De Nagasaki à Moscou par la Sibérie - article ; n°40 ; vol.8, pg 330-349
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Description

Annales de Géographie - Année 1899 - Volume 8 - Numéro 40 - Pages 330-349
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1899
Nombre de lectures 87
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Sylvain Lévi
De Nagasaki à Moscou par la Sibérie
In: Annales de Géographie. 1899, t. 8, n°40. pp. 330-349.
Citer ce document / Cite this document :
Lévi Sylvain. De Nagasaki à Moscou par la Sibérie. In: Annales de Géographie. 1899, t. 8, n°40. pp. 330-349.
doi : 10.3406/geo.1899.6122
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1899_num_8_40_6122GÉOGRAPHIE RÉGIONALE. 330
DE NAGASAKI A MOSCOU
PAR LA SIBÉRIE
Du Japon en Sibérie, la route ordinaire est par Nagasaki. Hakodate,
dans l'île de Yezo, offre l'avantage d'une traversée bien plus courte ;
mais de Tokio, de Kioto, d'Osaka, de Nagoïa, il faut d'abord pour
atteindre Hakodate traverser en chemin de fer le Japon dans sa plus
grande longueur, du midi au nord, sur une ligne encore assez précaire,
où les interruptions de service sont à redouter ; puis d'Avomori fran
chir en steamer le détroit de Tsougarou : au total près de deux jours,
à supposer toutes les chances favorables. En outre Hakodate n'est
relié à Vladivostok que par un seul service régulier, à départ mens
uel. Le port de Niigata, sur la côte occidentale du Nippon, est désigné
comme le point d'attache futur de la grande ligne Moscou-Tokio ;
mais les établissements nécessaires restent à faire. Nagasaki, au
débouché de la mer Intérieure, en relation constante avec les ports
de Chine et de Corée, a deux services réguliers sur Vladivostok, l'un
japonais, l'autre russe. La Nippon Yusen Kaicha, la grande com
pagnie maritime subventionnée par l'État, qui dispose aujourd'hui
d'une flotte considérable et qui entre résolument en concurrence avec
les malles d'Europe et d'Amérique, envoie deux bateaux par mois de
Nagasaki à Vladivostok, en correspondance directe avec Kobe et
Changhaï ;les vapeurs de la Flotte volontaire russe, expédiés une fois
par mois d'Odessa à Vladivostok, font escale à Nagasaki. Enfin, outre
des transports réguliers, les bateaux marchands prennent aussi des
voyageurs à l'occasion. La puissante maison Kunst et Albers expédie
ses marchandises de Hambourg à ses succursales de Sibérie sous son
propre pavillon : trois jours avant mon arrivée, un steamer allemand
avait quitté Nagasaki pour Vladivostok ; un autre allemand,
qui faisait la même route, était attendu sous peu de jours. Le trafic
est pourtant si actif que tant de ressources suffisent à peine. Dès mon
arrivée j'allai retenir ma place au bureau de la Nippon Yusen Kaicha ;
le bateau ne partait que le surlendemain; il ne restait plus déjà qu'une
seule couchette. Le transport des ouvriers chinois, que réclament les
grands travaux de Sibérie, assure d'avance à chaque bateau sa cargaison
humaine ; le mouvement d'échanges, déjà considérable entre la Russie
ďAsie, la Chine et le Japon, amène une clientèle plus riche de mar
chands indigènes ou européens; enfin l'expansion russe dans l'Extrême DE NAGASAKI A MOSCOU. 331
Orient se traduit aussi par un déplacement 'considérable de fonction
naires civils ou militaires. Sur le bateau où je m'embarquai, j'avais
pour compagnons, outre deux notables Japonais, un groupe russe :
un médecin et un instructeur de service en Corée, un mécanicien de la
flotte, avec sa famille, un commissaire de marine, un agent d'affaires
sibérien avec sa femme et son fils, un touriste ; et les inévitables An
glais : un révérend de Fou-tcheou, une vieille demoiselle, une famille
britannique du Japon. La prépondérance de l'élément russe n'est point
un accident de hasard ; sur la grande route de Marseille à Yokohama,
où le pavillon britannique marque chacune des escales, Nagasaki rompt
la série; on y sent l'entrée en jeu d'un nouvel et sérieux compétiteur.
