La Case de l oncle Tom
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Description

Au XIXe siècle, dans le Kentucky, état sudiste, Mr Shelby, riche planteur, et son épouse, Emily, traitent leurs esclaves avec bonté. Mais le couple craint de perdre la plantation pour cause de dettes et décide alors de vendre deux de leurs esclaves: Oncle Tom, un homme d'âge moyen ayant une épouse et des enfants, et Harry, le fils d'Eliza, servante d'Emily. Cette idée répugne à Emily qui avait promis à sa servante que son fils ne serait jamais vendu, et le fils d'Emily, George Shelby, ne souhaite pas voir partir Tom qu'il considère comme un ami et un mentor. Lorsque Eliza surprend Mr. and Mrs. Shelby en train de discuter de la vente prochaine de Tom et Harry, elle décide de s'enfuir avec son fils. Pendant ce temps, Oncle Tom est vendu et embarque sur un bateau qui s'apprête à descendre le Mississippi. A bord, Tom rencontre une jeune fille blanche nommée Eva et se lie d'amitié avec elle. Lorsque Eva tombe à l'eau, Tom la sauve. En reconnaissance, le père d'Eva, Augustine St. Clare, achète Tom et l'emmène chez lui à La Nouvelle Orléans, où Tom et Eva se rapprochent l'un de l'autre grâce à la profonde foi chrétienne qu'ils partagent...

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Publié par
Nombre de lectures 37
EAN13 9782824707440
Langue Français

Extrait

Harriet Elizabeth Beecher Stowe
La Case de l'oncle Tom
bibebook
Harriet Elizabeth Beecher Stowe
La Case de l'oncle Tom
Un texte du domaine public. Une édition libre. bibebook www.bibebook.com
AVANT-PROPOS DE L’EDITEUR
adame Weston Chapman, qui embrassa des premières aux Etats-Unis la cause de l’abolition, et qui l’a si activement servie de sa fortune, de son cœur et de son talent d’écrivain, avait engagé madame L. Sw. Belloc, au nom de madame Mtraduction de concert avec mademoiselle Adélaïde de Montgolfier, qui,cette Beecher Stowe, à traduirela Casede l’oncle Tom, lorsque nous eûmes la même pensée. Cette double circonstance décida madame L. Sw. Belloc à entreprendre depuis vingt ans, a partagé ses travaux sur la littérature anglaise. En apprenant cette détermination, madame Beecher Stowe a adressé à ces deux dames une lettre de laquelle nous transcrivons le passage suivant : « Je suis très-flattée, mesdames, que mon humble ami,Oncle Tom, ait des interprètes tels que vous pour le présenter aux lecteurs français. J’ai lu une traduction de mon livre en votre langue, et quoique assez peu familiarisée avec le français, j’ai pu voir qu’elle laissait beaucoup à désirer ; mais j’ai remarqué aussi dans la gracieuse et sociable flexibilité de la langue française une aptitude toute particulière à exprimer les sentiments variés de l’ouvrage, et je suis de plus convaincue qu’un esprit féminin prendra plus aisément l’empreinte du mien. » Ces quelques lignes expliquent cette nouvelle traduction dela Casede l’oncle Tom. Les gens de goût ont depuis longtemps apprécié le mérite des différentes traductions de mesdames L. Sw. Belloc et A. de Montgolfier. Nous espérons que la scrupuleuse fidélité de celle-ci, et le bonheur avec lequel les nuances les plus délicates de l’original y ont été rendues, seront appréciés des lecteurs. Nous avons ajouté à cette traduction un portrait de madame Beecher Stowe, gravé par M. Fr. Girard, d’après un original très-ressemblant.
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NOTICE SUR MADAME H. BEECHER STOWE
a Case de l’Oncle Tom est moins un livre qu’un acte de foi, d’amour, d’ardente charité. Comme l’apôtre, l’auteur a dit à l’âme atrophiée : « Au nom de Jésus le Nazaréen, lève-toi et marche ! » Et l’âme engourdie s’est redressée, a secoué sa Lmadame Beecher Stowe. C’est un des magnifiques attributs de notre nature que torpeur, et s’est sentie revivre. Tout ce qu’il y a en nous d’instincts nobles, bons, généreux, s’est réveillé à cette voix. Tous nous avons pleuré, aimé, admiré avec cette communion d’émotions pures et saintes, et c’est le plus glorieux privilège du vrai génie, du génie du bien, que d’éveiller cette sympathie universelle et féconde. Honneur donc, à la femme forte qui, malgré la pression d’un égoïsme effréné, au milieu de l’ardent conflit d’intérêts passionnés et aveugles, a obéi à l’élan instinctif et irrésistible de son cœur : honneur aussi aux multitudes qui ont adopté son œuvre, et qui en ont fait le succès !
