Se défaire de la gravité de soi
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Description


Quelque chose comme (au choix, mais pour une fois les choix ne sont pas exclusifs les uns des autres, on peut tout combiner, recomposer, et même réinterpréter, cocher plusieurs cases, et même toutes, et ça ne change rien à rien, mais tout de même, c’est plus supportable soudain)
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Langue Français

Extrait

Se défaire de la gravité de soi
Appel d’air. Ce qui manque, c’est un appel d’air. Et lanégationde la pesanteur.
Quelque chose comme (au choix, mais pour une fois les choix ne sont pas exclusifs les uns des autres, on peut tout combiner, recomposer, et même réinterpréter, cocher plusieurs cases, et même toutes, et ça ne change rien à rien, mais tout de même, c’est plus supportable soudain) : — partir en courant ; — demeurer ensuite là, au milieu de nulle part, immobile sous la pluie, de préférence une pluie d’été, énorme, rejaillissante, désespérée ; — laisser le vent jouer dans mes cheveux ; — regarder dans le courant vif de la rivière les traits argentés que glissent dans l’espace les poissons aux noms que j’ignore ; je me souviens encore de ces trois poissons qui, dont l’un vivait, dont l’autre agonisait, l’autre déjà était mort et bel et bien, tournaient en rond dans un château de sable que celui qui les avait retiré de la mer leur avait rempli d’eau sur la plage, son amie les surveillait, je ne pouvais rien faire, même du bout du pied, j’espérais une vague plus haute que les autres. Mais eux, je peux rester à regarder les indications discontinues qu’ils donnent à mes pensées et les éclairs comme des instants, et les algues alanguies qui s’emmêlent et se déroulent, tout cela n’a aucune incidence sur le cours de mes pensées qui ainsi se déroulent sans rien qui les en distingue ; rêver de la mousson, rêver de marcher sous la pluie comme s’il ne pleuvait pas, rêver de n’avoir pas froid sous la pluie, de marcher sous la pluie, parfois cela pourrait presque suffire, pas tout à fait mais presque, je ne sais pas, à quoi d’ailleurs ?, rêver de la pluie sous laquelle il est possible de rester immobile, à être une image du bonheur possible ?, ou à être en soi un bonheur possible ?, ou à rendre l’instant heureux ? Même si l’impression de l’instant n’a plus rien à voir avec ce qui ici et maintenant recouperait mes pensées si je le laissais faire sans opposer la moindre déviation à la lame qui ne manquera pas, un jour, d’inciser plus profondément ; — tenir ta main pour traverser la place géométriquement ponctuée de platanes dans le crépuscule, tu te souviens de ces danseurs de flamenco que nous regardions appuyées contre un arbre l’année dernière ?
j’aimerais bien qu’ils y soient encore même s’il n’y aucune chance qu’ils y soient ; je sais bien qu’ils n’y seront pas mais rien n’empêche, vraiment rien, je ne vois pas pour quelle raison je m’en empêcherais, de superposer leur souvenir à la place et d’abolir ainsi l’angoisse que ne manquent pas de susciter ces espaces vides dans lesquels il faut bien : plonger, qu’il faut bien : traverser ; — jouer des contrefactuels, pour rien, comme autrefois, dans les longs ennuis de l’enfance, je jouais parfaitement immobile des dessins que mon esprit composait et recomposait à l’infini avec les carreaux de couleurs du carrelage, avec les aiguilles des pendules, avec les affichages électroniques pendant que les voix des adultes s’entrecroisaient dans un autre espace qu’on avait délaissé, il suffisait d’être immobile et silencieux ; jouer des contrefactuels, c’est nier un fait du monde, nier ce qui est arrivé, ou ce qui se passe actuellement dans le monde, et à partir de cette négation, de cette déviation dans la course du jour, se retrouver aussi loin qu’il est possible de l’ici et du maintenant ; — Rien que cela : la flamme d’une chandelle dans le crépuscule.
Lire Hobbes (1) : Le langage
Relire un auteur. S’y attaquer, quand bien même il serait très ample. Sans être spécialiste de sa pensée. Relire, dans la genèse même du geste, au plus près de la genèse du geste, pour le saisir se faisant. C’est à cela que je m’emploie ici. La lecture d’un auteur est un geste particulièrement difficile quand cet auteur est systématique. Quand il a posé un système, qu’il l’a édifié peu à peu, pierre à pierre. Il faut tirer un fil et puis un autre. Voir ce qui vient. Démêler l’écheveau. Une pensée est systématique quand elle ne peut se lire qu’intégralement. Ou quand les parties qu’on peut en découper s’informent les unes les autres.
La lecture d’un auteur demande toujours de prendre en compte cet aspect de sa pensée. Elle demande de reconstruire le geste qu’il a mis en place au fur et à mesure de la construction de sa pensée. C’est cela que je cherche dans les déploiements de la pensée de Hobbes pour le comprendre. Comprendre le geste par lequel il a construit sa philosophie. Pourquoi Hobbes ? Par hasard. Et parce que, au delà des hasards, il y a la manière dont un auteur auquel on s’intéresse au hasard des programmes de cours, vient nourrir la pensée. Interactions entre soi et les lectures qu’il m’intéresse de comprendre. Aux bords des mondes, je l’ai déjà souligné, soutient la dynamique de ma pensée. Je me plie à cette exigence du geste de penser, telle qu’il s’est constitué pour moi, en posant ici les briques de ce que je reconstruis à propos de Hobbes, dans une interaction avec les questions qui m’intéressent.
L’accroche première, dans la lecture de Hobbes est le langage comme technologie. Cela introduit une dimension technologique, technique et donc artificiel au cœur de l’homme et de son existence, et de ce qu’il est. Philip Pettit souligne le rôle du langage dans la construction même de la pensée, et donc de l’homme comme agent et du monde social et politique. Le premier fil est celui du langage, qui construit l’homme et le monde social dans lequel il se déploie aussi comme être collectif [1]. Pettit souligne que les esprits humains sont faits par les mots, que le langage est une technologie qui a été inventée par les hommes, et qu’il ne constitue pas un héritage naturel. Le langage est une technologie qui nous transforme et qui transforme le monde dans lequel nous nous trouvons (p. 2).
C’est une idée intéressante que celle du langage comme technologie de la construction de soi et de la construction du monde. Il est placé par Hobbes au centre de la construction de sa vision du monde et de l’homme comme l’outil premier dont il faut comprendre la force pour en comprendre les effets de transformation sur le monde.
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