Travailleurs âgés, nouvelles technologies et changements organisationnels : un réexamen à partir de l enquête « Reponse ». Suivi d un commentaire de Luc Behaghel : emploi des seniors - Des effets du changement technologique aux recommandations - article ; n°1 ; vol.397, pg 21-49
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Travailleurs âgés, nouvelles technologies et changements organisationnels : un réexamen à partir de l'enquête « Reponse ». Suivi d'un commentaire de Luc Behaghel : emploi des seniors - Des effets du changement technologique aux recommandations - article ; n°1 ; vol.397, pg 21-49

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Economie et statistique - Année 2006 - Volume 397 - Numéro 1 - Pages 21-49
L'adoption par les entreprises d'innovations technologiques (micro-ordinateur, internet), de changements organisationnels ou leur ouverture au marché international posent la question de l'adaptation des travailleurs âgés (seniors) : les entreprises concernées évincent-elles plus souvent ou non les seniors de leur main-d'oeuvre ? L'analyse du stock d'emploi en 1998 confirme l'hypothèse d'un biais de ces changements défavorable aux seniors. Dans l'industrie comme dans le tertiaire, les établissements plus informatisés ou aux pratiques organisationnelles innovantes emploient relativement moins de seniors. Cela se vérifie dans l'ensemble aussi bien pour les plus qualifiés (cadres et professions intermédiaires) que pour les moins qualifiés (ouvriers et employés). Le lien causal entre innovation et emploi des plus âgés est, de par sa complexité, difficile à mettre en évidence. L'analyse des flux d'emplois entre 1998 et 2001 conforte cependant l'idée que l'innovation aggrave l'obsolescence des qualifications. En jouant à la fois sur les embauches et les sorties d'emploi, la diffusion des nouvelles technologies aurait bien un impact négatif sur l'emploi des seniors. Ce constat doit être nuancé : certains changements organisationnels comme la décentralisation des pouvoirs de décision ainsi que l'ouverture à l'international faisant appel à des salariés expérimentés seraient de ce fait plus favorables aux plus âgés qu'aux plus jeunes.
Trabajadores seniors, nuevas tecnologías y cambios de organización
Una reconsideración a partir de la encuesta Reponse
La adopción por parte de las empresas de innovaciones tecnológicas (micro-ordenadores, internet) de cambios organizativos o su apertura al mercado internacional plantea la cuestión de la adaptación de los trabajadores seniors: las empresas involucradas, ¿ excluyen o no con mayor frecuencia a los seniors de su mano de obra? El análisis de los índices de empleo de 1998 confi rma la hipótesis de una tendencia en estos cambios desfavorable a los seniors. En la industria como en el sector terciario, los establecimientos más informatizados o con prácticas organizativas innovadoras emplean relativamente menos seniors. Ello se confi rma en conjunto tanto para los más cualifi cados (ejecutivos y profesiones intermedias) como para los menos cualifi cados (obreros y empleados). La relación de causa entre innovación y empleo de los mayores es, por su complejidad, difícil de evidenciar. El análisis de los fl ujos de empleo entre 1998 y 2001 confi rma, sin embargo, la idea de que la innovación agrava la obsolescencia de las cualifi caciones. Jugando a la vez con los contratos y los despidos, la difusión de las nuevas tecnologías habría tenido un impacto negativo en el empleo de los seniors. Esta constatación debe ser matizada: ciertos cambios de organización, como la descentralización de los poderes de decisión y la apertura internacional, apuntarían a los empleados experimentados, lo que sería más favorable a los mayores que a los jóvenes.
Ältere Arbeitnehmer, neue Technologien und organisatorische Veränderungen Eine neue Untersuchung anhand der Erhebung Antwort
Wenn Unternehmen der technologischen Innovation (Mikrocomputer, Internet) organisatorische Veränderungen vornehmen oder sich dem internationalen Markt öffnen, stellt sich die Frage nach der Anpassung der älteren Arbeitnehmer (Senioren) entlassen die betreffenden Unternehmen häufi ger Senioren oder nicht? Die Analyse des Beschäftigungsstocks des Jahres 1998 bestätigt die Hypothese einer Verzerrung solcher Veränderungen zum Nachteil der Senioren. In der Industrie wie auch im tertiären Sektor beschäftigen die Unternehmen mit einem hohen Informatisierungsgrad oder mit innovativen organisatorischen Praktiken vergleichsweise weniger Senioren. Insgesamt trifft dies sowohl auf die Qualifi ziertesten (Führungskräfte und mittleres Management) wie auch auf die am wenigsten Qualifi zierten (Arbeiter oder Angestellte) zu. Die kausale Beziehung zwischen Innovation und Beschäftigung der ältesten Arbeitnehmer lässt sich aufgrund ihrer Komplexität nur schwer aufzeigen. Die Analyse der Beschäftigungsströme zwischen 1998 und 2001 bestätigt jedoch, dass Innovationen die Qualifi kationen in stärkerem Maße obsolet machen. Die neuen Technologien, die bei der Rekrutierung wie auch beim Ausscheiden aus einem Unternehmen eine Rolle spielen, würden sich auf die Beschäftigung der Senioren negativ auswirken. Allerdings muss diese Feststellung nuanciert werden; denn bestimmte organisatorische Veränderungen wie die Dezentralisierung der Entscheidungsbefugnisse und die Öffnung hin zum internationalen Markt erfordern erfahrene Arbeitnehmer und begünstigen deshalb eher die Älteren als die Jüngeren.