Ce qui distingue madame Beecher Stowe entre tous les écrivains, c’est qu’elle est appelée, et qu’elle a sa mission. « Lorsque Dieu commande de prendre la trompette, dit Milton, et d’envoyer un souffle au loin, il n’est pas donné à la volonté de l’homme de choisir ce qui se doit dire, ce qui se doit taire. »
Profondément pénétrée de l’esprit du christianisme, le regardant comme la source de toute vérité, de toute liberté, de toute justice, l’auteur del’OncleToms’est pas crue libre de ne « cacher la lumière sous le boisseau, » et de garder plus longtemps le silence sur les souffrances des opprimés, et l’iniquité des oppresseurs.
« Jésus-Christ, nous écrivait madame Beecher Stowe en son langage biblique, réunissant en une même personne Dieu et l’homme, a relevé l’humanité de la poussière, et l’a faite vénérable : quiconque pèche contre l’homme, pèche donc aussi contre Dieu. »
Son livre est d’un bout à l’autre le saisissant commentaire de cette pensée et de l’admirable précepte évangélique : « Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur, de toute votre âme, de toutes vos forces et de tout votre esprit, et votre prochain comme vous-même. »
Juger cette œuvre au point de vue littéraire serait, selon nous, une sorte de profanation. C’est le souffle d’une âme pieuse, « porté sur le courant puissant de l’inspiration divine [1]  ; » c’est le sanglot d’une immense pitié pleurant sur les douleurs d’une race asservie ; c’est un cri d’amour, de régénération, d’espérance, retentissant du nouveau monde à l’ancien, et y éveillant des millions d’échos. Devant des accents d’une telle portée la question de talent prend de bien petites proportions.
Mais sous quelles influences se sont développés les sentiments de cette âme généreuse ? par quelles épreuves ce cœur a-t-il passé pour être a la fois si tendre et si vaillant ? où cette observation profonde et vraie a-t-elle recueilli les faits dramatiques et la couleur pittoresque de tant d’émouvants récits ? Voilà ce qu’il importe au public de savoir, et ce que nous apprendront quelques particularités de la vie de madame Stowe, d’ailleurs si pure, si chaste, si bien remplie.
Harriet Beecher naquit en 1812, à Litchfield, dans le Connecticut, au milieu d’une famille nombreuse, vouée presque toute à l’active propagation des saintes Ecritures. Elevée à Boston où son père était ministre presbytérien, elle y reçut une de ces excellentes éducations, dont la conscience est l’inébranlable base, et le devoir, l’inflexible pivot autour duquel s’accomplissent les obligations de chaque jour. Des talents variés, joints à une instruction solide beaucoup plus étendue que celle que reçoivent d’ordinaire les femmes, lui permirent d’aider de bonne heure sa sœur aînée, Catherine Beecher, à diriger une maison d’éducation de jeunes filles. Là, sans doute, commencèrent à son insu ses études sur les grâces
mystérieuses de l’enfance, sur les généreux élans de jeunes âmes, à peine échappées du sein de Dieu et qui aspirent à y rentrer. L’institution prospérait, lorsqu’en 1832 le docteur Beecher fut appelé à la direction d’un collège de théologie et de littérature, fondé dans l’Ouest par ses coreligionnaires, et où l’instruction devait marcher de pair avec l’apprentissage de métiers, qui permettraient plus tard aux étudiants de gagner le pain du corps, en même temps qu’ils distribueraient le pain de l’âme ; car c’était dans cette espèce de séminaire que devaient se recruter les missions domestiques et étrangères. On comptait aussi sur le produit des travaux des élèves pour couvrir une partie des frais. L’acceptation du docteur entraîna pour toute sa famille une émigration complète de l’Est àl’Ouest. Il fallut quitter la haute civilisation de Boston pour aller s’enterrer dans l’Ohio, aux environs de Cincinnati ; cette ville, peuplée aujourd’hui de cent vingt mille âmes, n’avait alors que quarante mille habitants à peine ; située sur l’extrême limite des Etats à esclaves, elle pouvait, d’un moment à l’autre, devenir le théâtre de la lutte, déjà engagée par l’éloquent Garrisson entre les partisans de l’abolition et les défenseurs de l’esclavage : lutte toute morale et toute pacifique de la part des premiers, mais que l’inique violence des seconds ne tarda pas à rendre agressive. Cincinnati est assise sur la rive nord de l’Ohio, dans une vallée demi-circulaire ; les collines, qui semblent s’être reculées pour lui faire place, s’avancent de nouveau au bord du fleuve, se recourbent au-dessus et forment le croissant. Sur la plus haute, dominant la ville, était bâti Lane Seminary. De modestes habitations, semées alentour, et à demi enfouies sous des bouquets d’acacias, de chèvrefeuille, de clématite, étaient destinées au docteur Beecher et à sa famille, ainsi qu’aux professeurs du nouveau collège. Elles faisaient partie d’un joli village nommé Walnut-Hills.
