Tiges de mil, tiges d igname. Essai sur la parenté chez les Bedik et les Beliyan (Sénégal oriental) - article ; n°3 ; vol.24, pg 35-60
27 pages
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Tiges de mil, tiges d'igname. Essai sur la parenté chez les Bedik et les Beliyan (Sénégal oriental) - article ; n°3 ; vol.24, pg 35-60

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Description

L'Homme - Année 1984 - Volume 24 - Numéro 3 - Pages 35-60
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 49
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Marie-Paule Ferry
Erik Guignard
Tiges de mil, tiges d'igname. Essai sur la parenté chez les Bedik
et les Beliyan (Sénégal oriental)
In: L'Homme, 1984, tome 24 n°3-4. pp. 35-60.
Citer ce document / Cite this document :
Ferry Marie-Paule, Guignard Erik. Tiges de mil, tiges d'igname. Essai sur la parenté chez les Bedik et les Beliyan (Sénégal
oriental). In: L'Homme, 1984, tome 24 n°3-4. pp. 35-60.
doi : 10.3406/hom.1984.368513
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1984_num_24_3_368513r
s
TIGES DE MIL, TIGES D'IGNAME
ESSAI SUR LA PARENTÉ CHEZ LES BEDIK
ET LES BELIYAN (SÉNÉGAL ORIENTAL)
par
MARIE-PAULE FERRY & ERIK GUIGNARD
Les Bedik donnent à leurs lignages patrilinéaires le nom de « tiges de mil m1.
Se dressant droites et rigides dans les champs après la récolte, ces tiges sèches, qui
ont porté les lourds épis de mil, restent sur place jusqu'au prochain ensemence
ment. Elles illustrent bien le principe d'une filiation patrilinéaire et patrilocale
qui privilégie l'aîné, « celui qui passe devant », tel le nœud supérieur de la tige.
« Tiges d'ignames »2 désigne les lignages matrilinéaires des Beliyan ou Bassari :
souples, s'enroulant à un arbre, cachant sous terre leurs tubercules (Gessain 1978 :
191), donnant à la naissance des feuilles des bulbilles très appréciées, l'igname offre
l'image de cette filiation par la mère, si difficile à suivre quand celle-ci se déplace
de terroir en terroir, de mari en mari, telle la tige qui s'enroule de branche en
branche. L'igname évoque aussi une double récolte : celle des bulbilles par cueil
lette et celle des tubercules par fouissage, comme si les lignages devaient donner
deux types de produit.
Les tiges de mil, porteuses d'épis cette fois, furent d'abord, disent les Bedik,
aux mains des masques féminins, cCokota?, qui auraient, en les prenant comme bâton
de rythme pour leurs danses, ensemencé le sol et apporté cette graine aux hommes.
Aujourd'hui, lors d'un rituel quadriennal*, chaque femme mariée porte encore à la
main une tige de mil sans épi, un « lignage » à qui elle a donné des enfants. Le
lignage paternel est ainsi dans les mains des femmes, celles des femmes mariées
1. Tige de mil, à l'augmentatif ga-nyam « grande ou grosse tige de mil », désigne le lignage
dont le nom est hérité de père en fils et fille.
2. Tige d'igname a aussi un augmentatif : a-nsng « grande ou grosse tige d'igname »
(non spécifié).
3. La transcription est phonétique. Toutefois, les tons et les nasalisations ne figurent que
sur les schémas ; les ouvertures vocaliques ne sont pas notées. Les noms propres suivent les
normes françaises, à l'exception de « a » qui transcrit les voyelles centrales, et « e » les voyelles
accentuées « é » et « è ».
4. Cf. note 8.
L'Homme, juil.-déc. 1984, XXIV (3-4), pp. 35-60. 36 MARIE-PAULE FERRY & ERIK GUIGNARD
s'entend, car une femme divorcée ne participe pas à ce rite ; elle est « sortie »,
comme on dit, du lignage.
L'igname, chez les Beliyan, est citée dans les contes : ici, un enfant infernal
creuse trop avidement ces tubercules5 et le trou s'emplit de sang, comme s'il
s'agissait d'un meurtre ; là, une mère qui n'a plus ses parents — condition essent
ielle pour cultiver cette plante — n'arrive pas à cueillir les bulbilles qui poussent
sur les tiges de l'igname6 qu'elle a plantée au pied d'un arbre ; elle promet sa fille
à celui qui y parviendra. L'introduction d'un homme dans ce paysage matrili
néaire assure la récolte des bulbilles ; de même les hommes, dans la famille, gardent
un lien avec leur progéniture par la relation ruwis « fils du lignage du père »
(cf. infra, pp. 48-49), alors que tout enfant appartient au lignage de la mère. Il
faut tenir compte de cette double production de l'igname : tubercules, enfants du
