Une représentation de la Bhik?â?anamûrti de Çiva à Angkor Vat - article ; n°1 ; vol.11, pg 131-137
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Description

Arts asiatiques - Année 1965 - Volume 11 - Numéro 1 - Pages 131-137
7 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1965
Nombre de lectures 10
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Madeleine Giteau
Une représentation de la Bhikâanamûrti de Çiva à Angkor Vat
In: Arts asiatiques. Tome 11 fascicule 1, 1965. pp. 131-137.
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Giteau Madeleine. Une représentation de la Bhikâanamûrti de Çiva à Angkor Vat. In: Arts asiatiques. Tome 11 fascicule 1,
1965. pp. 131-137.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arasi_0004-3958_1965_num_11_1_919UNE REPRÉSENTATION
DE LA BfflKSÂTANAMÛRTI DE ÇIVA
A ANGKOR VAT
conservateur par Madeleine du Musée national, GITE Phnom AU Penh.
Contrairement à d'autres légendes répétées à satiété sur les murs des temples
et rappelées souvent dans les textes des inscriptions, la Bhiksâtanamûrti de Çiva
ne semble pas avoir joui d'une grande faveur au Cambodge. Après la lecture d'un récent
article de M. Filliozat sur « les images d'un jeu de Çiva à Khajurâho » (1), nous avons
pensé que ce mythe était peut-être représenté sur un des bas-reliefs du pavillon d'angle
Sud-Ouest d'Angkor Vat. Moura (2) et, après lui, Aymonier (3) avaient cru reconnaître
dans cette scène Râvana se changeant en caméléon pour s'introduire dans le Palais
d'Indra et y séduire les femmes du gynécée. M. Cœdès, dans son étude sur les bas-
reliefs d'Angkor Vat (4), mettait en doute cette identification. Nous exposerons plus
loin ce qui nous incite à penser que ce bas relief représente plutôt la Bhiksâtanamûrti.
Nous nous contenterons ici de rappeler brièvement la légende, renvoyant le
lecteur à l'exposé de M. Filliozat sur les Bhiksâtanamûrti et leurs différentes versions
à travers les textes sanskrits et tamouls.
Des ascètes vivaient avec leurs épouses dans la foret de Devadâruvana. Là, ils
se livraient à de dures pénitences, sûrs de leur valeur morale et de leur engagement
dans la voie du Dharma. Or, soit qu'il passât par là pour aller à Vârânasï se purifier
du crime commis en tranchant la cinquième tête de Brahmâ, soit qu'il voulût prouver
que malgré les mérites de leurs lapas, les ascètes étaient loin de s'être dépouillés de
toutes passions, Çiva arriva dans la forêt de Devadâruvana. Il avait pris l'aspect
d'un jeune et bel ascète nu. En le voyant, les femmes des ascètes s'enflammèr
ent d'amour pour lui et, perdant toute retenue, se précipitèrent vers lui. A ce spec
tacle, les ascètes, dans leur fureur, maudirent le dieu. Ce n'est que lorsque Çiva eut
(1) J. Filliozat, Les images d'un jeu de Çiva à Khajurûho, Ariibus Asiae.
(2) Moura, Le Royaume du Cambodge, Paris 188.3, T. II, p. 315.
(3) Aymonier, Le Cambodge, Paris 1903, t. III ; p. 246.
(4) Cœdès, Les bas-reliefs d'Angkor Vat, Bulletin de la Commission archéologique de V Indo-Chine, 1911,
p. 33. 132 MADELEINE GITEAU
disparu qu'ils comprirent combien les pénitences sont insuffisantes pour celui qui n'a
pas renoncé à toutes les passions.
La scène qui, pensons-nous, pourrait représenter la Bhiksâtanamûrti de Çiva a été
figurée sur l'un des murs du pavillon d'angle Sud-Ouest de la troisième enceinte
d'Angkor Vat, au-dessus et à côté d'une fenêtre. Le tableau est composé de trois
parties : en haut la scène principale, Çiva au milieu des femmes des ascètes ; plus bas,
formant une sorte de frise, les ascètes dans la forêt ; enfin, au-dessous, à côté de la
fenêtre, des groupes de femmes disposées sur trois registres.