A peine installées dans leur nouvelle résidence, les deux sœurs y reprirent leur tâche d’institutrices, et la poursuivirent de concert jusqu’au mariage de la plus jeune, Harriet Beecher, avec le révérend E. Stowe, professeur de littérature biblique à Lane Seminary. Riche de science, et classé parmi les théologiens les plus distingués de l’Amérique, M. Stowe n’avait pour patrimoine que ses livres, et pour revenu que les émoluments de sa place, rendus précaires par les circonstances. En effet, le collège si prospère au début, et qui avait compté des centaines d’élèves adultes accourus de tous les points de l’Union, se trouva tout à coup presque désert, par un concours fortuit d’événements. La crise commerciale qui, en 1833, atteignit l’Amérique, y détermina la faillite d’un grand nombre de banques publiques et particulières. Les fonds destinés à l’entretien du séminaire furent gravement compromis. Le docteur Beecher, trouvant aussi que les travaux manuels entravaient la marche des études théologiques, résolut de les réformer tout à fait ; enfin une cause, encore plus active, concourut à l’amoindrissement du collège. La Convention abolitionniste, d’où est sortie la Société pour l’abolition de l’esclavage en Amérique qui a pris depuis une si grande extension, s’assembla en 1833, à Philadelphie, et fit un appel, qui devait surtout retentir dans les cœurs jeunes et généreux. Bien que plusieurs des étudiants fussent fils de propriétaires d’esclaves, que quelques-uns eussent toute leur fortune engagée dans cette denrée humaine, tous prirent parti contre l’esclavage. Ceux qui possédaient des esclaves les affranchirent. L’idée des missions étrangères fut abandonnée, comme absurde, quand on avait à ses portes, au centre du pays, des païens qui languissaient dans les ténèbres de l’ignorance et les horreurs de la servitude. La libre discussion, d’abord encouragée par le directeur et les professeurs du séminaire, devint orageuse, et absorba le temps et les facultés des élèves. Désertant les classes, ils assemblèrent la population de couleur de Cincinnati, lui firent des prédications, ouvrirent des écoles aux enfants, des asiles aux orphelins, aidèrent les fugitifs à gagner le Canada : bref, ce fut une sorte de croisade de la jeunesse en faveur de la justice et de l’humanité.
D’autre part, la réaction s’annonçait terrible. Le commerce avait pris l’alarme. Des propriétaires d’esclaves, venus du Kentucky, ameutaient la population. Pendant plusieurs semaines le bâtiment principal et les maisons du docteur Beecher et du professeur Stowe furent en danger d’être démolis. Dans cette extrémité on essaya de rétablir le calme en interdisant, au sein du séminaire, toute discussion sur ce sujet brûlant ; mais presque tous
les élèves, hommes faits, et enrôlés sous la bannière de l’abolition, se retirèrent en masse, et les efforts persévérants du directeur, pendant dix-huit années, ne parvinrent point à rendre à l’institution sa prospérité première.
