera «l'Histoire» de ce qui n'est rien moins que la naissance du monde moderne. Ni fiction «d'antiquaire», ni fable partisane, elle doit être, chronique et discours, élucidation du «présent» et la difficulté en est de «véridicité» autant que de vérité. Ce problème le poursuivra toute sa vie. De ses propres essais puis des comptes rendus qu'il donne aux revues anglaises des premiers écrits de «l'Histoire» moderne, il tire une idée de la littérature et du vrai qui lui permet d'inventer, avec Armance, le roman moderne, seule écriture valide à ses yeux de l'histoire du temps présent.
Though he was said a poor historian and was himself in doubt about his abilities for history, Stendhal showed a continuons interest in it. Spectator, since childhood, next actor of a capital «story», he soon thinks of becoming its «bard» before he realizes the effort of clearmindedness that will be required to write the « History » of what is nothing but birth of the modem world. Neither antiquarian fiction nor partisan tale, it must be the elucidation of the present, and its difficulty is to be trustworthy as mush as true. This problem will haunt him all his life. From his own essays, then front reviews of modem French historians'works he sends to English magazines, he forms a notion of Literature and Truth which bases his invention, with Armance, of modem novel, that he will henceforward think the only right way to write the History of present time.
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. Gérald Rannaud
Stendhal et la tentation de l'histoire
In: Romantisme, 2000, n°107. pp. 5-22.
Abstract
Though he was said a poor historian and was himself in doubt about his abilities for history, Stendhal showed a continuons
interest in it. Spectator, since childhood, next actor of a capital «story», he soon thinks of becoming its «bard» before he realizes
the effort of clearmindedness that will be required to write the « History » of what is nothing but birth of the modem world. Neither
antiquarian fiction nor partisan tale, it must be the elucidation of the present, and its difficulty is to be trustworthy as mush as true.
This problem will haunt him all his life. From his own essays, then front reviews of modem French historians'works he sends to
English magazines, he forms a notion of Literature and Truth which bases his invention, with Armance, of modem novel, that he
will henceforward think the only right way to write the History of present time.
Résumé
Quoique jugé piètre historien et peu sûr lui-même de ses dons pour l'histoire, Stendhal n'a cessé de s'y intéresser de très près.
Spectateur dès son enfance, plus tard acteur d'une «histoire» capitale, il songe très tôt à s'en faire, d'abord le «barde», avant de
comprendre l'effort de lucidité qu'exigera «l'Histoire» de ce qui n'est rien moins que la naissance du monde moderne. Ni fiction
«d'antiquaire», ni fable partisane, elle doit être, chronique et discours, élucidation du «présent» et la difficulté en est de
«véridicité» autant que de vérité. Ce problème le poursuivra toute sa vie. De ses propres essais puis des comptes rendus qu'il
donne aux revues anglaises des premiers écrits de «l'Histoire» moderne, il tire une idée de la littérature et du vrai qui lui permet
d'inventer, avec Armance, le roman moderne, seule écriture valide à ses yeux de l'histoire du temps présent.
Citer ce document / Cite this document :
Rannaud Gérald. Stendhal et la tentation de l'histoire. In: Romantisme, 2000, n°107. pp. 5-22.
doi : 10.3406/roman.2000.886
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_2000_num_30_107_886RANNAUD Gérald
Stendhal et la tentation de l'histoire
L'intention, tôt affirmée par le jeune Brulard, de se contenter de «vivre à Paris en
faisant des comédies» a accrédité l'idée que la vocation comique a été à l'origine de
la carrière littéraire de Stendhal, le roman étant, au XIXe siècle, la forme moderne de
l'impossible comédie. Nous voudrions ici, fût-ce à traits un peu rapides, essayer de
montrer que, pour être valide, cette explication ne saurait s'imposer comme unique et
que le roman stendhalien peut être aussi le résultat de la recherche, très tôt entamée
pas son auteur, d'un style pour écrire l'histoire du présent. Que Beyle, en dépit d'un
intérêt maintes fois manifesté et de quelques essais inaboutis, ne soit pas devenu his
torien, ne saurait être considéré comme la preuve d'une native inaptitude à la rigueur
et d'un irrépressible penchant à enfourcher les chimères du romanesque. Prenons
garde à de telles réponses, illusoirement claires, qui supposent bien établies des caté
