Un peintre romantique russe : Alexandre Ivanov - article ; n°1 ; vol.27, pg 227-236
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Description

Revue des études slaves - Année 1951 - Volume 27 - Numéro 1 - Pages 227-236
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1951
Nombre de lectures 25
Langue Français

Extrait

Louis Réau
Un peintre romantique russe : Alexandre Ivanov
In: Revue des études slaves, Tome 27, 1951. Mélanges André Mazon. pp. 227-236.
Citer ce document / Cite this document :
Réau Louis. Un peintre romantique russe : Alexandre Ivanov. In: Revue des études slaves, Tome 27, 1951. Mélanges André
Mazon. pp. 227-236.
doi : 10.3406/slave.1951.1544
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1951_num_27_1_1544UN PEINTRE ROMANTIQUE RUSSE :
ALEXANDRE IVANOV
PAR
LOUIS RÉAU
Le nom d'Alexandre Andreevitch Ivanov est presque inconnu en
France, même des spécialistes de l'histoire de la peinture moderne.
Cette méconnaissance du plus grand peintre russe de la première moitié
du xixe siècle n'a rien de surprenant. Ivanov n'a jamais fait le moindre
effort pour entrer en contact avec les Romantiques français de sa généra
tion qu'il aurait pu connaître sinon à Paris, où il ne vint jamais, du moins
à Rome où il passa la majeure partie de sa vie. Mais Ingres, alors directeur
de la Villa Médicis, lui resta aussi étranger que Delacroix.
D'autre part, ses œuvres sont toutes restées en Russie. Nos musées
n'en possèdent aucune et, pour s'en faire une idée, il faut avoir été à
Moscou et à Leningrad.
Ces deux raisons suffisent pour expliquer le très faible rayonnement
de son art en Occident. Au surplus, on peut présumer que, même si les
circonstances avaient été plus favorables, il aurait été peu compris et peu
goûté en France où la peinture était animée d'un tout autre idéal et
s'orientait dans des directions très différentes. La critique lui aurait
reproché d'être à la fois trop Russe et trop Allemand et de rester pri
sonnier ' Cependant d'un Académisme son œuvre, qui périmé. nous apparaît, avec le recul d'un siècle,
un grand effort avorté plutôt qu'une réussite, est loin d'être indiffé
rente.
Ce «raté» était un génie inquiet et dévoyé qui a mal choisi ses modèles
et s'est acharné, avec une mauvaise méthode de travail, à des besognes
ingrates au lieu d'écouter ses voix intérieures, de suivre la pente natur
elle de son tempérament. Son «cas» mérite d'être étudié tant au
point de vue psychologique qu'au point de vue de la création artistique.
Il y aurait plus d'une leçon à en tirer.
8. 228 LOUIS BEAU.
• *
Le grand romancier Ivan Tourguenev est sans doute le critique qui l'a
le mieux jugé, avec une sympathie manifeste, en le plaçant très au-dessus
de ses contemporains les plus réputés, mais sans dissimuler ses insuff
isances et en dosant avec autant de clairvoyance que d'équité le blâme
et l'éloge. La page qu'on va lire est un modèle de critique nuancée qui
mériterait de figurer comme épigraphe — un peu longue il est vrai — en
tète de toute étude sur Ivanov, ne fût-ce que pour «donner le /a» :
Ivanov H'efct pas au nombre des peintres créateurs . . Quiconque étudiera ses œuvres sans
parti pris y trouvera un amour prodigieux du travail, une tendance à l'idéal, de la pensée,
tout, sauf la puissance créatrice.
Il a été victime de la fatalité qui poursuit encore maintenant l'art russe et qui consiste
dans la division des facultés qui constituent le talent. S'il avait eu celui de Brullov ou si ce
dernier avait eu le cœur et l'âme d'Ivanov, de quelles œuvres admirables n'aurions-nou» pas
été dotés?
L'un avait reçu le don d'exprimer tout ce qu'il voulait, mais il n'avait rien à dire. L'autre
avait beaucoup à dire, mais sa langue bégayait. Brullov brossait des toiles à effet, dénuées de
poésie, sans profondeur. Ivanov s'efforçait d'exprimer une pensée neuve, profondément
sentie, mais son exécution était inégale, approximative, sans vie.
On raconte qu'Ivanov a copié trente fois la tête de l'Apollon du Belvédère et autant de