La gêne qui en résulta pour son ménage fut certainement la moindre des épreuves de madame Stowe durant ce douloureux conflit, prolongé de 1834 à 1847. En ce long espace de treize années, il ne se passa pas un mois qui ne fût marqué à Cincinnati par quelque terrible épisode : tantôt la destruction d’une presse libérale, le pillage d’une maison, l’enlèvement d’un nègre libre, un jugement inique devant les tribunaux, l’évasion d’une troupe d’esclaves, l’attaque à main armée du quartier des noirs, la démolition d’une école ouverte aux nègres, un esclave jeté en prison, tuant sa femme et ses enfants pour les empêcher d’être vendus dans le Sud. Toutes ces iniquités se passaient au grand jour, et souvent avec la sanction des principales autorités de la ville. Une fois, entre autres, le maire, congédiant à minuit les émeutiers qui venaient d’abattre les maisons de gens de couleur, leur dit : « Allons, mes enfants, rentrons chez nous ! je crois que nous en avons fait assez. »
En 1840, les traqueurs d’esclaves, soutenus par la lie de la population, et lancés par certains hommes politiques, assaillirent les quartiers des noirs libres, les pillèrent, et en firent le sac. Les malheureux nègres qui essayèrent de défendre leurs propriétés furent tués ; on jeta dans les rues leurs corps mutilés : il y eut des femmes violées, et quelques-unes moururent par suite des outrages auxquels elles furent en butte. Pendant plusieurs jours la ville fut livrée au plus affreux désordre, et au milieu de la confusion générale, des hommes, des femmes, des enfants de couleur, furent enlevés et vendus au Sud, quoique affranchis.
Du haut de la colline qu’elle habitait, madame Stowe pouvait entendre les cris des victimes, les clameurs de la populace, le bruit de la fusillade ; elle pouvait voir les lueurs de l’incendie. Plus d’un fugitif tremblant fut accueilli et caché par elle. Quand la fureur de l’émeute s’apaisa d’elle-même, car il n’y avait eu, hélas ! ni répression, ni résistance, beaucoup de gens de couleur réunirent le peu qui leur restait et partirent pour le Canada. Ils passèrent par centaines devant la maison de madame Stowe, à pied, chargés de leurs ustensiles de ménage, tenant leurs enfants par la main ; des mères allaitaient leurs nourrissons tout en marchant, et pleuraient leurs maris morts ou repris par fraude, et ramenés en esclavage.
La route qui traversait Walnut-Hills, et passait à quelques pas de la demeure de madame Stowe, était précisément une de ces « voies souterraines, » auxquelles il est si souvent fait allusion dansl’Oncle Tom.On donne ce nom à une ligue de quakers et autres abolitionnistes, qui, habitant à des intervalles de dix, quinze, ou vingt milles, entre la rivière Ohio et les lacs du Nord, avaient formé entre eux une association pour aider les esclaves en fuite à gagner le Canada. Tout fugitif était conduit, de nuit, à cheval, ou en chariot fermé, de station en station, jusqu’à ce qu’il touchât le sol libre, et fût à l’abri sous le drapeau de l’Angleterre.
La première station au nord de Cincinnati, en haut de la crique du Moulin, était la maison du pieux John Vanzandt, « au cœur de lion, » qui figure sous le nom de John Van Trompe dans le chapitre X de laCasede l’oncle Tom. Plus d’une fois madame Stowe fut réveillée en sursaut par le roulement rapide des chariots couverts, et le galop des chevaux lancés à leur poursuite sous l’éperon des constables et des traqueurs d’esclaves. « L’honnête John » était prêt à toute heure, lui et son attelage, et les chasseurs d’hommes étaient rarement assez alertes pour l’atteindre. Obscur martyr, il dort maintenant dans sa tombe. Le corps du « géant » s’est usé dans les veilles, dans l’anxiété, à braver les intempéries des plus rudes hivers ; son esprit, fortement trempé, s’est affaissé sous le poids des persécutions. Des propriétaires d’esclaves l’ont accusé d’avoir favorisé la fuite de leurs vivants immeubles, et des cours de justicel’ont condamné à d’énormes dommages et intérêts. De jugement en jugement il s’est vu dépouillé de sa ferme et de tout ce qu’il possédait. Madame Stowe a donc fait une bonne et courageuse action en assurant au dévouement du brave John une part de sa popularité.
