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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 13 |
EAN13 | 9782824710396 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
U N E D OU BLE F AMI LLE
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
U N E D OU BLE F AMI LLE
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1039-6
BI BEBO OK
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A MAD AME LA COMT ESSE LOU ISE DE T Ü RH EIM
Comme une mar que du souv enir et de l’affe ctueux r esp e ct de
son humble ser viteur ,
DE BALZA C.
T our niquet-Saint-Je an, naguèr e une des r ues les plus
tortueuses et les plus obscur es du vieux quartier qui entour eL l’Hôtel-de- Ville , ser p entait le long des p etits jardins de la
Préfe ctur e de Paris et v enait ab outir dans la r ue du Martr oi, pré cisément
à l’angle d’un vieux mur maintenant abau. En cet endr oit se v o yait le
tour niquet auquel cee r ue a dû son nom, et qui ne fut détr uit qu’ en 1823,
lor sque la ville de Paris fit constr uir e , sur l’ emplacement d’un jardinet
dép endant de l’Hôtel-de- Ville , une salle de bal p our la fête donné e au duc
d’ Ang oulême à son r etour d’Esp agne . La p artie la plus lar g e de la r ue du
T our niquet était à son déb ouché dans la r ue de la Tix eranderie , où elle
n’avait que cinq pie ds de lar g eur . A ussi, p ar les temps pluvieux, des e aux
noirâtr es baignaient-elles pr omptement le pie d des vieilles maisons qui
b ordaient cee r ue , en entraînant les ordur es dép osé es p ar chaque
ménag e au coin des b or nes. Les tomb er e aux ne p ouvant p oint p asser p ar-là ,
1Une double famille Chapitr e
les habitants comptaient sur les orag es p our neo y er leur r ue toujour s
b oueuse , et comment aurait-elle été pr opr e ? lor squ’ en été le soleil
dardait en aplomb ses ray ons sur Paris, une napp e d’ or , aussi tranchante que
la lame d’un sabr e , illuminait momentanément les ténèbr es de cee r ue
sans p ouv oir sé cher l’humidité p er manente qui régnait depuis le r
ez-dechaussé e jusqu’au pr emier étag e de ces maisons noir es et silencieuses.
Les habitants, qui au mois de juin allumaient leur s lamp es à cinq heur es
du soir , ne les éteignaient jamais en hiv er . Encor e aujourd’hui, si quelque
courag eux piéton v eut aller du Marais sur les quais, en pr enant, au b out de
la r ue du Chaume , les r ues de l’Homme- Ar mé , des Billees et des D
euxPortes qui mènent à celle du T our niquet-Saint-Je an, il cr oira n’av oir
marché que sous des cav es. Pr esque toutes les r ues de l’ancien Paris, dont les
chr oniques ont tant vanté la splendeur , r essemblaient à ce dé dale humide
et sombr e où les antiquair es p euv ent encor e admir er quelques
singularités historiques. Ainsi, quand la maison qui o ccup ait le coin for mé p ar
les r ues du T our niquet et de la Tix eranderie subsistait, les obser vateur s
y r emar quaient les v estig es de deux gr os anne aux de fer scellés dans le
mur , un r este de ces chaînes que le quartenier faisait jadis tendr e tous
les soir s p our la sûr eté publique . Cee maison, r emar quable p ar son
antiquité , avait été bâtie av e c des pré cautions qui aestaient l’insalubrité de
ces anciens logis, car p our assainir le r ez-de-chaussé e , on avait éle vé les
b er ce aux de la cav e à deux pie ds envir on au-dessus du sol, ce qui oblig e ait
à monter tr ois mar ches p our entr er dans la maison. Le chambranle de la
p orte bâtarde dé crivait un cintr e plein, dont la clef était or né e d’une tête
de femme et d’arab esques r ong és p ar le temps. T r ois fenêtr es, dont les
appuis se tr ouvaient à hauteur d’homme , app artenaient à un p etit app
artement situé dans la p artie de ce r ez-de-chaussé e qui donnait sur la r ue du
