Une lecture de Cassiodore-Jordanès : les Goths de Scandza à Ravenne - article ; n°2 ; vol.26, pg 290-305
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1971 - Volume 26 - Numéro 2 - Pages 290-305
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1971
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Gilbert Dagron
1. Une lecture de Cassiodore-Jordanès : les Goths de Scandza
à Ravenne
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 26e année, N. 2, 1971. pp. 290-305.
Citer ce document / Cite this document :
Dagron Gilbert. 1. Une lecture de Cassiodore-Jordanès : les Goths de Scandza à Ravenne. In: Annales. Économies, Sociétés,
Civilisations. 26e année, N. 2, 1971. pp. 290-305.
doi : 10.3406/ahess.1971.422358
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1971_num_26_2_422358ET UTOPIE HISTOIRE
Discours utopique et récit des origines
7. - Une lecture de Cassiodore-Jordanès :
les Goths de Scandza à Ravenne
Histoire historique Le De des et origine Goths un conte de actibusque son fabuleux; contemporain Getarum1 récit qui, Cassiodorus que malgré Jordanès, quelques Senator, en 551, est détours, tire à la d'une fois reste un longue conrécit
stamment et consciemment au niveau de l'histoire, conte dont la structure utopique
garde de bout en bout sa cohérence et qui, sans déformer les faits, les rend porteurs
d'une autre signification. Une bonne lecture ne doit pas sacrifier le conte au récit
et détruire l'œuvre en la passant au crible; elle doit avant tout être attentive à la
liaison entre les deux langages que l'auteur a éprouvé le besoin d'utiliser concur
remment. Comme si les faits ne pouvaient devenir histoire qu'après un passage
par le fabuleux. Comme si les Goths ne pouvaient entrer dans une histoire romaine
que par une démarche utopique.
« Originem got/cam historian) fecit esse romanam »
En 476 a été déposé par le chef barbare Odoacre le dernier empereur d'Occi
dent qui ait pu se dire « romain », Romulus Augustulus. Odoacre lui-même est
supplanté en 493 par les Ostrogoths que l'empereur Zenon a lancés contre lui et
1. Nous renvoyons à l'édition de Th. Mommsen, Monumentu Germaniae Historica, auctores
antiquissimi, V, 1, pp. 53-138, Berlin, 1882. Il existe une traduction anglaise, avec introduction
et notes, de С. С Mierow, The Gothic History of Jordanès, Princeton, 1905. Le texte latin de
Mommsen est repris, traduit en russe avec un long commentaire sur Jordanès et d'abondantes notes
par E. Č. Skržinskaja, Iordan, O proishoždenii i dejanijah Getov-Getica, Moscou, 1960. Une nouvelle
édition des Getica est actuellement en préparation, utilisant un manuscrit des Archives d'État de
Palerme (le « codice Basile », fin du vine-début du rxe siècle) identifié en 1927 et donc resté inconnu
de Mommsen, qui donne les trois quarts de l'œuvre, et dont le professeur Fr. Giunta a déjà signalé
l'importance (« II manoscritto délie Getica di Jordanès conservato nell' Archivio di Stato di
Palermo », Archivio Storico Siculo, 3 e série, I, 1946; histoire et description du manuscrit dans
E. Č. Skržinskaja, pp. 373-376). Nous désignons par la suite les différentes éditions par le seul nom
de leur auteur.
290 UNE LECTURE DE CASSIODORE-JORDANÈS G. DAGRON
dont le chef, Théodoric l'Amale, établit sa « régence » sur l'Italie, avec le consen
tement de Byzance. Régime original, souvent décrit1, qui dura moins d'un demi-
siècle, mais qui était si bien adapté aux conditions particulières de l'Occident
romain (ou plutôt de l'Italie) qu'il servit de modèle politique jusqu'au temps de
Charlemagne 2. La légitimité impériale est tout entière repliée à Constantinople,
incontestable, incontestée, inefficace; le gouvernement de l'Italie est délégué à un
chef barbare suffisamment impressionné par son entrée dans le monde romain
pour accepter la fiction d'une régence préservant les droits impériaux et pour envi
sager une assimilation plus ou moins rapide de son peuple; car la civilisation se
confond encore en Occident avec la romanité elle-même, romanité qui confie désor
mais aux barbares sa défense, sa politique, une grande part de son administration
et de ses terres, mais qui garde avec le sénat de Rome une représentation sociale
et surtout avec la papauté le critère exclusif de l'orthodoxie. Équilibre difficile entre
trois éléments qui relèvent de mondes différents : l'empereur (Anastase, Justinien)
hésite entre le système de la régence et la reconquête pure et simple; le régent bar
bare hésite, face au pouvoir impérial, entre la loyauté et la rébellion, face à la
romanité, entre son attirance pour la culture et le nationalisme germanique qui le
lie à son peuple; les Romains hésitent entre une résistance aux Barbares, reconnue
vaine, et une collaboration jugée contre nature 3. La réussite de Théodoric vient
de ce qu'il joue de toutes ces équivoques; sa politique est fondée sur une division
aussi rigoureuse que possible, dans le pays dont il a personnellement la charge,
entre la réalité barbare et la réalité romaine; division que l'on retrouve intégral
ement dans la définition de son pouvoir politique (il est à la fois et sans mélange
roi des Goths, patrice et régent d'Italie), et qui ne cesse que dans sa personne (il
entend fonder une dynastie « légitime») A L'habileté du régent barbare rejoint sur
bien des points les préjugés des « vieux romains ».
