Les usagers ont-ils quelque chose à ajouter ? - article ; n°1 ; vol.391, pg 151-175
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Economie et statistique - Année 2006 - Volume 391 - Numéro 1 - Pages 151-175
L'enquête auprès des personnes fréquentant les services d'hébergement ou les distributions de repas chauds se concluait par une question au contenu volontairement très vague afin de laisser s'exprimer librement une population qui a rarement la parole. La moitié d'entre eux a saisi cette opportunité pour des raisons très diverses et leurs réponses sont, dans leur ensemble, très hétérogènes, tant pour les thèmes abordés que pour la manière de les formuler. Ainsi, un cinquième d'entre eux parle de l'enquête, généralement pour noter sa qualité mais aussi pour critiquer sa longueur ou la redondance de certaines questions et poser la question de son utilité. Un tiers des enquêtés s'attarde sur leurs difficultés à trouver un logement ou un travail voire les deux, dénonçant le cercle vicieux dans lequel ils sont pris : il faut un travail pour avoir un logement et réciproquement. Un cinquième a profité de cet espace pour s'exprimer sur les lieux d'hébergement soit pour les juger de façon positive dans un processus de réinsertion, soit pour critiquer les conditions de vie qui y règnent. Un individu sur dix s'est exprimé sur les services d'aides plutôt pour les critiquer de façon générale ou en dénonçant directement leurs interlocuteurs comme les assistantes sociales alors que huit enquêtés sur dix se déclarent satisfaits des contacts qu'ils ont eus avec les différents services dans les autres questions de l'enquête. D'autres thèmes sont abordés, mais dans des proportions plus faibles, comme la famille, que ce soit les ascendants et les relations conflictuelles ou la famille nucléaire et la difficulté de la préserver dans ces circonstances, la lourdeur des démarches administratives, la rue ou l'avenir. En filigrane, ces discours, s'ils ouvrent de nouvelles pistes afin d'améliorer les questionnaires à leur adresse, dressent aussi le constat des problèmes persistants pour les sans-papiers, les couples et les familles ainsi que les jeunes.
Haben die Nutzer etwas hinzuzufügen? Die Befragung der Personen, die in Obdachlosenheimen und Suppenküchen verkehren, endete mit einer Frage, die absichtlich sehr vage formuliert war, damit sich eine Bevölkerungsgruppe, die selten zu Wort kommt, frei äußern konnte. Die Hälfte von ihnen nahm diese Gelegenheit aus sehr unterschiedlichen Gründen wahr, und ihre Antworten sind insgesamt sehr heterogen, sei es bei den angesprochenen Themen oder bei der Art ihrer Formulierung. Ein Fünftel von ihnen ging somit auf die Befragung ein, um generell deren Qualität zu betonen, aber auch um deren Länge oder die Redundanz bestimmter Fragen zu kritisieren und nach deren Nutzen zu fragen. Ein Drittel der Befragten behandelte ausführlich die Schwierigkeiten, eine Wohnung oder eine Arbeit oder auch beides zu fi nden, und beklagte den Teufelskreis, in dem sie stecken: um eine Wohnung zu fi nden, braucht man eine Arbeit und umgekehrt. Ein Fünftel nutzte diese Gelegenheit, um seine Meinung zu den Heimen zu äußern, wobei diese entweder als positives Mittel zur Wiedereingliederung gewertet oder wegen der dort herrschenden Lebensbedingungen kritisiert wurden. Jeder zehnte sprach über die Hilfsdienste, um sie eher allgemein zu kritisieren oder ihre Ansprechpartner wie auch die Sozialarbeiter direkt anzuprangern, während acht von zehn Befragten bei anderen Fragen dieser Untersuchung erklärten, sie seien mit ihren Kontakten zu den verschiedenen Stellen zufrieden. Angesprochen wurden noch weitere Themen, allerdings weniger häufi g, wie beispielsweise die Familie: Eltern und konfl iktgeladene Beziehungen oder Kernfamilie und Schwierigkeit, sie unter diesen Umständen zu erhalten, Schwerfälligkeit der Verwaltungsformalitäten, Straße oder Zukunft. Bei diesen Meinungsäußerungen, die neue Ansätze zur Verbesserung derartiger Fragebögen aufzeigten, wurde auch deutlich, dass die Menschen ohne Aufenthaltspapiere, Ehepaare und Familien wie auch Jugendliche mit dauerhaften Problemen konfrontiert sind.