lignage maternel ; bulbilles, enfants de la tige, issus du lignage paternel.
Ces deux populations, Bedik et Beliyan, connues sous l'appellation générale
Tenda, apparentées linguistiquement et relevant d'un même type culturel
archaïque, mais vivant isolées l'une de l'autre, appartiennent par leur terminologie
de parenté, les Bedik au type iroquois (version patrilinéaire dakota de Murdock),
les Beliyan au type crow (Héritier 1981 : 20). On peut penser qu'il s'agit de popul
ations ayant, au moins partiellement, une origine commune : le système de
parenté bedik a pu se modifier sous l'influence d'un clan conquérant mandingue,
les Keita (Ferry 1967 : 128 sq.). Toute question d'histoire ou d'évolution mise à
part, nous nous bornerons ici, en nous appuyant sur les enquêtes du Centre de
Recherches anthropologiques et sur celles menées par Jacques Gomila (1971)
chez les Bedik, à comparer les deux systèmes de parenté et à tenter de formaliser
les données riches et complexes que nous offrent les Bedik et les Beliyan.
I. — Les Bedik
« Gens de la dolérite », comme ils se nomment eux-mêmes, les Bedik ne sont
plus que 1 500, divisés en deux fractions inégales : 400 Banapas et 1 100 Biwol
(Langaney 1974 : 30) regroupés dans six villages nichés dans des éboulis de dolér
ite. Ils occupent un quadrilatère de 300 km2, alors que leur territoire approchait
autrefois 7 000 km2, débordant au Mali et en Guinée (Ferry 1967 : 126). Les patri-
lign ages représentés (une quarantaine environ), certains par quelques survivants,
d'autres par des groupes importants, sont peut-être une marque de l'ancienne
dispersion de ce peuple décimé par les guerres. Ces patrilignages aux noms bedik,
qui désignent souvent des arbres ou des lieux d'origine, sont regroupés sous les
5. Dioscorea cayenensis.
6.bulbifera. TIGES DE MIL ... y]
patronymes mandingues Keita ou Kamara ; parmi ces derniers, citons les Sadya-
kho, les Kante et les Samura. Les légendes sur les Keita bedik font remonter au
XIIIe siècle la formation de ce petit peuple : c'est à cette époque que se situerait
l'accord conclu entre les Kamara, occupants du sol et détenteurs des pouvoirs
religieux, et les Keita arrivés de « Mandin » ou du Mandé. L'histoire de cette
entente marque encore le sol des villages banapas : l'aîné des frères keita, ancêtre
du lignage Bgnyampay, fut confié aux Kamara Buband dont les maisons occupent
la moitié « basse », au sud-ouest de chaque village ; le second frère keita, ancêtre
des Bat9ranké, le fut aux Kamara-Sadyakho Mabangu, et le troisième, ancêtre des
Bakomè, aux Kamara-Samura Bayar : leurs maisons se trouvent dans la moitié
« haute », au nord-est. La pérennité de ces villages, où les Bedik se retrouvent
pour les fêtes, se reconnaît aux murs de leurs maisons construites en colombins
d'argile : les maisons des villages de culture ont des murs de paille tressée et leur
emplacement varie selon les disponibilités en terre cultivable.
Celui que nous appellerons « chef » ou responsable du village est choisi par le
conseil des anciens parmi les Keita. Ce titre n'est donc pas héréditaire. Il est même
rare aujourd'hui de voir un adeni ar ikon le rester toute sa vie : accablé par les
tâches de collecte des impôts, le règlement des conflits et des divorces, l'applica
tion des décisions gouvernementales, il demande souvent à être relevé de ses
fonctions. Son homologue religieux, YacCem ar usyil « détenteur du Mystère »,
garde, lui, jusqu'à sa mort la calebasse servant aux rituels sacrificiels. Son héritier
présumé est l'homme le plus vieux des lignages du groupe kamara-sadyakho ;
toutefois, si celui-ci ne peut remplir cette fonction, un homme plus jeune est dési
gné par les anciens pour lui succéder.
Les deux hommes, l'un Keita responsable du village, l'autre Kamara-Sadyakho
responsable du Mystère, se partagent l'organisation des fêtes au cours de l'année
(Smith 1980). L'initiation des enfants circoncis, lors de laquelle l'oncle utérin
joue un rôle protecteur, dépend de YacCem ar usyil. Une fois initié, le garçon est
intégré dans un système à huit classes d'âge7, le passage de l'une à l'autre se faisant
tous les cinq ans (Smith 1971) . Chaque classe est pourvue d'un chef keita et d'un
adjoint kamara, et des rô

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