Une fille d’Ève
114 pages
Français

Une fille d’Ève

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Description

1838. La Comédie humaine - Études de moeurs. Premier livre, Scènes de la vie privée - Tome II. Deuxième volume de l'édition Furne 1842 Dans sa confortable maison parisienne, la jeune Marie-Angélique de Vandenesse, mariée au comte Félix de Vandenesse, s'ennuie déjà. Elle rencontre Nathan, un jeune écrivain. Celui-ci pour être digne de sa brillante conquête, se lance dans des projets politico-littéraires. Mais ses affaires tournent mal, et pour le sauver, l'imprudente Marie-Angélique souscrit des lettres de change... Extrait : Les deux Marie n’allèrent au bal qu’à l’âge de seize ans, et quatre fois seulement par année, dans quelques maisons choisies. Elles ne quittaient les côtés de leur mère que munies d’instructions sur la conduite à suivre avec leurs danseurs, et si sévères qu’elles ne pouvaient répondre que oui ou non à leurs partenaires. L’œil de la comtesse n’abandonnait point ses filles et semblait deviner les paroles au seul mouvement des lèvres. Les pauvres petites avaient des toilettes de bal irréprochables, des robes de mousseline montant jusqu’au menton, avec une infinité de ruches excessivement fournies, et des manches longues. En tenant leurs grâce comprimées et leurs beautés voilées, cette toilette leur donnait une vague ressemblance avec les gaînes égyptiennes 

