Vers une politique européenne de la recherche scientifique - article ; n°2 ; vol.15, pg 177-208
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Description

Revue économique - Année 1964 - Volume 15 - Numéro 2 - Pages 177-208
32 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1964
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Monsieur Jacques Houssiaux
Vers une politique européenne de la recherche scientifique
In: Revue économique. Volume 15, n°2, 1964. pp. 177-208.
Citer ce document / Cite this document :
Houssiaux Jacques. Vers une politique européenne de la recherche scientifique. In: Revue économique. Volume 15, n°2, 1964.
pp. 177-208.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reco_0035-2764_1964_num_15_2_407599VERS UNE POLITIQUE EUROPEENNE
DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE *
i
LES FONDEMENTS D'UNE POLITIQUE EUROPEENNE
DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
« Si le progrès est un mythe, c'est-à-dire si devant le travail nous
pouvons dire : A quoi bon ?, notre effort retombe, entraînant dans
sa chute toute l'évolution. 1 » Car toute énergie consciente, ajoute
le Père Teilhard, est comme l'amour à base d'espoir. Mais le progrès
n'est pas un mythe, car si l'homme isolé peut céder au décourage
ment, l'Humanité ne court pas un tel risque. « Rien ne saurait appa
remment sur terre ni saturer notre besoin de savoir, ni épuiser notre
pouvoir d'inventer. L'Humanité, ordonnant ses multitudes pour inven
ter et créer une sur-abondance d'esprit, ne peut se heurter à une
limite extérieure dans ses épanouissements. - » Ainsi, pouf l'un des
premiers penseurs de notre temps, les progrès passés et l'évolution
présente du monde moderne poussent vers une « issue collective »
l'Humanité et sa sœur jumelle la Science.
Que le progrès humain dut trouver sa voie dans cette « issue
collective » et notamment ce qu'il contient d'énergie essentielle, la
recherche humaine, ne paraît pas inquiéter outre mesure notre époque.
On a maintes fois répété un argument qui porte en lui-même sa
propre contradiction, que l'ordonnance successive des découvertes ne
peut plus dépendre aujourd'hui, comme par le passé, de l'effort con
scient et de l'espoir aveugle d'un petit nombre d'hommes appliquant
* Cet article est dédié à M. R. Marjolin, à qui l'auteur doit de s'être intéressé
à la politique économique européenne, en remerciement et en témoignage de sa
reconnaissance.
1. P. Teilhard de Chardin, in Le phénomène humain. Editions du Seuil,
1955, p. 257.
2. P. de op. cit., p. 312.
Revue Economique — N° 2, 7964 12 178 REVUE ECONOMIQUE
leur énergie à nier la routine acceptée par la société. Car comment
la société pourrait-elle prendre la charge d'assurer pour le mieux la
continuité de la création scientifique qu'elle préfère parfois méconn
aître ? Goethe rapporte avoir assisté à Vicence, le 22 septembre
1786, à un grand débat public sur le conflit de savoir qui, de l'inven
teur ou de l'imitateur, apportait les plus grands bienfaits de l'Human
ité '■'>. Et de se scandaliser du parti pris des beaux esprits qui semblent
préférer l'habileté de répandre à l'art de créer : « En général, écrit
Gœthe, ceux qui plaidèrent la cause de l'imitation récoltèrent plus
d'acclamations ; car ils ne disaient rien que la foule ne pensât et ne pût
penser » ^. N'est-ce pas en partie une illusion de croire que notre
société moderne saura s'intéresser à la création scientifique davantage
et mieux que ce ne fut le cas au xvin'' ou au xix" siècle ? A cet égard,
une double distinction doit être opérée. D'abord, autant que notre
époque, les écoles de pensée des siècles passés se sont intéressées
aux conséquences économiques de la création scientifique. Faut-il
alors croire, avec F. Russo, que les économistes ne se « préoccu
paient à peu près pas du rapport qu'elle (la création scientifique)
pouvait avoir avec les questions économiques » ■? « L'économie savait
qu'elle trouvait dans la science, écrit-il encore, des éléments qui étaient
facteurs de progrès, mais, ces éléments, elle les lui empruntait comme
nous puisons dans l'atmosphère l'air que nous respirons. -r) » Faut-il
au contraire penser que Lavoisier ne fut pas lé seul des économistes
du siècle dernier à lier le progrès de l'industrie et l'organisation
méthodique dé la recherche scientifique G ? Il semble bien que le chan
gement d'échelle dans l'activité de recherche au cours du temps n'est
pas suffisant pour justifier une discontinuité dans la conception des
liaisons entre la création scientifique et le progrès des industries ".
