Un exotisme noir : la musique  Soul  - article ; n°1 ; vol.1, pg 32-47
17 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Un exotisme noir : la musique Soul - article ; n°1 ; vol.1, pg 32-47

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
17 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Langage et société - Année 1977 - Volume 1 - Numéro 1 - Pages 32-47
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1977
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

F.E. M'Boulé
Un exotisme noir : la musique " Soul "
In: Langage et société, n°1, 1977. Juillet 1977. pp. 32-47.
Citer ce document / Cite this document :
M'Boulé F.E. Un exotisme noir : la musique " Soul ". In: Langage et société, n°1, 1977. Juillet 1977. pp. 32-47.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lsoc_0181-4095_1977_num_1_1_1034(O
UN EXOTISME NOIR,
La musique "SOUL"
F.E. M'BOULE
mais il y avait du rythme
dans chaque syllabe
de la conviction
dans chaque mot
et, pour l'ensemble ,?.
un incroyable volume
- Elle (la musique) est monotone
à un certain degré
Cependant, ils (les Noirs) y
prennent plaisir (3)
Le titre annonce littéralement la couleur. En fait c'est de la
couleur que traite le texte qui suit. Que l'analyse soit fondée sur des
réactions à un matériau sonore, ne fait qu'accentuer les reliefs de la
couleur et découvrir les relations du son et de la couleur.
En 1920, l'industrie du phonogramme connaît un essor sans précé
dent. On est au lendemain de la première guerre mondiale. Cet événement sui
vant à quelques décennies d'intervalle la fin de la guerre de sécession va
démobiliser un certain nombre de citoyens blancs sur le 'front de la morale
puritaine". La grande dépression économique de 1929, suivie de la seconde
guerre mondiale, laquelle précède de peu la guerre de Corée, provoque une cri
se profonde dans la conscience "blanche américaine". Ces crises successives
vont amener un certain nombre de citoyens blancs à adhérer à des valeurs au
tres. On verra que les séquelles de l'esclavage et de son idéologie ne faci
litent pas la tâche des innovations de la "Musique Soul".
Sous sa forme la plus élaborée, i.e., celle qui a reçu la consé
cration des experts, celle qui a pu être parfois magnifiée, et le plus sou
vent méprisée par les musiciens de "carrière" cultivés et reconnus, la musi
que "noire américaine" s'est appelée JAZZ. On dit que ce mot d'origine incon
nue est un mot vulgaire. Il signifie copuler, intensifier le désir ou 1 ' ex-
(1) Ce texte est extrait d'un ouvrage en préparation Rythmes et Sociétés
(2) Smith CE. : Jassmen (à propos de Leadbelly)
( 3) Burton R.F. : Cité par Leroi Jones, Blues People - - 33
ou chercher du plaisir. Autant citation, égayer, populariser, accélérer,
dire qu'il est le contraire des principes de la morale enseignée et des
règles de conduite sociale admises.
En s ' interrogeant sur le milieu dans lequel cette musique s'est
développée, on ne peut s'empêcher de noter qu'elle représente le contre-
courant de la doctrine puritaniste dont les enseignements n'ont pu empêcher
la crise de conscience. Les autorités morales vont trouver, dans la musique
Soul et ses promoteurs, une cible privilégiée contre laquelle seront diri
gées leurs attaques. Elle sera responsable de tous les maux physiques et
moraux dont souffre la société. Son appellation et les connotations qui s'y
rattachent font mieux qu'exprimer le portrait moral des créateurs du Jazz
tel qu'il peut être dépeint par les penseurs et les idéologues du puritanis
me et leurs adeptes. L'existence de brèches dans le système de représenta
tions sociales et dans celui de la production des biens (crise économique),
n'a pas permis aux institutions répressives de faire mieux que marginaliser
le Jazz. La commercialisation de ce mode d'expression va nécessiter son assi
milation à la société civile qui assurera ainsi sa protection. Mais la suces-
sion accélérée de styles, ajoutée à l'image que la société se fait de ces
artistes ne permettra pas à ceux-ci d'être à l'abri du besoin de façon durable
On distingue quatre principaux styles de musique Soul : les spiri
tuals, les blues, le jazz et les gospels. Les premiers décrivant des chants
de travail (shout songs) sont une adaptation des psaumes. Les gospels