gories à l'époque encore assez indécises. La méthode historique n'est alors qu'en train
de naître et le romanesque reste encore le poétique pays des perfections sentimentales
et extraordinaires. Un tel recours à une hypothétique psychologie de l'invention ne
ferait qu'obscurcir une question qui revient, à travers le cas de Stendhal, à s'interroger
peut-être sur les conditions et raisons de l'apparition simultanée à cette même époque
de ces deux formes littéraires modernes : l'histoire et le roman. Le mouvement qui
conduit de Corinne vers Armance et Le Rouge et le Noir est- il si intrinsèquement dif
férent de celui qui va de Y Histoire de France de Velly ou d'Anquetil aux Essais sur
l'Histoire de France de Guizot? «Nommer [une] œuvre par son auteur, écrit
P. Ricœur ', n'implique aucune conjecture concernant la psychologie de l'invention ou
de la découverte, donc assertion portant sur l'intention présupposée de l'inven
teur, mais la singularité de la résolution d'un problème» qui, «répondant à la singular
ité de la conjoncture de crise, telle que le penseur ou l'artiste l'a appréhendée, peut
recevoir un nom propre, celui de l'auteur». Il en sera de même dans cette réflexion
sur le «style» des romans de Stendhal, d'où le titre et l'hypothèse d'une équivalence
qu'il suggère - chez Stendhal et à un certain moment de l'histoire politique et
littéraire — entre l'écriture du roman et celle de l'histoire. Dans les cahiers où, parallè
lement à son Journal, le jeune sous-lieutenant démissionnaire, de retour à Paris, note
les réflexions qui sont nées de ses lectures, trace ses programmes de travail et
consigne ses projets littéraires, on peut lire dès les premières pages, à la date du 11
frimaire de l'an XI (22 novembre 1802), à côté d'une liste de «Sujets d'ouvrages» à
faire, énumérant comédies, tragédies, etc. :
Ouvrages en prose
Histoire de Bonaparte. de la Révolution française.
Histoire des grands hommes qui ont vécu pendant la Révolution française.
Commencer ces trois ouvrages à 35 ans, dans 15 ans d'ici. 2
1. Temps et récit, coll. «Essais», Seuil, 1985, III, Le Temps raconté, p. 292-293.
2. Journal littéraire, Œuvres complètes (OC), sous la direction de V. Del Litto et E. Abravanel, Cercle
du Bibliophile, Paris-Genève, 1968-1974, 50 vol., I, p. 16.
ROMANTISME n° 107 (2000-1) 6 Gérald Rannaud
Projets lointains apparemment, mais qui s'inscrivent dans un plan de carrière littéraire
qui prétend d'emblée, à côté de la célébrité de la scène, à la gloire de la grande poésie
et à la grandeur de Plutarque, comme le montre cette autre liste de « Poèmes », voisine
et parallèle, où «Le Paradis perdu, en 4 chants» lui semble, ajoute-t-il un peu plus
tard, un «projet excellent pour me préparer à la dp [Pharsale] » qui aura à raconter «la
chute de la République romaine et l'établissement de l'Empire par César3». Ainsi,
avant que le temps et la maturité n'autorisent le regard de l'histoire, les années consul
aires invitent à parer des prestiges de l'épopée l'histoire qui se fait et se vit. L'ancien
élève de l'École centrale peut encore s'y sentir vibrer de «l'enthousiasme» qui ani
mait les « fêtes, [et] cérémonies nombreuses et touchantes » 4 où son cœur se nourriss
ait du sentiment de la patrie. Le jeune écrivain est conduit à penser son œuvre à
venir dans un climat intellectuel que Starobinski a bien décrit en montrant la commun
auté d'intention qui fonde «deux des institutions caractéristiques de la Révolution, le
Musée et le Panthéon», où «le savoir historique s'unit à l'exaltation des grands
hommes exemplaires5».
Très tôt il a conscience que l'acte littéraire est désormais lié à cet événement capital.
Les derniers jours de 1802 et les premiers de 1803 seront consacrés à préparer opiniâ
trement cette Pharsale, «commencée le 29 frimaire an XI 6», épopée tout à la fois de
César, de Rome, de l'Egypte, de Bonaparte et des Français, histoire poétique du
monde, qui devrait lui valoir la gloire des plus grands :
La Révolution française devient pour les poètes français qui existeront dans quatre cents
ans la plus belle source de gloire qui ait jamais existé. Cette idée développée me fournira
un beau chapitre pour mon h[istoire de la R [évolution]. Tâcher de profiter comme poète
de tout ce que je pourrai prendre 7.
Les nombreux feuillets consacrés à ce chef-d'œuvre en préparation témoignent de
l'intensité de la rêverie si ce n'est d'une rigueur méthodologique. On en trouve l'écho
jusque dans les lettres à Pauline dont, on le sait, les sujets et les thèmes pédagogiques
sortent en droite ligne des travaux du jour. Mais l'histoire n'est ici qu'occasion

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