Older Workers, New Technology and Organisational Change Further Evidence Using the Reponse Survey
Firms’ use of technological innovations (computers, internet) or organisational, change, or their expansion into the international market raise the question of how older workers (seniors) adapt: Are the fi rms involved in these changes more likely to evict older workers from their workforce? An analysis of the workforce in 1998 confi rms the hypothesis that these changes induce a bias unfavourable to older workers. In both manufacturing industry and services, the establishments that are more computerised or those that implement innovative workplace practices employ relatively fewer older workers. Roughly, this is true for both qualifi ed workers (managers and intermediary professions) and less qualifi ed workers (blue collars and employees). The causal link between innovation and the employment of older people is, because of its complexity, diffi cult to prove. However, the analysis of employment infl ows and outfl ows between 1998 and 2001 confi rms the idea that innovation worsens skill obsolescence. Affecting both hiring and fi ring, the increasing use of new technology seems to have a negative impact on the employment of older people. This observation needs to be nuanced: some organisational changes, such as the decentralisation of decision-making powers, and the increasingly international marketplace require experienced workers and seem therefore more favourable to older workers than to younger ones.
29 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2006
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Langue Français

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RETRAITES
Travailleurs âgés, nouvelles technologies et changements organisationnels Un réexamen à partir de l’enquêteReponse Sévane Ananian et Patrick Aubert*
L’adoption par les entreprises d’innovations technologiques (micro-ordinateur, internet), de changements organisationnels ou leur ouverture au marché international posent la question de l’adaptation des travailleurs âgés (seniors) : les entreprises concernées évin-cent-elles plus souvent ou non les seniors de leur main-d’œuvre ? L’analyse du stock d’emploi en 1998 confi rme l’hypothèse d’un biais de ces change-ments défavorable aux seniors. Dans l’industrie comme dans le tertiaire, les établis-sements plus informatisés ou aux pratiques organisationnelles innovantes emploient relativement moins de seniors. Cela se vérifi e dans l’ensemble aussi bien pour les plus qualifiés (cadres et professions intermédiaires) que pour les moins qualifi és (ouvriers et employés). Le lien causal entre innovation et emploi des plus âgés est, de par sa complexité, diffi cile à mettre en évidence. L’analyse des fl ux d’emplois entre 1998 et 2001 conforte cepen-dant l’idée que l’innovation aggrave l’obsolescence des qualifi cations. En jouant à la fois sur les embauches et les sorties d’emploi, la diffusion des nouvelles technologies aurait bien un impact négatif sur l’emploi des seniors. Ce constat doit être nuancé : certains changements organisationnels comme la décentra-lisation des pouvoirs de décision ainsi que l’ouverture à l’international faisant appel à des salariés expérimentés seraient de ce fait plus favorables aux plus âgés qu’aux plus jeunes.