fois celle d'un Christ byzantin qu'il avait découvert à Palerme ; puis, en les approchant l'une
de l'autre, il réussit à peindre la tête de son Saint Jean-Baptiste. Ce n'est pas ainsi que créent
les véritables artistes.
Pourtant, s'il fallait choisir entre les deux peintres, mieux, mille fois mieux vaut la méthode
d'Ivanov. La pensée possède sa force propre, elle pénètre et rayonne, lors même que l'ex
écution n'est point parfaite, surtout quand l'artiste se livre à elle avec un abandon aussi sincère
que l'a fait Ivanov. Un jeune talent qui se laisserait séduire par les procédés de Brullov serait
un artiste perdu. Celui qui saisirait la flamme intérieure que récèle l'œuvre d'Ivanov peut,
si la nature ne lui a pas refusé ses dons, développer son talent.
Ivanov, nature foncièrement russe, est plus près des cœurs russes que les grand maîtres
de l'Occident. Ce peintre idéaliste, doublé d'un penseur, a le rare mérite de susciter le goût
des grandes œuvres, d'empêcher l'artiste de se contenter facilement. Il force ses élèves à
poursuivre un idéal élevé, à tenter des œuvres nobles et à ne pas se laisser aller à ces habiletés
de métier, à ces trucs ingénieux dont les disciples de Brullov sont si fiers. A ce point de vue,
les défauts d'Ivanov servent mieux l'Art vrai que maintes toiles fameuses qui plaisent par des
artifices.
Sincérité et maladresse, haut idéal soutenu par un labeur acharné,
mais desservi par l'excès de scrupule et le manque de facilité dans l'exé
cution : tels sont bien en effet les mérites et les défauts d'Ivanov.
L'étude de sa formation artistique et de la genèse de ses œuvres nous
livrera le secret des «inhibitions» qui ont paralysé ses efforts et abouti
finalement à un échec. PEINTRE ROMANTIQUE RUSSE : ALEXANDRE IVAK.OV. 229 UN
Foncièrement russe, comme le souligne Tourguenev, à la différence
de ses contemporains Brullov et Bruni, dont l'un était d'origine fran
çaise M et l'autre issu d'une famille italienne du canton suisse du Tessts^
Ivanov était né à Pétersbourg en 1806.
C'est là qu'il fit ses études à Y Académie Impériale des Beaux-Arts, fondée
par la tsarine Elisabeth et organisée par Catherine II sur le modèle de
l'Académie Royale de Paris. Mais il garda toujours de cet apprentissage
un mauvais souvenir. «Depuis longtemps, confesse-t-il dans sa corre
spondance (2), je hais Pétersbourg et son Académie des Beaux-Arts». Il
écrit encore ailleurs : «Un artiste russe ne peut rester dans une ville
comme Pétersbourg qui n'a aucun caractère. L'Académie des Beaux-Arts
est une survivance du siècle passé».
Aussi saisit-il avidement la première occasion de quitter ce milieu
rétrograde qu'il exécrait. Un subside de la Société d'Encouragement lies
Artistes lui permit de s'évader en 18 Зо (il avait à cette époque vingt-
quatre ans) pour se transplanter à Rome où il devait passer toute sa vie.
Il ne revint à Pétersbourg que pour y mourir du choléra en i858.
La Rome où il débarquait était à cette époque un foyer d'art inter
national, rival de Paris, où prédominait la colonie germanique. C'est là
que s'était installée dans un couvent désaffecté la Confrérie des Nazaréens,
présidée par Overbeck et Cornélius, qui s'efforçait de rénover, en remont
ant aux Primitifs italiens Préraphaélites, la peinture religieuse et de créer,
sur un sol étranger, un art national. Dans le domaine de la sculpture, le
Danois Thorvaldsen, émule de Canova, jouissait d'un prestige devant lequel
toute l'Europe s'inclinait.
Cette tradition devait se perpétuer jusque dans la seconde moitié du
xix* siècle avec des peintres allemands, non plus groupés en Confrérie,
mais isolés, qu'on appelle les Deutsch-Rômer et dont les plus connus sont
Anselm Feuerbach, Hans von Marées et Arnold Bôcklin.
C'est dans ce cercle germanique de Rome que ce Russe «déraciné»,
mais ardemment patriote et slavophile, crut trouver le climat qui lui
convenait pour faire mûrir son talent et lui permettre de créer à

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