3. W. Gœthe, in Italienische Reise, Aubier, 1961, p. 114.
4. W. op. cit., p. 116: « Ueberhaupt finden die, welche für die
Nachahmung sprachen, mehr Beifall ; denn si sagten lauter Dinge, wie sie der
Haufen denkt und denken kann ».
5. F. Russo, « La création scientifique et technique, base et moteur du progrès
économique », in Encyclopédie française, tome IX, « L'univers économique et
social», pp. 9-12 et suiv. On trouvera les mêmes réflexions dans un article
d'introduction à un numéro spécial de la revue Economie appliquée, 1961, pp. 161
et suiv.
6. Voir, parmi d'autres, les remarques présentées par A. Lavoisier, in
Réflexions sur l'instruction publique, édition complète (E. Grimaux) 1893, vol. VI,
notamment pp. 528 à 530.
7. Voir à ce sujet R. Nelson, « The economics of invention : a survey of the
Literature », in The Journal of Business, avril 1959, pp. 101 et suiv., et V. Ruttan,
« Usher and Schumpeter on invention, innovation and technological change », in
The Quarterly Journal of Economics, novembre 1959, pp. 596 et suiv. POLITIQUE EUROPEENNE DE LA RECHERCHE 179
Aujourd'hui comme dans le passé, et selon des processus analogues,
le développement de la science dessine les grandes orientations de
l'activité industrielle. Du côté de l'industrie, la demande de découv
ertes, le. fruit de la recherche, a toujours été très vive ; sans doute
serait-on surpris, à l'étude des grandes inventions du siècle dernier,
de constater la proximité de la découverte et de son application indust
rielle. C'est de nos jours peut-être que la recherche risque le plus
d'être séparée du monde de l'industrie et de l'économie 8.
En second lieu, on peut douter que l'organisation de la recherche
soit désormais, toutes choses égales d'ailleurs, beaucoup mieux adapt
ée à son objet que par le passé. Comme l'écrit H. Villard ö, notre
connaissance de « l'industrie de la découverte » reste modeste. Et
pourtant ce n'est pas d'hier que la recherche est devenue une indust
rie, que lui ont été appliqués les principes fondamentaux de la gestion
des affaires : déjà Adam Smith ne la prenait-ilpas comme exemple
de la division du travail ? : « Cependant tout ce que les machines
ont acquis de perfection, ne vient pas de ceux qui avaient besoin
d'elles. Plusieurs tiennent la leur du génie des machinistes, et quel
ques-unes la tiennent de ceux qu'on appelle philosophes ou spécul
atifs, gens qui n'ont rien à faire, mais qui observent tout et qui par
cette raison sont souvent capables de combiner ensemble les forces
ou puissances des objets les plus éloignés et les plus dissemblables.
Il en est de la philosophie ou spéculation comme de tous les autres
arts. Les progrès de la société en font l'occupation ou l'emploi d'une
classe particulière de citoyens. Elle se subdivise de même en plusieurs
branches, et cette subdivision y occasionne, comme ailleurs, le double
avantage d'une plus grande habileté et de l'épargne du temps.10»
Ce n'est pas récemment non plus que l'on a pris conscience de la
nécessité pour l'Etat d'assurer la constitution d'un important potentiel
scientifique. « S'il existe un art d'économiser les forces, de simplifier
les procédés des arts, d'imaginer de nouvelles machines, de perfec
tionner celles qui existent, de fournir à l'industrie de nouveaux
moyens, le favoriser, l'encourager est un devoir imposé à l'adminis
tration. Les hommes qui se livrent à ce grand art, à celui de faire
des découvertes, doivent être indépendants et libres ; et leur subsis
tance, par cette raison, doit leur être assurée aux frais de la société.

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