Çiva se tient debout sous un portique décoré de deux oriflammes et surmonté
d'une sorte de caméléon. L'artiste a tenu à le représenter comme un jeune et bel
ascète, mais il l'a vêtu, car la représentation du nu est absolument prohibée de l'art
khmer. Sa coiffure est du même type que celles de certains ascètes des piliers d'Angkor
Vat. Le chignon et toute la coiffure sont ornés de perlage et de motifs orfévris. D'ailleurs
le dieu porte une parure complète avec pectoral, boutons de lotus aux oreilles, bras
sards, bracelets et anneaux de chevilles. Son costume est un pagne très court comme
en portent les ascètes, mais enrichi d'une fine ceinture. Il est figuré avec deux bras,
égrenant un rosaire de la main droite et esquissant, semble-t-il, les gestes du don de
l'autre main. En haut, de chaque côté du dieu volent des nuées d'apsaras. Çiva
s'avance vers la gauche, sans regarder les femmes qui s'élancent vers lui ; le visage
souriant, le regard vague, il semble poursuivre sa méditation.
Les femmes montent vers Çiva en deux files. Celles qui l'approchent tendent
leurs bras vers lui, cherchent à le toucher, lui ou ses vêtements. Celles qui sont plus
loin se hâtent à grands pas. Elles s'agitent et, presque toutes tirent sur un pan de
leur vêtement. Plus bas d'autres femmes s'entraînent, s'enlacent ; l'une d'elles pare
sa chevelure en se regardant dans un miroir. Sur les trois registres sculptés à côté
de la fenêtre, d'autres femmes s'intéressent à la scène, mais avec moins de passion.
Au registre supérieur elles se montrent mutuellement ce qui se passe, mais aux deux
registres inférieurs, elles se contentent de converser avec un peu d'animation.
Dans cette histoire, les ascètes n'ont pas le beau rôle. On les a représentés de
petite taille, dans une sorte de frise. A gauche, au milieu des arbres, trois ascètes
s'agitent, s'affairent à grandes enjambées, regardant intensément la scène qui se
déroule au-dessus d'eux, et, pour mieux voir, rejettent la tête en arrière ; manifeste
ment ils expriment leur mécontentement. Les autres ascètes sont sculptés sur une
surface lisse limitée par un trait redenté, peut-être une représentation de grottes.
Au milieu, seul, indifférent à tout, un ascète décharné semble lire. A côté, dans une
« grotte » on a figuré cinq ascètes : deux semblent jouer aux échecs, deux autres
discutent en se montrant du doigt la scène, quant au troisième il vient frapper l'épaule
d'un des joueurs, peut-être pour l'avertir charitablement du manque de retenue de
son épouse. A l'extrémité droite, deux femmes se tiennent enlacées, à grands pas,
des ascètes s'avancent vers elles ; parlant entre eux avec véhémence, le bras tendu,
pointant un doigt vers elles. UNE REPRÉSENTATION DE ÇIVA A ANGKOR VAT 133
Bien que traité dans un esprit très différent de celui des images de l'Inde, et
malgré quelques anomalies, le mythe de la Bhiksûtanamûrti de Çiva nous semble ici
assez reconnaissable. Ce bel ascète qui s'avance, point de mire de toutes les femmes,
paraît bien être Çiva. Comme presque toujours dans l'iconographie khmère, il n'a
que deux bras. Les textes cités par M. Filliozat ne signalent pas le rosaire comme
attribut de Çiva dans cette légende, mais ils énumèrent des attributs variés et, au
Cambodge, on place toujours un rosaire dans la main de Çiva en ascète.
Pourquoi le portique sous lequel se tient Çiva est-il surmonté d'un crocodile ?
c'est ce crocodile qui avait motivé sans doute l'identification de Moura. Sur un bas
de pilastre de Beng Méaléa, un personnage est debout entre deux femmes sous un por
tique surmonté d'un crocodile. Or aucun des textes indiens actuellement dépouillé
ne mentionne l'intervention d'un crocodile ou d'un autre saurien. Dans l'art khmer,
il existe plusieurs représentations de crocodiles au-dessus d'une divinité ; la plus connue
est celle du sanctuaire central du Prasat Kravan ; mais aucune n'a pu être expliquée
jusqu'à présent. Peut-être faut-il attribuer à une tradition locale l'intervention de
cet animal. Le crocodile joue un rôle important dans les légendes khmères; il peut
avoir été introduit dans la version locale d'un mythe indien ; ainsi la légende de Krong
Balî, adaptation cambodgienne de la conquête du monde en trois pas, fait intervenir
un crocodile.
L'attitude des femmes est bien conforme aux descriptions des Purâna. Certes
elle est loin d'être provocante comme à Khajurâho, l'art khmer commande des
attitudes plus réservées, mais ces gestes discrets illustrent les récits

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