Tant que ces tristes scènes se succédèrent au dehors, madame Stowe ne jouit qu’imparfaitement de l’affectueuse sérénité de son intérieur. Le contraste était trop pénible pour un esprit aussi juste, pour un cœur aussi aimant, il existait aux environs de Walnut-Hills un petit hameau peuplé d’esclaves affranchis. C’est la que s’exerçait son active
sollicitude pour les pauvres parias : elle les visitait souvent ; elle écoutait les naïfs récits de leurs souffrances passées, de leurs longues luttes. A défaut d’école où les enfants de couleur fussent admis, elle leur ouvrait sa maison et les appelait à prendre leur part des instructions qu’elle faisait chaque jour à sa famille. C’est là aussi qu’elle trouvait des aides fidèles, serviables, dévouées pour aider aux soins de son ménage : leur affection lui allégea un peu l’une des plus grandes douleurs qu’elle ait ressenties.
Le choléra sévissait avec une effroyable intensité ; plus de neuf mille personnes avaient succombé en quelques jours dans le voisinage de Cincinnati. La panique était si grande que tous fuyaient devant le redoutable fléau. D’une santé délicate, restée seule avec six enfants, par suite d’une absence momentanée de son mari, qu’elle avait supplié de ne pas revenir, le médecin assurant qu’il y allait de sa vie s’il rentrait dans cette atmosphère viciée, madame Stowe eut l’inexprimable angoisse de voir un de ses bien-aimés pris de l’horrible mal. Elle assista, impuissante, à la cruelle agonie du cher petit Etre qu’elle eût voulu sauver au prix de tout son sang.
A cette heure suprême une pauvre négresse, qui, elle, n’avait pas songé à fuir, souffrit, pleura et pria avec elle. La même bonne et fidèle créature la soigna pendant l’accablement qui suivit cette perte. Elle put apprécier toute la profondeur de dévouement de cette race sympathique, et sa propre douleur lui révéla ce que ressentent ces milliers de pauvres mères, auxquelles on arrache leurs enfants comme on ôte aux brebis leurs agneaux.
En 1850, lorsqu’un acte impie de la législation américaine commanda à tous les citoyens des Etats libres, sous peine d’amendes ruineuses, de livrer les esclaves fugitifs, madame Beecher Stowe, de retour à la Nouvelle-Angleterre, sentit bouillonner dans son sein une indignation trop longtemps contenue. Elle se dit que pour discuter, même l’application d’une semblable loi, des chrétiens devaient ignorer les horreurs de l’esclavage. Elle ne les connaissait que trop bien. Pendant son séjour sur les limites des Etats à esclaves, elle avait fait de fréquentes excursions au Kentucky, à la Virginie, au Maryland, dans une partie de l’extrême Sud ; elle y avait vu fonctionner ce mécanisme impitoyable qui broie les cœurs et les corps pour en extraire plus d’efforts et de labeurs. Elle avait rencontré, il est vrai, quelques propriétaires humains, nobles, généreux, tels qu’elle s’est plu à les peindre dans le manufacturier Wilson, Saint-Clair, madame Shelby et son fils George ; mais, elle n’en avait pas moins rapporté l’intime conviction que «lachose en elle-mêmehaïssable, » et le système légal qui la était sanctionnait, odieux. Son désir de faire passer cette conviction dans les âmes lui inspira le pathétique récit de « la mort de l’oncle Tom. » Elle l’écrivit tout d’abord ; le plan de l’ouvrage ne fut conçu qu’après. Publié par chapitre dans «l’Ere nationale, »Washington, à au commencement de l’été de 1851, il parut en volume le 20 mars 1852, à Boston. Plus de cinq mille exemplaires se vendirent la première semaine, et cent cinquante mille étaient écoulés en novembre dernier. Aujourd’hui on ne saurait assigner de limites à une popularité [2] qui, des Etats-Unis, a gagné le monde entier .
Ce livre est, nous l’espérons, le précurseur de l’abolition complète de l’esclavage. L’humanité tout entière ne se sera pas émue en vain. L’Europe n’aura pas en vain compati aux tortures, assisté au martyre de l’humble Tom. Cités à la barre des nations, les Etats du Sud rougiraient démettra plus longtemps leur or dans la balance comme contre-poids aux larmes, aux gémissements, au sang de tout un peuple.