La encuesta ante las personas que frecuentan los servicios de albergue o de distribución de comida caliente concluye con una pregunta de contenido voluntariamente muy vago, para que una población que raramente tiene la palabra pueda expresarse libremente. La mitad de ellos ha aprovechado la oportunidad por razones muy diferentes y sus respuestas son, en su conjunto, muy heterogéneas, tanto por los temas abordados como por la manera de formularlos. Así, un quinto de entre ellos habla de la encuesta, generalmente para califi carlo pero también para criticar su extensión o la redundancia de algunas preguntas y cuestionar su utilidad. Un tercio de los encuestados se extienden sobre sus difi cultades para encontrar un alojamiento o un trabajo, incluso los dos, a la vez que denuncian el círculo vicioso en el que están atrapados: hace falta un trabajo para tener un alojamiento y viceversa. Un quinto aprovechó este espacio para expresarse sobre los lugares de alojamiento, bien para juzgarlos de forma positiva en un proceso de reinserción o bien para criticar las condiciones de vida que imperan en ellos. Un individuo de cada diez se expresó sobre los servicios de ayuda más para criticarlos de manera general o denunciando directamente a sus interlocutores como los asistentes sociales, mientras que ocho de cada diez encuestados se declaran satisfechos del trato que han tenido con los diferentes servicios en las otras preguntas de la encuesta. Otros temas son abordados, pero en menores proporciones, como la familia, ya sea los ascendientes y las relaciones confl ictivas o la familia nuclear y la difi cultad de preservarla en estas circunstancias, la pesadez de los trámites administrativos, la calle o el futuro. Estos discursos dejan ver entre líneas nuevas pistas para mejorar los cuestionarios a ellos dirigidos, presentan también la constatación de los problemas que persisten para los sin papeles, las parejas y las familias así como para los jóvenes. ¿ Los usuarios no tienen nada qué decir?
A survey of the people who frequently use homeless shelters or hot meal distribution services (l’enquête auprès des personnes fréquentant les services d’hébergement ou les distributions de repas chauds)
ended with a deliberately vague question in order to give the homeless the rare opportunity to make their opinions heard. Half of the homeless people surveyed seized this chance for various reasons, and their responses were equally varied, both in terms of the issues raised and their expression. One fi fth of those surveyed talked about the survey itself, generally to rate its quality, but also to criticise it for being too long or for containing redundant questions, questionning its overall usefulness. A third focused on their diffi culties in fi nding housing or work, or even both, criticising the vicious circle in which they are trapped: they need to have a job to access housing, and vice versa. One fi fth used the opportunity to give their opinion about homeless shelters, either to praise them as part of the reintegration process, or to critisize the living conditions there. One in ten criticized the support services in general or directly criticised the support workers they had had contact with, such as social workers, whilst eight out of ten stated that they were satisfi ed with the contact they had had with the different services in other questions in the survey. Other issues were raised, but to a lesser extent, such as family, whether this be parents and confl icting relationships or the nuclear family and the diffi culty of preserving it in their circumstances, long-winded administrative procedures, life on the streets and the future. The responses to this fi nal question not only suggest new ways in which such questionnaires could be improved, but also report on the persistent problems which people without offi cial documents, couples, families and even young people face. Do the Users Have Anything to Add?
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2006
Nombre de lectures 38
Langue Français

Extrait

Les usagers ont-ils quelque chose à ajouter ? Gaël de Peretti*
PAUVRETÉ
L’enquêteauprès des personnes fréquentant les services d’hébergement ou les distri-butions de repas chaudsse concluait par une question au contenu volontairement très vague afin de laisser s’exprimer librement une population qui a rarement la parole. La moitié d’entre eux a saisi cette opportunité pour des raisons très diverses et leurs répon-ses sont, dans leur ensemble, très hétérogènes, tant par les thèmes abordés que pour la manière de les formuler. Ainsi, un cinquième d’entre eux parle de l’enquête, généralement pour noter sa qualité mais aussi pour critiquer sa longueur ou la redondance de certaines questions et poser la question de son utilité. Un tiers des enquêtés s’attarde sur leurs diffi cultés à trouver un logement ou un travail voire les deux, dénonçant le cercle vicieux dans lequel ils sont pris : il faut un travail pour avoir un logement et réciproquement. Un cinquième a profité de cet espace pour s’exprimer sur les lieux d’hébergement soit pour les juger de façon positive dans un processus de réinsertion, soit pour critiquer les conditions de vie qui y règnent. Un individu sur dix s’est exprimé sur les services d’aides plutôt pour les critiquer de façon générale ou en dénonçant directement leurs interlocuteurs comme les assistantes sociales alors que huit enquêtés sur dix se déclarent satisfaits des contacts qu’ils ont eus avec les différents services dans les autres questions de l’enquête. D’autres thèmes sont abordés, mais dans des proportions plus faibles, comme la famille, que ce soit les ascendants et les relations confl ictuelles ou la famille nucléaire et la diffi culté de la préserver dans ces circonstances, la lourdeur des démarches administratives, la rue ou l’avenir. En filigrane, ces discours, s’ils ouvrent de nouvelles pistes afi n d’améliorer les question-naires à leur adresse, dressent aussi le constat des problèmes persistants pour les sans-papiers, les couples et les familles ainsi que les jeunes.