Cette politique a un interprète : Cassiodore. Questeur, maître des offices, préfet
du prétoire, il est le grand ministre romain du régime ostrogothique sous Théodoric
et surtout sous ses successeurs, jusqu'à la reconquête de l'Italie par Justinien 5. Il
1. W. Ensslin, Theoderich der Grosse, Munich, 1947, 2e éd. 1959; E. Stein, Histoire du Bas-
Empire, II, pp. 107-156; / Goti in Occidente, Problemi, Settimane di studio del centro italiano di studi
sull'Alto Medioevo (mars-avril 1955), III, Spolète, 1956; L. Musset, Les invasions. Les vagues ger
maniques, Paris, 1965, pp. 92-101, 202-204, bibliographie, pp. 16 et 18.
2. Charlemagne fit transporter en 801 la statue équestre de Théodoric de Ravenne à Aix-la-
Chapelle, ce qui indique la valeur exemplaire donnée au modèle ostrogothique.
3. Sur les réactions des Romains devant les envahisseurs barbares, voir P. Courcelle, Histoire
littéraire des grandes invasions germaniques, Paris, 3e éd. 1964; sur l'influence de la civilisation
romaine sur les Barbares aux ve-vie siècles, voir la première partie du livre de P. Riche, Éducation
et culture dans Г Occident barbare, Vl*-Vlllb siècles, Paris, 1962.
4. En 497, une ambassade de Festus à Constantinople règle définitivement les rapports entre
l'Italie ostrogothique et l'Empire, et Anastase rend à Théodoric les ornements impériaux qu'Odoacre
avait précédemment renvoyés dans la capitale orientale (Anonyme de Valois, 64). Sur les titres et
pouvoirs de Théodoric, voir E. Stein, Histoire du Bas-Empire, II, pp. 116-119. Longtemps après la
mort de la légitimité dynastique joue un rôle majeur : Vitigès, pour se légitimer aux
yeux des Goths, mais aussi des Romains et des Byzantins, épouse Matasonthe, petite fille de Théod
oric, et envoie des ambassadeurs à Constantinople pour faire part à Justinien de ce mariage; après
la mort de Vitigès en 542, la même Matasonthe épouse en secondes noces Germanos, ce qui
« légitime » d'une certaine façon la reconquête byzantine.
5. Sur Cassiodore, du point de vue qui nous intéresse ici, citons A. Van de Vyver, « Cassiodore
et son œuvre », Speculum, 6, 1931, pp. 244-292; A. Momigliano, « Cassiodorus and italian culture
of his time », Proceeding of the British Academy, 41, Londres 1955, pp. 207-245; W. Wattenbach
291 HISTOIRE ET UTOPIE
est aussi son historien; son projet d'écrire une histoire des Goths naît et se déve
loppe en étroit rapport avec sa carrière et les circonstances politiques : première
ébauche du livre sur la demande de Théodoric au moment où les droits d'Eutharic,
son héritier présomptif, sont reconnus par l'empereur Justin I en 519, et en tout
cas avant la mort du grand souverain amale en 526 x; achèvement du grand ouvrage
en douze livres (dont rien ne nous est parvenu) peu avant 533 2, au moment où le
gouvernement d'Amalasonthe, trop favorable aux Romains, se heurte au natio
nalisme goth et inspire aux Byzantins le désir d'une reconquête; enfin, peut-être,
remise à jour de ce grand travail, au moment où l'œuvre de Théodoric est compro
mise et où l'empereur Justinien entreprend la reconquête de l'Italie, sa

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