Mais pour cette œuvre de régénération si délicate et si compliquée, nous avons foi en une influence, qu’à notre grand regret madame Beecher Stowe a trop laissée dans l’ombre, celle du clergé catholique ; le seul qui, aux Etats-Unis, admette dans l’enceinte de ses églises tous les fidèles, sans distinction de couleurs ni de rangs ; le seul qui, en présence de l’antagonisme des sectes, de la virulence des partis, ose consacrer et bénir les unions entre la race noire et la race blanche. Exposé aux attaques brutales d’une population furieuse qui, en 1833, démolit une église à New-York, et incendia un couvent à une lieue de Boston, le clergé catholique américain a toujours maintenu intactes les hautes doctrines d’égalité, de justice, de charité, qui sont la force et la vie du christianisme. En secondant le grand mouvement de l’émancipation, il s’efforcera certainement de le rendre pacifique : nul n’a plus d’autorité
pour prêcher à l’esclave l’oubli, le pardon des injures, pour imposer au maître réparation et repentir. LOUISE SW. BELLOC.
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PREFACE DE L’AUTEUR
es scènes de cette histoire se passent, ainsi que son titre l’annonce, au milieu d’une race que le monde civilisé et poli ne connaît point ; dont les ancêtres, nés sous le soleil des tropiques, apportèrent de leur patrie, et est perpétué chez leurs Lpu se faire comprendre de ses oppresseurs, reste prosternée sous le poids de leur descendants, un caractère essentiellement opposé à la nature altière et ferme des peuples Anglo-Saxons. Aussi, depuis de longues années, cette race exotique, qui n’a mépris.
Mais d’autres temps s’annoncent : un meilleur jour va poindre, et toutes les influences de la littérature, de la poésie et de l’art, cherchent, de plus en plus, à se mettre à l’unisson avec cette grande voix du christianisme qui crie : « Bonne volonté envers les hommes ! »
Le peintre, le poëte, l’artiste s’efforcent maintenant d’embellir les plus modestes, les plus humbles conditions de la vie humaine, et le souffle vivifiant, qui circule au travers des plus attrayantes fictions, développe et mûrit les grands principes de la fraternité chrétienne.
La main de la bienveillance s’étend sur tout : elle sonde les abus, redresse les torts, allège les misères, et signale à la connaissance et aux sympathies du monde, l’humble, l’opprimé, le délaissé.
Dans ce mouvement général, on s’est enfin rappelé la malheureuse Afrique, elle qui, la première, ouvrit aux clartés douteuses et grisâtres du crépuscule la carrière de la civilisation et du progrès ; elle qui, après des siècles entiers, enchaînée et saignante aux pieds de l’humanité chrétienne et civilisée, implore en vain la compassion.
Mais la race dominatrice s’est laissé fléchir ; le cœur des maîtres, des conquérants s’est amolli ; on a senti qu’il est plus noble aux nations de protéger le faible que de l’opprimer : loué soit Dieu, le monde a vu la traite des noirs abolie !
Le but de ces esquisses est d’éveiller les sympathies en faveur de la race africaine, telle qu’elle existe au milieu de nous. Elles ne dévoilent encore qu’une bien faible partie des douleurs, des outrages que les malheureux noirs endurent sous l’oppression d’un système qui rend funestes pour eux jusqu’aux efforts tentés en leur faveur par leurs meilleurs amis.
C’est bien sincèrement, c’est du fond de l’âme que l’auteur désavoue toute irritation contre ceux que les circonstances ont jetés, souvent malgré eux, dans les tribulations qu’entraînent les relations légales de maître à esclave.
Des esprits élevés, des âmes nobles, l’auteur le sait par expérience, ont été soumis à cette épreuve, et nul ne connaît mieux qu’eux les maux qu’accumule l’esclavage. Les propriétaires d’esclaves savent que ces faibles aperçus ne contiennent qu’une bien petite part de l’inexprimable tout.
Si dans les Etats du Nord on soupçonne ces récits de quelque exagération, il se trouve dans les Etats du Sud assez de témoins qui pourraient en attester la fidélité. Ce que l’auteur a vu et su par elle-même des événements racontés paraîtra en son temps.
C’est une consolation d’espérer que, comme les douleurs et les crimes du monde s’allègent et s’effacent de siècle en siècle, le jour viendra où des esquisses de ce genre n’auront d’autre valeur que d’enregistrer, pour mémoire, des maux depuis longtemps évanouis.
Quand une nation éclairée et chrétienne aura, sur les rivages d’Afrique, des lois, une langue, une littérature, les scènes des temps qu’elle a passés dans la terre de servitude ne seront plus pour elle, que ce qu’étaient pour les Hébreux les souvenirs de l’Egypte, un motif de plus d’élever un cœur reconnaissant vers celui qui l’aura rachetée.
