Le père Goriot
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Description

La Comédie humaine - Études de moeurs. Troisième livre, Scènes de la vie parisienne - Tome I. Neuvième volume de l'édition Furne 1842. Extrait : La vieille demoiselle Michonneau gardait sur ses yeux fatigués un crasseux abat-jour en taffetas vert, cerclé par du fil d’archal qui aurait effarouché l’ange de la Pitié. Son châle à franges maigres et pleurardes semblait couvrir un squelette, tant les formes qu’il cachait étaient anguleuses. Quel acide avait dépouillé cette créature de ses formes féminines ? elle devait avoir été jolie et bien faite : était-ce le vice, le chagrin, la cupidité ? avait-elle trop aimé, avait-elle été marchande à la toilette, ou seulement courtisane ? Expiait-elle les triomphes d’une jeunesse insolente au-devant de laquelle s’étaient rués les plaisirs par une vieillesse que fuyaient les passants ? Son regard blanc donnait froid, sa figure rabougrie menaçait. Elle avait la voix clairette d’une cigale criant dans son buisson aux approches de l’hiver. Elle disait avoir pris soin d’un vieux monsieur affecté d’un catarrhe à la vessie, et abandonné par ses enfants, qui l’avaient cru sans ressource. Ce vieillard lui avait légué mille francs de rente viagère, périodiquement disputés par les héritiers, aux calomnies desquels elle était en butte. Quoique le jeu des passions eût ravagé sa figure, il s’y trouvait encore certains vestiges d’une blancheur et d’une finesse dans le tissu qui permettaient de supposer que le corps conservait quelques restes de beauté.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 197
EAN13 9782824710143
Langue Français

