Le téléphone : un facteur d intégration sociale - article ; n°1 ; vol.345, pg 3-32
30 pages
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Economie et statistique - Année 2001 - Volume 345 - Numéro 1 - Pages 3-32
A study of telephone interaction rounds out our knowledge of the French population's sociability, the analysis of which has hitherto been limited to face-to-face interactions. Telephone sociability is found to be more restricted and less diverse than face-to-face sociability. The telephone is used in such a way as to maintain only a core of close friends from among the circle of social contacts. Contrary to all expectations, the geographic concentration of telephone contacts is almost as high as that for the other contacts : half live less than ten kilometres away. The frequency of telephone contact is a less partial indicator of the quality of a social link than the frequency of face-to-face encounters. Firstly, the telephone link reinforces the face-to-face link (the more you see people, the more you call them). Secondly, the telephone can also replace face-to-face contact, especially in the case of close family often called for long periods of time when they cannot be visited because they live too far away. The telephone link contributes to social integration in cases of solitude or isolation from face-to-face contact. The telephone plays a compensatory role. The social groups that spend the most time on the telephone are those at risk of more fragile face-to-face relationships (people living alone or without work). Lastly, the telephone increases a strong pre-existent integration. This is especially the case for people with a high level of education, whose telephone use covers a wide and diverse network of contacts (extensive use) and adds to other, highly intensive forms of sociability.
Durch eine Untersuchung der telefonischen Kontakte lassen sich die Kenntnisse über die Soziabilität der Franzosen, deren Analyse sich bislang auf die direkten Beziehungen beschrankte, vervollstandigen. Im Vergleich zum Netz der direkten Soziabilität ist dasjenige der telefonischen Soziabilität kleiner und weniger diversifiziert : bei den telefonischen Beziehungen erfolgt eine sorgfaltige Auswahl der Kontakte, sodass lediglich ein harter Kern enger Freunde übrig bleibt. Entgegen den Erwartungen ist die geographische Konzentration der telefonischen Gesprachspartner fast genauso gross wie diejenige anderer Beziehungen : jeder zweite wohnt weniger als zehn Kilometer entfernt. Die Haufigkeit der telefonischen Kontaktegibt mehr Aufschluss über die Intensitat einer sozialen Beziehung ais die Haufigkeit der direkten Begegnungen. Denn die telefonischen Beziehungen starken erstens die direkten Beziehungen (je mehr man jemanden sieht, desto haufiger ruft man ihn an). Sie können sie auch ersetzen, insbesondere im Falle naher Verwandten, die man oft und lange anruft, wenn man sich wegen der geographischen Entfernung nicht sehen kann. lm Falle von Einsamkeit oder Isolierung tragen die telefonischen Kontakte zur sozialen Integration bei. Dem Telefon kommt in der Tat eine Kompensationsrolle zu : die sozialen Gruppen, die am langsten telefonieren, unterhalten keine sehr engen direkten Beziehungen (allein lebende oder arbeitslose Menschen). Das Telefon starkt zudem eine bereits vorhandene Integration, vor allem bei Menschen mit hohem Ausbildungsniveau, die über ein weit verzweigtes und diversifiziertes Netz an Gesprachspartnern verfügen (extensives Telefonieren) und anderen Formen intensiver Soziabilität nachgehen.
El estudio de las relaciones telefonicas nos facilita una informacion complementaria sobre la sociabilidad de los franceses, cuyo analisis se limitaba hasta ahora a las relaciones frente a frente. Comparada con la red de sociabilidad frente a frente, la de la sociabilidad telefonica resulta ser mas reducida y menos diversificada : el teléfono pasa por la criba la esfera relacional y solo se queda con el nucleo de los intimos. Contra toda prevision, la concentracion geografica de los interlocutores telefonicos es casi tan fuerte como la de las otras relaciones : une de cada dos interlocutores vive a menos de diez kilometros. La frecuencia de contacto telefonico es un indicador de la calidad dei vinculo social menos parcial que la frecuencia de encuentro frente a frente : primero porque la relacion telefonica refuerza a la de frente a frente (cuanto mas se ve a la gente, mas se la llama). Y luego porque aquélla puede sustituirse a ésta : en el caso de parientes a quienes se hacen llamadas frecuentes y largas cuando no se les puede ir a ver por el alejamiento geografico. El vinculo telefonico contribuye a la integracion social en unos contextos de soledad o de aislamiento. El teléfonojuega desde luego un papel compensador : aquellos grupos sociales que mastiempo le dedican al teléfono son los que se exponen a una mayor fragilidad de sus relaciones frente a frente (personas que viven solas o sin trabajo). En fin, el teléfono acentua una fuerte integracion preexistente : es el caso de aquellas personas de alto nivel de formacion, cuya practica telefonica se hace hacia una red extendida y diversificada de interlocutores (practica extensiva) y se asocia a otras formas de sociabilidad muy intensas.
L’étude des relations téléphoniques complète la connaissance de la sociabilité des Français dont l’analyse se limitait jusqu’ici à celle des relations en face à face. Par rapport à celui-ci, le réseau de la sociabilité téléphonique se révèle plus restreint et moins diversifié: le téléphone passe le cercle relationnel au tamis et ne conserve qu’un noyau d’intimes. Contre toute attente, la concentration géographique des interlocuteurs téléphoniques est presque aussi grande que celle des autres relations: un sur deux vit à moins de dix kilomètres. La fréquence de contact téléphonique est un indicateur de la qualité d’un lien social moins partiel que la fréquence de rencontre: tout d’abord, le lien téléphonique renforce celui en face à face (plus on voit les gens, plus on les appelle). Ensuite, il peut également s’y substituer: notamment dans le cas des proches parents que l’on appelle souvent et longtemps lorsqu’on ne peut les voir à cause de l’éloignement géographique.
Le lien téléphonique contribue à l’intégration sociale dans des contextes de solitude ou d’isolement en face à face. Le téléphone joue en effet un rôle de compensation: les groupes sociaux qui passent le plus de temps au téléphone sont ceux qui sont exposés à une plus grande fragilité de leurs relations en face à face (personnes vivant seules ou dépourvues de travail). Enfin, le téléphone accentue une forte intégration préexistante: c’est notamment le cas pour les personnes pourvues d’un niveau de formation élevé, dont la pratique téléphonique s’exerce en direction d’un réseau d’interlocuteurs étendu et diversifié (pratique extensive), et se cumule à d’autres formes de sociabilité très intenses.
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 54
Langue Français

Extrait

003-032 n°345 09/11/2001 15:22 Page 3
SOCIÉTÉ
Le téléphone : un facteur
d’intégration sociale
Carole-Anne Rivière*
L’étude des relations téléphoniques complète la connaissance de la sociabilité des
Français dont l’analyse se limitait jusqu’ici à celle des relations en face à face.
Par rapport à celui-ci, le réseau de la sociabilité téléphonique se révèle plus restreint et
moins diversifié : le téléphone passe le cercle relationnel au tamis et ne conserve
qu’un noyau d’intimes. Contre toute attente, la concentration géographique des interlo-
cuteurs téléphoniques est presque aussi grande que celle des autres relations : un sur
deux vit à moins de dix kilomètres.
La fréquence de contact téléphonique est un indicateur de la qualité d’un lien social
moins partiel que la fréquence de rencontre : tout d’abord, le lien téléphonique renfor-
ce celui en face à face (plus on voit les gens, plus on les appelle). Ensuite, il peut éga-
lement s’y substituer : notamment dans le cas des proches parents que l’on appelle sou-
vent et longtemps lorsqu’on ne peut les voir à cause de l’éloignement géographique.
Le lien téléphonique contribue à l’intégration sociale dans des contextes de solitude
ou d’isolement en face à face. Le téléphone joue en effet un rôle de compensation : les
groupes sociaux qui passent le plus de temps au téléphone sont ceux qui sont exposés à
une plus grande fragilité de leurs relations en face à face (personnes vivant seules ou
dépourvues de travail). Enfin, le téléphone accentue une forte intégration préexistante :
c’est notamment le cas pour les personnes pourvues d’un niveau de formation élevé,
dont la pratique téléphonique s’exerce en direction d’un réseau d’interlocuteurs étendu et
diversifié (pratique extensive), et se cumule à d’autres formes de sociabilité très intenses.
* Carole-Anne Rivière appartient au laboratoire UCE (Usage, créativité, ergonomie), France Télécom Recherche et Développement.
Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article.
3ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 345, 2001 - 5
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Des méthodes permettant de reconstituere développement de la mobilité des indi-
e « ces réseaux de communautés personnelles »Lvidus depuis la fin du XIX siècle a pour
(Wellman, 1982) et de mesurer la qualité descorollaire leur éloignement du groupe spatia-
nouveaux liens sociaux ont ainsi été dévelop-lement bien délimité qui constituait aupara-
pées depuis une vingtaine d'années. Elles per-vant le cadre privilégié des relations nouées
mettent de mieux comprendre les formesavec les autres (en l’occurrence un milieu
contemporaines de cohésion et d'intégration
traditionnellement agraire). Cette évolution
sociale. Dénommées enquêtes ego-centrées,
a engendré une réflexion sur les nouvelles
ces méthodes reposent sur des procédures
formes d'intégration sociale. En réaction
interrogeant un individu (ego) sur le nombre
contre une définition des formes de solida-
etlanature de ses relations personnelles
rités traditionnelles s'appuyant sur l'existence (cf.encadré1). Privilégiant jusqu’ici les
de communautés caractérisées par leur ancrage contacts directs, elles ont permis de caractéri-
territorial, la connaissance réciproque de ses ser le réseau relationnel d’un individu selon le
membres et l'intensité de leur contacts phy- type de liens et/ou d'échanges qu’il met en jeu.
siques effectifs (face à face) (Tonnies, 1946 ;
Park, Burgess et McKenzie, 1925), la socio-
Les travaux de Granovetter (1973) constituent
logie des réseaux personnels ou ego-centrés
un autre point de départ de la mesure de
représentée par Wellmann (1979, 1982, 1990)
l’intensité du lien social, où la fréquence de
ou Fischer (1977, 1982) a pu montrer que l'écla- contact en face à face représente un indicateur
tement des communautés traditionnelles de mesure de la qualité du lien social. Son
sous le double effet de l'urbanisation et de approche a ainsi permis d’opposer des liens
l'industrialisation, n'empêchait pas que se forts à des liens faibles selon le postulat que
maintiennent, sous la forme de réseaux plus la fréquence de rencontre est importante,
de relations interpersonnelles, des liens de plus le lien observé est fort du point de vue de
solidarités traditionnels. la proximité affective et sociale. Centrale dans
Encadré 1
LES ANALYSES DE RÉSEAUX EGO-CENTRÉS
Les recherches sur les réseaux ego-centrés sont L’approche américaine
privilégie l’analyse structuraleaujourd'hui assez disparates. Deux critères permettent
de les restituer dans leur perspective d'analyse : d'une
Sur le continent nord-américain, les enquêtes ego-part, la plus ou moins grande ambition d'analyse struc-
centrées ont émergé dans la continuité des ambitionsturale des liens sociaux, héritée de la sociologie tradi-
d'analyse structurale. Cette orientation se traduit partionnelle des réseaux, et d'autre part, l'origine nord-
un questionnement autour de la mesure de la struc-américaine ou française des études.
ture d'un réseau personnel et de l'influence de cette
structure sur les comportements sociaux. Schémati-Rappelons tout d'abord que les enquêtes de réseaux
quement, les premières enquêtes mises en place ren-
ego-centrés désignent une méthode de recueil de don-
voient aux recherches sur l'intégration sociale où la
nées consistant à interroger un individu (ego) sur ses
structure du réseau personnel est considérée comme
relations personnelles et autorisent en cela le recours à
un indicateur du niveau d'intégration sociale des indi-
des procédures statistiques traditionnelles reposant sur
vidus. Les enquêtes de Wellmann (1968, 1977), puis
des échantillons représentatifs de la structure sociale.
celles de Fischer (1977) ou encore les questions sur
Elles se sont développées à partir de la fin des années 60
les réseaux personnels introduites dans la General
sur le continent nord-américain dans la continuité de la
Survey en 1985 (Burt, 1990) sont représentatives de
conception initiale de l'analyse de réseaux qui cherche,
ces préoccupations. Afin de disposer d'informations suf-
pour sa part, à décrire l'ensemble des relations au sein
fisamment riches sur les interconnaissances entre les
d'une population afin de mettre à jour sa structure orga- membres du réseau d'ego, elles mettent au cœur de
nisatrice à travers l'étude des interconnexions exis- leurs analyses les liens personnels les plus intimes
tantes. Les difficultés apparues pour faire décrire les ou les plus à mêmes d'exercer une influence prépon-
interconnaissances entre les membres d'un réseau en dérante sur les comportements, les valeurs ou les
partant de la méthode ego-centrée ont conduit progres- attitudes des individus interrogés. Limitées aux carac-
sivement à un éloignement du point de vue structural téristiques de trois, quatre ou cinq personnes, les
tandis qu'elles ont permis le développement d'une analyses peuvent ainsi se centrer sur les mesures de
approche spécifique de la sociabilité intégrée à la socio- densité (interconnexions) ou de multiplexité (dif-
logie des relations interpersonnelles. férents rôles sociaux attachés à une même relation)
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la théorie des ressources sociales, cette mesure phones mobiles alors encore peu répandus)
de l'intensité du lien social a servi de support (cf. encadré 2), cet article permet de complé-
à Granovetter pour montrer «la force des ter, de nuancer ou de confirmer les conclu-
liens faibles », postulant que plus un lien est sions tirées de l’analyse des pratiques de socia-
faible plus il est avantageux ou fort pour accé- bilité traditionnelles. Quelles sont les caracté-
der à des ressources sociales (du point de vue ristiques du réseau de sociabilité téléphonique
instrumental et opérationnel et du point de et en quoi diffèrent-elles du réseau de socia-
vue de la valeur sociale de la ressource). bilité en face à face ? Les interlocuteurs télé-
phoniques sont-ils les mêmes

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