* Au moment de la rédaction de cet article, Gaël de Peretti appartenait à la division Conditions de vie des ménages de l’Insee.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 391-392, 2006
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stique Lèrpuedsaicomeilsas-dnstudeusssetotitegitialédumitéqnêueneatitetsposée. Si la réponse fut affi rmative, l’une des raisons majeures invoquées était la possibilité offerte de « parler de soi, [ce qui] même dans un cadre structuré, permet d’avoir un regard sur soi, d’échapper quelque peu à la tyrannie du quotidien et de faire reculer le sentiment d’in-visibilité sociale » (Firdionet al., 1995, p. 46). Or, au-delà d’un dénombrement nécessaire pour « passer du débat sur les chiffres à d’autres débats » (ibid.), l’enquête devait se focaliser sur les processus d’entrée et de maintien dans l’ex-clusion (Cnis, 1996). Cette volonté a conduit les concepteurs d’enquête à multiplier les questions rétrospectives pour tenter de cerner au mieux ces processus aussi bien dans les domaines du logement, de l’emploi, de la santé que de la famille. La multiplicité de ces questions était autant d’occasions pour l’enquêté de se remé-morer des épisodes possiblement diffi ciles ou douloureux. Aussi, afin de « redonner la main » aux enquêtés en fin d’enquête, les concepteurs ont choisi de la conclure par la question ouverte suivante : «Souhaitez-vous ajouter des infor-mations que ce questionnaire n’a pas permis de recueillir». Cette question finale était volontai-rement très large et offrait à l’enquêté un espace de liberté important ce qui assurait le choix d’un thème porteur de « sens » pour ce dernier et donc une réponse fiable et riche d’informa-tion (Brugidou, 2001).A contrario, cette liberté pouvait nuire aux traitements statistiques dès lors que les sujets abordés étaient très différents (Lallich-Boidin, 2001). Or, les champs étudiés dans l’enquête sont nombreux : logement, reve-nus, emploi, formation, santé, relations familia-les et amicales, enfance, recours aux aides, etc.. Ainsi, plusieurs choix s’offrent à l’enquêté : compléter ou critiquer l’information recueillie par le questionnaire, parler de problèmes géné-raux concernant les usagers des services d’aide aux sans-domicile ou parler de son cas person-nel. Une question très ouverte dans une enquête inédite L’introduction d’une question ouverte a trois raisons principales (Lebart, 2001). Dans cer-tains cas, ces questions peuvent être introduites pour réduire le temps d’interview. En effet, la collecte de certaines informations peut nécessi-ter plusieurs questions fermées, là où une seule question ouverte suffirait. Ensuite, elle est indis-pensable lorsque l’on souhaite obtenir des com-pléments d’information (« pourquoi » ou détail
d’une modalité « autre ») ou lorsque l’on n’est pas sûr d’épuiser les réponses pertinentes avec une question fermée. Enfi n, et c’est la raison qui est à l’origine de celle que nous allons trai-ter, elle est particulièrement performante pour recueillir une information spontanée. Cette pratique s’est développée récemment en particulier pour conclure des questionnaires sur des sujets sensibles. Ainsi, l’enquêteESCAPAD(enquêtesanté et consommation au cours de l’appel de préparation à la défense), essen-tiellement consacrée à la consommation de produits psychoactifs, s’achève sur la question suivante : « Si vous avez des remarques à faire sur le questionnaire ou le sujet, vous pouvez le faire ci-dessous. Si vous n’avez pas souhaité répondre à certaines questions, pouvez-vous expliquer pourquoi ? » (Becket al., 2000). L’analyse de ces réponses a permis des modi-fications du questionnaire mais aussi la prise en compte d’un souhait souvent exprimé d’un retour d’informations sur cette enquête (Becket al., 2005). La question étudiée est très proche de celle qui concluait l’enquête sur le devenir des allocataires du RMI : « Souhaitez-vous ajouter, en quelques mots, des informations qui vous paraissent importantes et que notre entretien n’a pas permis de recueillir, sur votre situation, ou vos perspectives par rapport au RMI ou à la sor-tie du RMI ». Cette dernière avait d’ailleurs été exploitée par Lebart (2000) dans une perspective plutôt méthodologique et l’une des conclusions de son rapport était de « progressivement pro-céder à un traitement statistique des questions ouvertes, […] ne serait-ce que pour des ques-tions de validation et de qualité de l’information de base ». Or, la question ouverte concluant l’enquête auprès des personnes fréquentant les services d’hébergement ou les distributions de repas chauds(diteSans-domicile 2001) ne doit évi-demment pas être traitée hors contexte, d’autant plus qu’elle s’intègre dans une enquête inédite sur une population dont on connaissait peu de choses. Les spécificités de la population étudiée doivent être prises en compte dès lors qu’elles peuvent influencer le corpus textuel produit et analysé. En effet, le questionnaire constitue « un enjeu inhabituel pour certaines personnes interrogées, qui sont en situation de dépendance ou de demande vis-à-vis des institutions et de la société en général » (Lebart, 2000, p. 72). Ainsi, avant d’analyser les réponses, il faut être conscient que tous les individus ne comprennent pas cette question de la même façon et donc ne répondent pas réellement à la même question.
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