* Au moment de la rédaction de cette article, Sévane Ananian était stagiaire et Patrick Aubert chargé d’études dans la Division Marchés et Stratégies d’Entreprise de l’Insee (e-mail : patrick.aubert@insee.fr). Ce travail s’inscrit dans le cadre du projet « Travailleurs âgés, nouvelles technologies et changements organisationnels » mené avec Ève Caroli et Muriel Roger (convention DARES-Cepremap). Les auteurs remercient la DARES pour son soutien financier. Ils remercient également pour leurs remarques et suggestions Thomas Amossé, Didier Blanchet, Sébastien Roux, Alexandre Vincent, les deux rapporteurs anonymes de la revue, ainsi que les participants aux séminaires de la divi-sion « Marchés et Stratégies d’Entreprise » et du Département des Études Économiques d’Ensemble, au séminaire Recherche de l’Insee, au séminaire Fourgeaud et au groupe de travail de la mission « Économie numérique » du Ministère de l’Économie et des fi nances.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 397, 2006
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Léocceprionupattrnamiopsnltadllaiavtrgéârseunutsesdtejusilosdempen-e semble des pays de l’OCDE. Parallèlement au phénomène de vieillissement de la popu-lation, dû à l’importance relative des cohortes d’âge issues des naissances d’après guerre, on assiste à un déclin du taux d’emploi des plus de 50 ans. Ce déclin a touché d’abord les 60-64 ans : dans l’Union européenne, ce taux est passé pour les hommes de cet âge de 60 % en 1974 à 36 % en 2005 (15 % en France). Il s’est étendu ensuite aux 55-59 ans dans la pre-mière moitié des années 1980. En France, le taux d’emploi masculin dans cette classe d’âge chute de 15 points entre le début et le milieu des années 1980, pour se stabiliser à 65 %. Ce double mouvement, âge moyen croissant de la population et chute du taux d’emploi des plus âgés, est au cœur du problème de fi nancement des retraites. En réponse à cette situation, les pays européens se sont fixé l’objectif, adopté au sommet euro-péen de Stockholm (2001), de faire remonter les taux d’emploi des travailleurs ayant entre 50 et 64 ans de 40 % à 50 % d’ici 2010. En France, la décision de repousser progressivement la durée de cotisation pour atteindre 41,75 annuités d’ici 2020 se situe dans cette perspective. Néanmoins une telle mesure ne pourra être effi cace que si elle est suivie effectivement par une remontée du taux d’emploi des plus âgés et, en particulier, s’il existe une demande de travail suffi sante de ces travailleurs par les entreprises. Une demande plus faible de travailleurs âgés ? Les études ont pendant longtemps insisté sur l’insuffisance de l’offre de travail de la part des seniors (1). Dans le cas français, la mise en place de nombreux dispositifs de cessation anticipée d’activité (préretraites) a également contribué à diminuer l’offre de travail dès 55 ans. En revan-che, les analyses consacrées à la demande sont plus rares et plus récentes. Pourtant une faible demande de la part des entreprises pourrait également expliquer, au moins en partie, le fai-ble taux d’emploi des travailleurs âgés. C’est d’autant plus vrai que plusieurs évolutions récentes ont pu modifier le comportement d’em-ploi des entreprises dans un sens qui leur serait défavorable : diffusion massive des nouvelles technologies (informatisation et développement d’internet) ; restructurations internes dans les firmes (avec l’adoption de dispositifs d’organi-sation du travail « innovants ») ; mondialisation
des échanges (impliquant une pression concur-rentielle accrue sur les entreprises) (2). De nombreuses études empiriques soulignent l’ampleur de ces évolutions et leur biais en faveur du travail qualifié. Dans un contexte de concurrence accrue par la mondialisation des échanges, les entreprises des pays développés ont augmenté leur utilisation de technologies innovantes, au premier rang desquelles l’informatique et les technologies de réseaux (notamment internet). Afi n d’accom-pagner ces changements, de nombreux dispo-sitifs d’organisation du travail qualifi és d’« in-novants » ont également été mis en place. Ces dispositifs incluent par exemple l’organisation en centres de profits, l’analyse de la valeur, les démarches qualité totale, le juste à temps pro-ducteur ou fournisseur. En France, leur dévelop-pement a en outre été facilité par les négociations visant à intégrer la législation sur la réduction du temps de travail (Askenazy, 2002). La plu-part des études empiriques mettent en évidence une complémentarité entre le capital humain et les technologies ou les dispositifs organisation-nels innovants. Le développement de ces der-nières s’est donc accompagné d’une diminution de la demande de travail non qualifi é, aussi bien dans le cas des changements technologiques (voir Chennells et Van Reenen (2002) pour une revue de la littérature) qu’organisationnels (voir par exemple Caroli et Van Reenen (2001) dans les cas français et britanniques).(1) (2) Parallèlement, l’ouverture croissante des fi rmes à l’international s’est également traduite par une moindre demande de travail non qualifi é. Cette modification de la demande va au-delà de la spé-cialisation des pays du Nord dans les secteurs intensifs en travail qualifié, prévue par la théorie traditionnelle du commerce international (modèle « Hecksher, Ohlin et Samuelson »). L’ouverture à l’international semble en effet modifi er la struc-ture par qualification de l’emploi au sein même des entreprises. Dans les entreprises françaises, l’activité d’exporter s’accompagne ainsi d’un renforcement significatif du niveau des qualifica-tions des emplois dans les services de gestion et de développement commercial (Maurin, Thesmar et Thoenig, 2003). 1. En particulier, les effets incitatifs au départ à la retraite induits par les systèmes de retraite ont été largement étudiés (Gruber et Wise, 2004). 2. Ces évolutions ne représentent bien sûr qu’une partie des déterminants de la demande de travailleurs âgés. Pour une pré-sentation plus complète de ces déterminants, voir Aubert (2003 et 2004), Behaghel (2004), Aubert, Caroli, Roger (2006b).
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