T our niquet d’ où il tirait son jour . Ces cr oisé es dégradé es étaient
défendues p ar de gr os bar r e aux en fer très-esp acés et finissant p ar une saillie
r onde semblable à celle qui ter mine les grilles des b oulang er s. Si p endant
la jour né e quelque p assant curieux jetait les y eux sur les deux chambr es
dont se comp osait cet app artement, il lui était imp ossible d’y rien v oir , car
p our dé couv rir dans la se conde chambr e deux lits en ser g e v erte réunis
sous la b oiserie d’une vieille alcô v e , il fallait le soleil du mois de juillet ;
mais le soir , v er s les tr ois heur es, une fois la chandelle allumé e , on p ouvait
2Une double famille Chapitr e
ap er ce v oir , à trav er s la fenêtr e de la pr emièr e piè ce , une vieille femme
assise sur une escab elle au coin d’une cheminé e où elle aisait un ré chaud
sur le quel mijotait un de ces rag oûts semblables à ceux que sav ent fair e les
p ortièr es. elques rar es ustensiles de cuisine ou de ménag e accr o chés
au fond de cee salle se dessinaient dans le clair-obscur . A cee heur e ,
une vieille table , p osé e sur une X, mais dénué e de ling e , était g ar nie de
quelques couv erts d’étain et du plat cuisiné p ar la vieille . T r ois mé chantes
chaises meublaient cee piè ce , qui ser vait à la fois de cuisine et de salle à
mang er . A u-dessus de la cheminé e s’éle vaient un fragment de mir oir , un
briquet, tr ois v er r es, des allumees et un grand p ot blanc tout ébré ché .
Le car r e au de la chambr e , les ustensiles, la cheminé e , tout plaisait né
anmoins p ar l’ esprit d’ ordr e et d’é conomie que r espirait cet asile sombr e et
fr oid. Le visag e pâle et ridé de la vieille femme était en har monie av e c
l’ obscurité de la r ue et la r ouille de la maison. A la v oir au r ep os, sur sa
chaise , on eût dit qu’ elle tenait à cee maison comme un colimaçon tient
à sa co quille br une ; sa figur e , où je ne sais quelle vague e xpr ession de
malice p er çait à trav ers une b onhomie affe cté e , était cour onné e p ar un
b onnet de tulle r ond et plat qui cachait assez mal des che v eux blancs ; ses
grands y eux gris étaient aussi calmes que la r ue , et les rides nombr euses
de son visag e p ouvaient se comp ar er aux cr e vasses des mur s. Soit qu’ elle
fût né e dans la misèr e , soit qu’ elle fût dé chue d’une splendeur p assé e ,
elle p araissait résigné e depuis long-temps à sa triste e xistence . D epuis le
le v er du soleil jusqu’au soir , e x cepté les moments où elle prép arait les r
ep as et ceux où char g é e d’un p anier elle s’absentait p our aller cher cher les
pr o visions, cee vieille femme demeurait dans l’autr e chambr e de vant la
der nièr e cr oisé e , en face d’une jeune fille . A toute heur e du jour les p
assants ap er ce vaient cee jeune ouv rièr e , assise dans un vieux fauteuil de
v elour s r oug e , le cou p enché sur un métier à br o der , travaillant av e c
ardeur . Sa mèr e avait un tamb our v ert sur les g enoux et s’ o ccup ait à fair e
du tulle ; mais ses doigts r emuaient p éniblement les b obines ; sa v ue était
affaiblie , car son nez se x ag énair e p ortait une p air e de ces antiques
lunees qui tiennent sur le b out des narines p ar la for ce av e c laquelle elles
les compriment. and v enait le soir , ces deux lab orieuses cré atur es
plaçaient entr e elles une lamp e dont la lumièr e , p assant à trav er s deux glob es
de v er r e r emplis d’ e au, jetait sur leur ouv rag e une forte lueur qui p er
met3Une double famille Chapitr e
tait à l’une de v oir les fils les plus déliés four nis p ar les b obines de son
tamb our , et à l’autr e les dessins les plus délicats tracés sur l’étoffe qu’ elle
br o dait. La courbur e des