Extrait

HONORÉ DE BALZA C
LE P ÈRE GORIO T
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
LE P ÈRE GORIO T
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1014-3
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.LE P ÈRE GORIO T
Comme un témoignag e d’admiration de ses travaux et de son
g énie .
DE BALZA C.
 V  ,  de Conflans, est une vieille femme qui,
depuis quarante ans, tient à Paris une p ension b our g e oise éta-M blie r ue Neuv e-Sainte-Gene viè v e , entr e le quartier latin et le
faub our g Saint-Mar ce au. Cee p ension, connue sous le nom de la Maison
V auquer , admet ég alement des hommes et des femmes, des jeunes g ens
et des vieillards, sans que jamais la mé disance ait aaqué les mœur s de
ce r esp e ctable établissement. Mais aussi depuis tr ente ans ne s’y était-il
jamais v u de jeune p er sonne , et p our qu’un jeune homme y demeur e , sa
famille doit-elle lui fair e une bien maigr e p ension. Né anmoins, en 1819,
ép o que à laquelle ce drame commence , il s’y tr ouvait une p auv r e jeune
fille . En quelque discré dit que soit tombé le mot drame p ar la manièr e
abusiv e et tortionnair e dont il a été pr o digué dans ces temps de
doulour euse liératur e , il est né cessair e de l’ emplo y er ici  : non que cee
histoir e soit dramatique dans le sens v rai du mot  ; mais, l’ œuv r e accomplie ,
p eut-êtr e aura-t-on v er sé quelques lar mes intra muros et extra . Sera-t-elle
1Le pèr e Goriot Chapitr e
comprise au delà de Paris  ? le doute est p er mis. Les p articularités de cee
scène pleine d’ obser vations et de couleur s lo cales ne p euv ent êtr e
apprécié es qu’ entr e les bues de Montmartr e et les hauteur s de Montr oug e ,
dans cee illustr e vallé e de plâtras incessamment près de tomb er et de
r uisse aux noir s de b oue  ; vallé e r emplie de souffrances ré elles, de joies
souv ent fausses, et si ter riblement agité e qu’il faut je ne sais quoi d’ e x
orbitant p our y pr o duir e une sensation de quelque duré e . Cep endant il s’y
r encontr e çà et là des douleur s que l’agglomération des vices et des v
ertus r end grandes et solennelles  : à leur asp e ct, les ég oïsmes, les intérêts,
s’ar rêtent et s’apitoient  ; mais l’impr ession qu’ils en r e çoiv ent est comme
un fr uit sav our eux pr omptement dé v oré . Le char de la civilisation,
semblable à celui de l’idole de Jagg er nat, à p eine r etardé p ar un cœur moins
facile à br o y er que les autr es et qui enray e sa r oue , l’a brisé bientôt et
continue sa mar che glorieuse . Ainsi fer ez-v ous, v ous qui tenez ce liv r e
d’une main blanche , v ous qui v ous enfoncez dans un mo elleux fauteuil
en v ous disant  : Peut-êtr e ce ci va-t-il m’amuser . Après av oir lu les
secrètes infortunes du pèr e Goriot, v ous dîner ez av e c app étit en meant
v otr e insensibilité sur le compte de l’auteur , en le tax ant d’ e x ag ération,
en l’accusant de p o ésie . Ah  ! sachez-le  : ce drame n’ est ni une fiction, ni
un r oman. All is true , il est si véritable , que chacun p eut en r e connaîtr e
les éléments chez soi, dans son cœur p eut-êtr e .
La maison où s’ e xploite la p ension b our g e oise app artient à madame
V auquer . Elle est situé e dans le bas de la r ue Neuv e-Sainte-Gene viè v e , à
l’ endr oit où le ter rain s’abaisse v er s la r ue de l’ Arbalète p ar une p ente si
br usque et si r ude que les che vaux la montent ou la descendent rar ement.
Cee cir constance est fav orable au silence qui règne dans ces r ues ser ré es
entr e le dôme du V al-de-Grâce et le dôme du Panthé on, deux monuments
qui chang ent les conditions de l’atmosphèr e en y jetant des tons jaunes, en
y assombrissant tout p ar les teintes sé vèr es que pr ojeent leur s coup oles.
Là , les p avés sont se cs, les r uisse aux n’ ont ni b oue ni e au, l’herb e cr oît
le long des mur s. L’homme le plus insouciant s’y ariste comme tous
les p assants, le br uit d’une v oitur e y de vient un é vénement, les maisons
y sont mor nes, les murailles y sentent la prison. Un Parisien ég aré ne
v er rait là que des p ensions b our g e oises ou des Institutions, de la misèr e
ou de l’ ennui, de la vieillesse qui meurt, de la jo y euse jeunesse contrainte
2Le pèr e Goriot Chapitr e
à travailler . Nul quartier de Paris n’ est plus hor rible , ni, disons-le , plus
inconnu. La r ue Neuv e-Sainte-Gene viè v e surtout est comme un cadr e de
br onze , le seul qui convienne à ce ré cit, auquel on ne saurait tr op prép ar er
l’intellig ence p ar des couleur s br unes, p ar des idé es grav es  ; ainsi que , de
mar che en mar che , le jour diminue et le chant du conducteur se cr euse ,
alor s que le v o yag eur descend aux Catacomb es. Comp araison v raie  ! i
dé cidera de ce qui est plus hor rible à v oir , ou des cœur s dessé chés, ou des
crânes vides  ?
La façade de la p ension donne sur un jardinet, en sorte que la
maison tomb e à angle dr oit sur la r ue Neuv e-Sainte-Gene viè v e , où v ous la
v o y ez coup é e dans sa pr ofondeur . Le long de cee façade , entr e la
maison et le jardinet, règne un cailloutis en cuv ee , lar g e d’une toise , de vant
le quel est une allé e sablé e , b ordé e de g éraniums, de laurier s-r oses et de
gr enadier s plantés dans de grands vases en faïence bleue et blanche . On
entr e dans cee allé e p ar une p orte bâtarde , sur monté e d’un é crite au sur
le quel est é crit  : MAISON- V A UQU ER, et dessous  : Pension bourgeoise des
deux sexes et autres. Pendant le jour , une p orte à clair e-v oie , ar mé e d’une
sonnee criarde , laisse ap er ce v oir au b out du p etit p avé , sur le mur
opp osé à la r ue , une ar cade p einte en marbr e v ert p ar un artiste du quartier .
Sous le r enfoncement que simule cee p eintur e , s’élè v e une statue r
eprésentant l’ Amour . A v oir le v er nis é caillé qui la couv r e , les amateur s de
sy mb oles y dé couv riraient p eut-êtr e un mythe de l’amour p arisien qu’ on
guérit à quelques p as de là . Sous le so cle , cee inscription à demi effacé e
rapp elle le temps auquel r emonte cet or nement p ar l’ enthousiasme dont
il témoigne p our V oltair e , r entré dans Paris en 1777  :
i que tu sois, v oici ton maîtr e  :
Il l’ est, le fut, ou le doit êtr e .
A la nuit tombante , la p orte à clair e-v oie est r emplacé e p ar une p orte
pleine . Le jardinet, aussi lar g e que la façade est longue , se tr ouv e encaissé
p ar le mur de la r ue et p ar le mur mito y en de la maison v oisine , le long de
laquelle p end un mante au de lier r e qui la cache entièr ement, et air e les
y eux des p assants p ar un effet pior esque dans Paris. Chacun de ces mur s
est tapissé d’ esp alier s et de vignes dont les fr uctifications grêles et p
oudr euses sont l’ objet des craintes annuelles de madame V auquer et de ses
3Le pèr e Goriot Chapitr e
conv er sations av e c les p ensionnair es. Le long de chaque muraille , règne
une étr oite allé e qui mène à un couv ert de tilleuls, mot que madame V
auquer , quoique né e de Conflans, pr ononce obstinément tieuilles , malgré les
obser vations grammaticales de ses hôtes. Entr e les deux allé es latérales
est un car ré d’artichauts flanqué d’arbr es fr uitier s en quenouille , et b ordé

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