Informations

Publié par
Nombre de lectures 30
EAN13 9782824710402
Langue Français

Extrait

HONORÉ DE BALZA C
U N E F I LLE D’ÈV E
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
U N E F I LLE D’ÈV E
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1040-2
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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signifie que v ous p ouv ez lég alement la copier , la r e
distribuer , l’ env o y er à v os amis. V ous êtes d’ailleur s
encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.A MAD AME LA COMT ESSE BOLO GN IGN I,
N ÉE V IMERCA T I.
     souv enez, Madame , du plaisir que v otr e conv er sation
pr o curait à un v o yag eur en lui rapp elant Paris à Milan, v ous neS v ous étonner ez p as de le v oir v ous témoignant sa r e connaissance
p our tant de b onnes soiré es p assé es auprès de v ous, en app ortant une de
ses œuv r es à v os pie ds, et v ous priant de la pr otég er de v otr e nom, comme
autr efois ce nom pr otég e a plusieur s contes d’un de v os vieux auteur s, cher
aux Milanais. V ous av ez une Eug énie déjà b elle , dont le spirituel sourir e
annonce qu’ elle tiendra de v ous les dons les plus pré cieux de la femme ,
et qui, certes, aura dans son enfance tous les b onheur s qu’une triste mèr e
r efusait à l’Eug énie mise en scène dans cee œuv r e . V ous v o y ez que si
les français sont tax és de légèr eté , d’ oubli, je suis italien p ar la constance
et p ar le souv enir . En é crivant le nom d’Eug énie , ma p ensé e m’a souv ent
r ep orté dans ce frais salon en stuc et dans ce p etit jardin, au Vicolo dei
Capuccini, témoin des rir es de cee chèr e enfant, de nos quer elles, de nos
ré cits. V ous av ez quié le Cor so p our les T r e Monasteri, je ne sais p oint
comment v ous y êtes, et suis oblig é de v ous v oir , non plus au milieu des
1Une fille d’Èv e Chapitr e
jolies choses qui sans doute v ous y entour ent, mais comme une de ces
b elles figur es dues à Carlo D olci, Raphaël, Titien, Allori, et qui semblent
abstraites, tant elles sont loin de nous.
Si ce liv r e p eut sauter p ar-dessus les Alp es, il v ous pr ouv era donc la
viv e r e connaissance et l’amitié r esp e ctueuse
D e v otr e humble ser viteur ,
DE BALZA C.
n
2U N E F I LLE D’ÈV E
   plus b e aux hôtels de la r ue Neuv e-des-Mathurins, à
onze heur es et demie du soir , deux femmes étaient assises de-D vant la cheminé e d’un b oudoir tendu de ce v elour s bleu à r eflets
tendr es et chato yants que l’industrie française n’a su fabriquer que dans
ces der nièr es anné es. A ux p ortes, aux cr oisé es, un artiste avait drap é de
mo elleux ride aux en cachemir e d’un bleu p ar eil à celui de la tentur e . Une
lamp e d’ar g ent or né e de tur quoises et susp endue p ar tr ois chaînes d’un
b e au travail, descend d’une jolie r osace placé e au milieu du plafond. Le
sy stème de la dé coration est p our suivi dans les plus p etits détails et jusque
dans ce plafond en soie bleue , étoilé de cachemir e blanc dont les longues
bandes plissé es r etomb ent à d’ég ales distances sur la tentur e , agrafé es p ar
des fé es de p erles. Les pie ds r encontr ent le chaud tissu d’un tapis b elg e ,
ép ais comme un g azon et à fond gris de lin semé de b ouquets bleus.
Le mobilier , sculpté en plein b ois de p alissandr e sur les plus b e aux
mo dèles du vieux temps, r ehausse p ar ses tons riches la fadeur de cet
ensemble , un p eu tr op flou dirait un p eintr e . Le dos des chaises et des
fauteuils offr e à l’ œil des p ag es menues en b elle étoffe de soie blanche ,
br o ché e de fleur s bleues et lar g ement encadré es p ar des feuillag es
finement dé coup és.
3Une fille d’Èv e Chapitr e
D e chaque côté de la cr oisé e , deux étagèr es montr ent leur s mille bag
atelles pré cieuses, les fleur s des arts mé caniques é closes au feu de la p
ensé e . Sur la cheminé e en tur quin, les p or celaines les plus folles du vieux
Sax e , ces b er g er s qui v ont à des no ces éter nelles en tenant de délicats
b ouquets à la main, espè ces de chinoiseries allemandes, entour ent une
p endule en platine , niellé e d’arab esques. A u-dessus, brillent les tailles
côtelé es d’une glace de V enise encadré e d’un ébène plein de figur es en r elief,
et v enue de quelque vieille résidence r o yale . D eux jardinièr es étalaient
alor s le lux e malade des ser r es, de pâles et divines fleur s, les p erles de la
b otaniques.
D ans ce b oudoir fr oid, rang é , pr opr e comme s’il eût été à v endr e , v ous
n’ eussiez p as tr ouvé ce malin et capricieux désordr e qui ré vèle le b onheur .
Là , tout était alor s en har monie , car les deux femmes y pleuraient. T out
y p araissait souffrant.
Le nom du pr opriétair e , Ferdinand du Tillet, un des plus riches
banquier s de Paris, justifie le lux e effréné qui or ne l’hôtel, et auquel ce b
oudoir p eut ser vir de pr ogramme . oique sans famille , quoique p ar v enu,
Dieu sait comment  ! du Tillet avait ép ousé en 1831 la der nièr e fille du
comte de Granville , l’un des plus célèbr es noms de la magistratur e
française , et de v enu p air de France après la ré v olution de juillet. Ce mariag e
d’ambition fut acheté . p ar la quiance au contrat d’une dot non touché e ,
aussi considérable que celle de la sœur aîné e marié e au comte Félix de
V andenesse . D e leur côté , les Granville avaient jadis obtenu cee alliance
av e c les V andenesse p ar l’énor mité de la dot. Ainsi, la Banque avait rép aré
la brè che faite à la Magistratur e p ar la Noblesse . Si le comte de V andenesse
s’était pu v oir , à tr ois ans de distance , b e au-frèr e d’un sieur Ferdinand
dit du Tillet, il n’ eût p eut-êtr e p as ép ousé sa femme  ; mais quel homme
aurait, v er s la fin de 1828, pré v u les étrang es b oule v er sements que 1830
de vait app orter dans l’état p olitique , dans les fortunes et dans la morale
de la France  ? Il eût p assé p our fou, celui qui aurait dit au comte Félix de
V andenesse que , dans ce chassez-cr oisez, il p erdrait sa cour onne de p air
et qu’ elle se r etr ouv erait sur la tête de son b e au-pèr e .
Ramassé e sur une de ces chaises basses app elé es chauffeuses , dans la
p ose d’une femme aentiv e , madame du Tillet pr essait sur sa p oitrine
av e c une tendr esse mater nelle et baisait p arfois la main de sa sœur ,
ma4Une fille d’Èv e Chapitr e
dame Félix de V andenesse . D ans le monde , on joignait au nom de famille
le nom de baptême , p our distinguer la comtesse de sa b elle-sœur , la
marquise , femme de l’ancien ambassadeur Charles de V andenesse , qui avait
ép ousé la riche v euv e du comte de K er g ar ouët, une demoiselle de
Fontaine . A demi r env er sé e sur une causeuse , un mouchoir dans l’autr e main,
la r espiration embar rassé e p ar des sanglots réprimés, les y eux mouillés,
la comtesse v enait de fair e de ces confidences qui ne se font que de sœur à
sœur , quand deux sœur s s’aiment  ; et ces deux sœur s s’aimaient tendr
ement. Nous viv ons dans un temps où deux sœur s si bizar r ement marié es
p euv ent si bien ne p as s’aimer qu’un historien est tenu de rapp orter les
causes de cee tendr esse , conser vé e sans accr o cs ni taches au milieu des
dé dains de leur s maris l’un p our l’autr e et des désunions so ciales. Un
rapide ap er çu de leur enfance e xpliquera leur situation r esp e ctiv e .
Éle vé es dans un sombr e hôtel du Marais p ar une femme dé v ote et
d’une intellig ence étr oite qui pénétrée de ses devoirs, la phrase classique ,

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