(Evangile) comme les Spirituals sont d'inspiration religieuse, mais à la dif
férence de ceux-ci qui sont des oeuvres collectives, ceux-là sont des oeuvres
individuelles dont on connaît nommément les auteurs. On peut également signa
ler l'antériorité des Négro-Spirituals aux Gospels Songs. Les blues sont des
chansons profanes dont la polyphonie instrumentale et vocale rappelle le dia
logue. Il y a dialogue instrumental entre l'improvisateur et celui qui l'ac
compagne, couplé d'un dialogue vocal ceux-ci et leur auditoire. Lors
qu'il se réalise, ce double dialogue facilite l'adhésion de l'improvisateur
et de son public aux thèmes qu'il interprète.
Les Blues comprennent essentiellement trois phrases de quatre mesu
res dont les deux premières sont identiques. Leur cadre harmonique reste g
énéralement immuable et se répartit en quatre mesures sur la tonique avec
abaissement d'un demi-ton du septième degré. On peut se demander si cette
description technique est nécessaire puisque dans l'exécution, il la déborde
et qu'on peut bien le concevoir en dehors de cette description qui, comme
tout traité de composition est un objet idéologique.
Le Jazz issu des Blues et des sous-styles peuvent se définir comme
une série d'impressions sonores et non figées (imitations des voix éraillées
des chanteurs de Blues) caractérisée par une improvisation alternée des ins-
trumentalistes (dialogue). Comme les Blues, le Jazz est une musique de forme
libre. Certains de ses sous-styles (le Behop) se caractérisent par une exé
cution instrumentale bruyante s 'accompagnant d'une production de syllabes
et de sons qui ne veulent rien dire. - - 34
L'innovateur et la critique
Selon J. Coltrane, les rythmes qui accompagnent un solo sont des
dif f érenciateurs kinétiques de la mélodie. L'appréciation de la musique
prend ses distances vis à vis de la métrique ancienne et des états d'âme du
romantisme. Elle est ici figurée à partir des mouvements du corps. Dans la
même direction mais utilisant des termes différents, le saxophoniste
Joe Me Phee (1) définit sa musique à partir du corps et des objets qui l'en
tourent. Il déclare que tout "esprit clair" (je dirais tout corps qui vit)
dispose d'une oreille intérieure qui lui crie des repères... et il ajoute :
"je mets une note après l'autre comme lorsque je marche et mon pied me dit
à chaque nouveau pas si le sol est solide". Me Phee dit encore que le secret
de sa musique est dans les sons que l'on fait en cuisinant, en buvant, du
bruit d'expériences sexuelles irracontables. . . C'est aussi la recherche de
cette longue note unique capable de paralyser chacun d'entre vous et vous
votre esprit et votre identité. Je les enfermerai alors dans des récipients
anonymes que je jetterais aux quatre vents ; à chacun alors de se retrouver".
C'est le corps de chacun qui doit être sollicité par la musique de Me Phee,
se mettre en état de parole, être possédé par cette "longue note unique"(2).
C'est aussi à cette cénesthésie différentielle (qui n'annule pas le corps
de la jouissance, qui ne préjuge pas de la qualité d'un son, ni d'un ensemble
de notes, qui saisit les pulsions corporelles sans les censurer), qu'A. Gide
fait allusion lorsqu 'écrivant sur la musique indigène, il suggère d'imaginer
une "mélodie hurlée par cent personnes dont chacune ne chante la note juste".
Ces indigènes qui ont horreur du son pur et éprouvent le besoin d'en noyer
les contours. L'obsession pour la justesse et la pureté des sons cède la
place dans la musique Soul, aux coups qui font fléchir tel ou tel lieu du
corps (3).
Chez Rosolato (4) il ne peut y avoir polyphonie harmonique sans
cette organisation cohérente des éléments en fonction de l'évolution de la
polyphonie vers des structures harmoniques. Ce qui est frappant ce n'est pas
tant l'évolution vers des structures harmoniques qui restent encore à spéci
fier que l'idéalisation de la note et de la tonalité. Il dit que la répéti
tion, le choix du système écartera tout cp qui perturbe la conscience de la
note et de la tonalité. La musique tiendrait donc sa précision, son évolution,
pour reprendre le mot de Rosolato d'un Idéal (lequel ?) dont il ne saurait
s'

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents