Les familles ouvrières face au devenir de leurs enfants - article ; n°1 ; vol.371, pg 3-22
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Economie et statistique - Année 2004 - Volume 371 - Numéro 1 - Pages 3-22
Si la plupart des ouvriers souhaitent aujourd'hui que leurs enfants échappent aux emplois d'exécution, ils espèrent aussi souvent qu'ils exercent le métier qui leur plaira, pourvu qu'ils réussissent leurs études. Intégrant le nouveau rôle des titres scolaires dans le modelage des trajectoires sociales, les ouvriers placent de plus en plus l'école au centre de leurs stratégies éducatives. Enjeu incontournable pour l'avenir de la lignée, la pro longation des études s'inscrit dans une dynamique intergénérationnelle: l'espoir des ouvriers que leurs enfants réalisent par la voie scolaire ce dont ils ont rêvé pour eux-mêmes témoigne ici d'une reprise des aspira tions d'une génération à l'autre. Mais si les diplômes sont de plus en plus nécessaires pour garantir une bonne insertion, ils sont aussi de moins en moins suffi sants, ce qui peut conduire les parents à s'investir dans les stratégies d'accès à l'emploi de leurs enfants. L'implication des parents pour permettre aux enfants d'obtenir un emploi perdure dans le monde ouvrier. Un quart des enfants d'ouvriers nés entre la fin de la guerre et le milieu des années 1970 ont ainsi reçu une aide de leurs parents pour accéder à un emploi. La mobilisation des relations des parents donne des résultats ambivalents: si elle permet peut-être d'éviter le chômage aux enfants les moins diplômés, elle augmente les risques de devenir ouvrier et ne modifie pas significativement les chances d'atteindre des positions de cadre supérieur ou de profession intermédiaire. Sans contester les clivages entre générations, cet article les relativise en soulignant qu'au-delà des ten sions ou incompréhensions entre parents et enfants, les aspirations des uns et des autres s'inscrivent dans une même histoire familiale où les deux généra tions se rejoignent dans l'appropriation des enjeux scolaires.
Arbeiterfamilien und die Zukunft ihrer Kinder
Die meisten Arbeiter wünschen heute, dass ihre Kinder keine ausführenden Arbeiten verrichten müssen, hoffen aber gleichzeitig, dass sie einen Beruf ausüben, der ihnen gefällt, vorausgesetzt sie schließen ihre Ausbildung erfolgreich ab. Die Arbeiter, die die Ausbildungsabschlüsse in die Modellierung des sozialen Werdegangs als neuen Parameter mit einbeziehen, räumen der Schule in ihren Bildungsstrategien zunehmend einen zentralen Platz ein. Das für die Zukunft der Nachkommenschaft unabdingbare Studium ist Teil einer Intergenerationen-Dynamik: Die Hoffnung der Arbeiter, dass ihre Kinder über die Schule das erreichen, wovon sie selbst träumten, zeigt, dass der Ehrgeiz von einer Generation zur anderen übertragen wird. Für eine reibungslose Eingliederung in das Berufsleben werden Abschlusszeugnisse zwar zunehmend notwendiger, reichen aber auch immer weniger aus. Dies kann die Eltern dazu bewegen, sich aktiv um die Strategien ihrer Kinder bei der Suche nach einer Beschäftigung zu kümmern. Nach wie vor beteiligen sich die Arbeitereltern an der Suche ihrer Kinder nach einer Beschäftigung. Ein Viertel der zwischen Kriegsende und Mitte der 1970er Jahre geborenen Arbeiterkinder wurden somit von ihren Eltern bei ihren Bemühungen um eine Beschäftigung unterstützt. Der Rückgriff auf die Beziehungen der Eltern ergibt ambivalente Ergebnisse: Dies kann den am wenigsten qualifizierten Kindern zwar die Arbeitslosigkeit ersparen, erhöht aber die Risiken, als Arbeiter zu enden, und ändert nicht nennenswert die Chancen, Zugang zu einer Position als höhere oder mittlere Führungskraft zu erlangen. Dieser Artikel stellt die Klfte zwischen den Generationen nicht in Frage, relativiert sie aber, indem er herausstellt, dass ungeachtet der Spannungen oder des Unverständnisses zwischen Eltern und Kindern deren Zielsetzungen sich in ein und dieselbe Familiengeschichte einfügen, bei der beide Generationen der Schulausbildung die gleiche Bedeutung beimessen.
Las familias obreras frente al porvenir de sus hijos
Si bien la mayor parte de los obreros desean hoy en día que sus hijos eviten los empleos de operario, también esperan a menudo en que sus hijos ejerzan la profesión que les guste, con tal de que hayan estudiado con éxito. Al integrar el nuevo rol de los títulos escolares en la elaboración de las trayectorias sociales, los obreros van poniendo con mayor frecuencia la enseñanza en el centro de sus estrategias educativas. Elemento clave en el porvenir de la prole, la prolongación de los estudios forma parte de una dinámica intergeneracional: la esperanza de los obreros en que sus hijos realicen por la vía escolar aquello con lo soñaron para sí, es el reflejo aquí de un relevo de las aspiraciones de una generación a otra. Ahora bien, aunque los diplomas son cada vez más necesarios para garantizar una buena inserción, son por otra parte cada vez menos suficientes, lo cual incita a los padres a participar en las estrategias de acceso al empleo de sus hijos. La implicación de los padres para permitir que los hijos consigan un empleo, es un fenómeno duradero en el mundo obrero. Una cuarta parte de los hijos de obreros nacidos entre el fin de la segunda guerra mundial y mediados de los sesenta fueron ayudados por sus padres para acceder a un empleo. La movilización de las relaciones da resultados ambivalentes: si bien permite acaso evitar el paro a los hijos menos diplomados, aumenta también el riesgo de ser obrero y no cambia de manera significativa las posibilidades de llegar a unos puestos de ejecutivo o a profesiones intermediarias. Sin negar las divergencias entre las generaciones, este artículo las matiza al subrayar, más allá de las tensiones o incomprensiones entre padres e hijos, unas aspiraciones comunes que participan de una misma historia familiar en la que ambas generaciones coinciden en la consideración del éxito escolar.
How Manual Employee Families Handle their Children’s Futures
Although most manual employees today would like to see their children escaping junior positions, many would also like to see them taking up the profession of their choice, provided they do well at school. Manual employees are incorporating the new role of educational qualifications in the modelling of their social trajectories and are increasingly placing school at the core of their educational strategies. Longer education is a key issue for the future of the family line and therefore forms part of an intergenerational dynamic: the hope that manual employees place in their children to fulfil their own dreams through education bears witness to a return of aspirations handed down from one generation to the next. But while qualifications are increasingly necessary to guarantee sound integration into the workforce, they are also increasingly insufficient. This can prompt parents to get involved in strategies to find their children work. This involvement is a long-standing tradition among manual employees. One-quarter of manual employees’ children born between the end of the war and the mid-1970s received help from their parents to find a job. Yet the results parents achieve by using their contacts are ambivalent. Although this strategy may keep low-skilled children out of unemployment, it increases their chances of becoming manual employees and does not significantly improve the likelihood of their becoming senior executives or middle managers. This paper does not challenge the existence of generation gaps, but puts them into perspective by showing that, beyond the tensions and misunderstandings between parents and children, the aspirations of both parents and children are part of the same dynamic that unites the two generations in the internalisation of the implications of education.
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2004
Nombre de lectures 39
Langue Français

Extrait

SOCIÉT
Les familles ouvrières face au devenir de leurs enfants
Tristan Poullaouec*
Si la plupart des ouvriers souhaitent aujourd’hui que leurs enfants échappent aux emplois d’exécution, ils espèrent aussi souvent qu’ils exercent le métier qui leur plaira, pourvu qu’ils réussissent leurs études. Intégrant le nouveau rôle des titres scolaires dans le modelage des trajectoires sociales, les ouvriers placent de plus en plus l’école au centre de leurs stratégies éducatives. Enjeu incontournable pour l’avenir de la lignée, la prolongation des études s’inscrit dans une dynamique intergénérationnelle : l’espoir des ouvriers que leurs enfants réalisent par la voie scolaire ce dont ils ont rêvé pour eux-mêmes témoigne ici d’une reprise des aspirations d’une génération à l’autre.
Mais si les diplômes sont de plus en plus nécessaires pour garantir une bonne insertion, ils sont aussi de moins en moins suffisants, ce qui peut conduire les parents à s’investir dans les stratégies d’accès à l’emploi de leurs enfants. L’implication des parents pour permettre aux enfants d’obtenir un emploi perdure dans le monde ouvrier. Un quart des enfants d’ouvriers nés entre la fin de la guerre et le milieu des années 1970 ont ainsi reçu une aide de leurs parents pour accéder à un emploi. La mobilisation des relations des parents donne des résultats ambivalents : si elle permet peut-être d’éviter le chômage aux enfants les moins diplômés, elle augmente les risques de devenir ouvrier et ne modifie pas significativement les chances d’atteindre des positions de cadre supérieur ou de profession intermédiaire.
Sans contester les clivages entre générations, cet article les relativise en soulignant qu’au-delà des tensions ou incompréhensions entre parents et enfants, les aspirations des uns et des autres s’inscrivent dans une même histoire familiale où les deux générations se rejoignent dans l’appropriation des enjeux scolaires.
* Tristan Poullaouec appartient au Laboratoire Printemps du CNRS, Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 371, 2004
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S l e corbejt eoctui fa dveo ulaé ,p clualpcaurlt éd eosu  psairmepnltes meset ndt er êvvoéi,r leurs enfants atteindre une position sociale équi-valente, sinon supérieure à la leur. Si évident et commun qu’il paraisse, l’enjeu revêt cependant une signification historique particulière à bien des égards dans les familles ouvrières. Aujourd’hui peut-être plus encore qu’hier, la peur du déclassement, voire le « spectre » de la délinquance des enfants hante les ouvriers  (1). La condition ouvrière ne semble plus aussi accepta-ble pour les ouvriers eux-mêmes,  a fortiori  pour leurs enfants, et les aspirations à s’en évader, le désir que les enfants rejoignent d’autres positions au sein du salariat non ouvrier sont devenus très forts. Sur fond de crise du monde ouvrier, la transmission d’un certain héritage ouvrier serait donc devenue problématique (Beaud et Pialoux, 1999). Qu’un de leurs enfants s’engage dans la même activité professionnelle qu’eux ne satisfe-rait plus désormais qu’une faible minorité d’ouvriers (2). La disqualification profonde et massive des destins ouvriers semble bien être au cœur du problème. L’analyse des modalités de constitution des générations ouvrières, au-delà de la seule sphère familiale, permet de mieux comprendre cette crise de reproduction du groupe ouvrier. En s’en tenant ici aux conditions de la scolarisation et de la transition professionnelle, on mesure bien le contraste entre les biographies collectives des uns et des autres selon leur génération (3). Les jeunes d’origine ouvrière nés dans les années 1970 ont ainsi connu la généralisation de l’accès au collège puis au lycée et ont fait leurs premiers pas sur le marché du travail dans les années 1990, dans un contexte marqué par la dégrada-tion des conditions d’accès à l’emploi, le chô-mage de masse, le blocage des salaires, etc. Leurs parents, nés pour la plupart dans les années 1940, souvent d’origine ouvrière eux-mêmes, ont rarement prolongé leur scolarité au-delà du primaire, sinon pour préparer des CAP à l’épo-que valorisés sur le marché du travail, dans des collèges techniques alors scolairement sélectifs. Ils ont commencé leur vie professionnelle dans les années 1960 dans une conjoncture où la pénurie de main-d’œuvre et l’amélioration du niveau de vie leur assuraient un emploi stable et une certaine aisance sans forcément quitter la condition ouvrière (4). S’agissant de comprendre le présent en regard du passé, on peut donc identifier avec profit certains clivages « générationnels » au sein du groupe ouvrier (5) qui modifient les conditions de la transmission. Ce faisant, on ne saurait se
contenter de décrire les relations sociales au cœur des lignées ouvrières en soulignant seule-ment à quel point parents et enfants diffèrent. Le risque est alors grand de ne voir dans les familles ouvrières que la distance entre des générations qui ne se reconnaissent plus dans le miroir qu’elles se tendent réciproquement, comme si les générations en présence étaient devenues complètement étrangères l’une pour l’autre. Nombreux sont ceux qui ont souligné par ailleurs la force, la diversité et la continuité des liens entre générations au sein de la parenté. Si la mise en évidence d’effets de génération et de césures intergénérationnelles ne contredit pas l’importance toujours attestée des solidarités intergénérationnelles, c’est sans doute parce que les rapports qui se nouent entre les générations sont à la fois un produit et un vecteur du changement social (Attias-Donfut, 2000). (1) (2)   (3) (4) (5) Il s’agit ici de montrer comment les transforma-tions de l’institution scolaire et du monde du tra-vail sont intégrées dans les stratégies éducatives familiales et de quelle manière elles se tradui-sent dans les transmissions intergénérationnel-les des familles ouvrières. En premier lieu, on analysera les aspirations professionnelles aujourd’hui formulées par les ouvriers pour leurs enfants et ce qu’elles doivent à la généra-lisation de la scolarisation de génération en génération. La question de l’évolution de la 1. Comme l’écrivait Michel Verret (1992) : « [...] quand le déclas-sement touche la dernière classe, la distance est petite de la soustraction de classe à la soustraction au monde ». 2. Baudelot et Gollac, 2003, pp. 134-135 : « [...] les catégories qui se déclarent les moins heureuses à l’idée que leurs enfants suivent leurs traces sont majoritairement constituées de tra-vailleurs manuels (ouvriers, chauffeurs) ainsi que des personnels d’exécution du secteur tertiaire, employés et services aux particuliers ». 3. Que ces générations soient loin d’être homogènes, y compris à l’intérieur d’un même groupe social, ne suffit pas à invalider toute caractérisation des cohortes les unes par rapport aux autres comme des générations distinctes. Quelles que soient leurs différences par ailleurs, les contemporains de même âge peuvent avoir en commun une certaine « empreinte du temps » (Attias-Donfut, 1988) qui les distingue de leurs aînés comme de leurs cadets, du simple fait qu’ils sont confrontés tout au long de leur vie au même âge à de mêmes états de la société et aux « tendances inhérentes à chaque situation historique »  (Mann-heim, 1990). Les grands tournants de l’histoire d’une société ou d’un groupe ne transforment pas forcément toutes les cohortes en groupes réels, mais elles marquent durablement leur destinée collective, et peuvent ainsi produire « des dispositions commu-nes [procédant] de la communauté de l’expérience biographi-que » (Terrail, 1991). 4. En outre, l’embauche à salaire croissant assurait aux fils des revenus dépassant rapidement ceux de leurs pères, qui pou-vaient y voir la récompense de leurs investissements éducatifs (Baudelot et Gollac, 1997). 5. On s’en tiendra ici aux évolutions de l’institution scolaire et du marché du travail, qui constituent deux pièces majeures dans la transformation des régimes biographiques. Pour des lectures plus complètes sous l’angle de la succession des générations, voir par exemple (Terrail, 1991) ou (Mauger, 1998).
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 371, 2004
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