Car, tandis que les politiques discutent, et que les hommes s’égarent entraînés par le flux et reflux des intérêts et des passions, la grande cause de la liberté humaine est dans les mains de celui duquel il est dit : « Il ne se trompera point ni ne se précipitera point jusqu’à ce qu’il ait établi sa justice sur la [3] terre . « Car il délivrera le misérable qui criera à lui, et l’affligé et celui qui n’a personne qui l’aide [4] . « Il garantira leur âme de la fraude et de la violence, et leur sang sera précieux devant ses [5] yeux . » HARRIET BEECHER STOWE.
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PREFACE– DE MADAME BEECHER STOWE – POUR CETTE NOUVELLE TRADUCTION DE SON LIVRE
u moment de mettre sous presse la dernière feuille de ce volume, nous recevons cette préface que l’auteur delaCasede l’Oncle Tombien voulu écrire à notre a demande, tout exprès pour cette traduction. A L’auteur dela Casede l’Oncle Tom est profondément touchée de l’enthousiaste sympathie avec laquelle le beau pays de France répond au cri de fraternité et d’émancipation poussé par l’esclave américain. C’est l’honneur de la France d’avoir aboli l’esclavage dans toutes ses colonies ; c’est sa gloire que pas une goutte du sang de l’esclave ne souille son manteau d’hermine.
La France, l’Angleterre, jadis ennemies acharnées, se sont unies de nos jours pour donner un grand exemple au monde : elles ont ouvert les cachots, brisé les chaînes, délivré les opprimés. Avec quel calme, avec quelle tranquillité cette œuvre d’amour s’est accomplie ! Les insurrections, les tumultes, l’affreux désordre, l’effusion de sang dont on nous menaçait, – où sont-ils ? – Le soleil de la liberté s’est levé radieux dans une aube sans nuages, tandis que les chants, les prières des esclaves affranchis montaient, encens précieux, jusqu’aux pieds de celui pour qui la liberté de l’homme est d’un prix infini.
Faut-il, hélas ! que l’Amérique, incrédule et sans foi, tarde encore, et refuse d’entrer dans la noble carrière que l’Angleterre et la France ont si glorieusement ouverte ? Oh ! que les cœurs bienveillants et pleins d’ardeur de la nation française unissent leurs prières aux nôtres, afin que, digne d’elle-même, ma patrie délivrée rejette cette liane parasite, qui s’enlace à l’arbre vigoureux de l’indépendance, et dont l’étreinte est mortelle.
L’auteur s’est proposé, dans ce livre, un but encore plus élevé que celui de l’émancipation ; elle a voulu porter nos regards vers la source de toute liberté, vers le Sauveur Jésus. – De faux prophètes, des ministres, menteurs, venus, disent-ils, en son nom, mais qu’il n’a point envoyés, diront vainement que le Christ autorise l’oppression et sanctionne l’esclavage, l’apôtre saint Paul répond à tous par ces paroles : « Là où est l’esprit du Seigneur, là est la [6] liberté . ».
L’Eglise chrétienne, dès l’origine, enseigna que Dieu et l’homme sont inséparablement unis dans la personne de Jésus-Christ. Ne nous apprit-elle pas ainsi, avec une égale certitude, que la cause de Dieu et la cause de l’homme sont identiques, et qu’il ne peut y avoir divorce entre la vraie religion et la véritable humanité ?
Oh ! combien cette pensée d’un Rédempteur, homme et Dieu tout ensemble, exalte et rehausse la race humaine ! De quelle confiance ne remplit-elle pas tous ceux qui prient pour le progrès de l’humanité ! De quelle terreur ne doit-elle pas frapper ceux qui oppriment leurs frères ! Si chaque être humain est frère du Seigneur, l’injustice envers l’homme n’est plus seulement cruauté, barbarie, c’est impiété et sacrilège.
« Nous voyons se lever l’aurore du grand jour, du jour du Christ. Comme le son d’eaux vives entendu au premier crépuscule de l’aube, les prières des justes montent et environnent son trône. « Cependant encore un peu de temps, et sa présence rayonnera encore plus sur le monde. « Alors paraîtra ce royaume où habite la justice, alors viendra ce roi qui règne par le joyeux suffrage de tous les cœurs. « Il délivrera le misérable qui crieraà lui,et l’affligé, et celui qui n’a personne qui l’aide. « Il aura compassion du pauvre et du misérable, et il sauvera les âmes des malheureux.
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