SIESTE

Jef

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• Publié par: jeflec
• Publié le: 05 décembre 2015
• Nombre de lectures: 4
• Langue: Français

Extrait

SIESTE

Exceptionnelle, la sieste, un tort, aucun doute, surtout avec un tel climat. Cela frise l’affront culturel et pourtant j’aimerais bien. Je n’y parviens généralement toujours pas, tout simplement. D’un autre côté cela me permet de garder parfaitement en mémoire ma première sieste équatoriale. C’était sous la feuillée, cette sieste en quelque sorte fondatrice, il y a maintenant tellement, tellement longtemps.

Jeune, dessiné par l’enfance et l’adolescence, destiné aussi par l’audace face au temps qui ne passait pas encore, j’avais senti la dilution me gagner peu à peu dans le balancement au vent des feuilles aux formes et nuances de vert multiples. Mon regard confiant touchait à l’infini hypnotique du ciel en bleu uniforme.

Mon éclosion en vie partagée avec Jacqueline avant ma glissade de Manhattan vers les limbes, encore récente, m’était métaphysiquement revenue.There is a person in the person struggling for more that has been given. Jacqueline Fuerst m’avait offert ces lignes, elle qui n’a jamais rien publié. L’insuffisance de ce qui est imparti étouffe la personne intérieure. M’avait-elle livré le secret de la vie, de la douleur de vie ? Pascal sans Dieu, Munch en mots et…ouvrez-moi cette porte ou je frappe en

pleurant. Si Jacqueline, elle, prématurément, m’a quitté, enfin, moi et les autres, et le monde. Sa phrase… jamais.

 Ma dimension, révélée dans la sieste dilution, était le cosmos, l’ensemble des atomes de l’univers sauf pour un détail alors inaudible, l’éphémère. L’éphémère jeune pousse encore à lutter pour tâter au moins des parcelles d’absolu, humer, au plus près, la nébulosité de l’inaccessible, l’existence précédant un court moment l’essence.

Aujourd’hui, si longtemps après, en temps humain s’entend, la même sieste aux feuilles si semblables au bout de générations foliaires, me plonge dans le bleu profond dont mon regard prend encore la mesure. Si je contiens encore l’univers l’onde de l’éphémère se fait stridente. L’absolu à tenter dans la brièveté s’éloigne. Ce n’est plusstruggling c’estbegging, begging for more… mais mendier sans espoir véritable au sens de Diogène abordant les statues pour se former au refus.

Je savais pourtant. La personne dans la personne n’obtiendra rien au-delà de ce qui a été imparti, que ce soit mendiant, pleurant, criant, suppliant, luttant, rageant, se jetant désespéré à terre.

Les feuilles dansent insouciamment, le bleu du ciel soutient mon regard sans ciller… le temps est de son côté.