L'anglais est encore le fond du « sabir » local, mais aux devantures et
sur les réclames le caractère russe tient déjà une large place ; les do
mestiques indigènes jargonnent le russe ; le village d'Inasa, situé en
face de Nagasaki, est une petite colonie russe : là s'établissent les
familles des marins embarqués sur la flotte du Pacifique et les malades
trop rudement éprouvés par les grands froids de l'Asie septentrionale.
Nagasaki, du reste, fait un digne pendant à la Côte d'Azur : une guir
lande de hautes collines verdoyantes, aux lignes fantaisistes, aux flancs
abrupts, l'abrite sans l'écraser; du fond de la rade paisible, la haute
mer s'entrevoit parmi le chapelet des roches pittoresques égrenées au
large ; l'eau profonde permet aux plus gros cuirassés d'y chercher
asile : les vaisseaux du prince Henri, Gefion et Deutschland, viennent
d'arriver; en face d'eux le Victorious berce doucement sa masse colos
sale ; le pavillon russe flotte sur Y Amiral- Kornilov , accompagné d'une
canonnière, minuscule entre ces géants ; le Marco-Polo porte les cou
leurs italiennes. L'orgueil du Japon n'a pas à souffrir de tout ce dé
ploiement ; une petite escadre est rassemblée là ; elle comprend un
bateau de 12 000 tonneaux. Mais le divin sourire du Japon court sur
cette pompe formidable de guerre ; le mouvement des barques sur les
flots dorés, les voiles blanches sur l'horizon bleu, les anses ombreuses,
les appels joyeux de voix, le poudroiement lumineux du port évoquent
une fête à la Watteau dans un paysage de Claude Lorrain. Le canon
tonne sans cesse : saluts à la terre, aux forts, aux amiraux, aux con
suls, mais comme la pétarade d'une réjouissance publique. La ville
des marins est l'inévitable ramassis de bazars et de bouis-bouis ; on y
vend la pacotille de coquillages, de chromos criards, de broderies t
apageuses, de faux ivoires, de parasols et d'écrans qui s'en iront figurer
Fart japonais aux quatre coins du monde. Les cabaretiers pratiques
flattent concurremment tousles chauvinismes. Une enseigne portait :
B.estaurant Français, on lit aujourd'hui : Deutsches Gasthauszum Preus-
sischen Adler . Les marins du Deutschland seront contents, et l'industriel
n'a eu qu'à retourner sa plaque.
Le 25 juillet 1898, à cinq heures après-midi, le Sagami-maru lève 332 GÉOGRAPHIE RÉGIONALE.
l'ancre, et nous voguons vers la Corée dans un dédale d'îlots enchanteurs
où, ceinturés de verdure, les villages étalent leurs maisonnettes de bois
sur des plages dorées que la lame caresse. L'installation du Sagami-
maru n'est point à l'éloge des paquebots japonais. Les cabines sont
étroites, mal entretenues ; l'eau est rare et répugnante; les bains
écœurants ; le personnel insuffisant, mal dressé, méprisant ; la cui
sine, de style anglo-américain, donne la nausée. Le 26, à sept heures
du matin, les côtes de Corée dessinent sous un ciel lourd et bas leur
ligne montagneuse ; nous croisons un beau cuirassé japonais. A neuf
heures Fou-san est en vue. Le contraste est saisissant. Adieu les
paysages aimables; adieu la grâce, le sourire, le charme, la fantaisie.
Sur le littoral inhospitalier, âpre, aride, désert, l'anse de Fou-san ouvre
l'unique refuge ; un grand cône rocheux, dénudé, la couvre et ne laisse
de part et d'autre qu'une passe étroite, oblique. Le pavillon flotte sur
le consulat, au sommet d'un petit mamelon qui domine la concession
japonaise, serrée entre la mer et la montagne. Une canonnière japo
naise est à l'ancre dans le port morne ; des barques chargent ou
déchargent des cargaisons de grains. Un air d'ennui pèse sur la petite
ville; les émigrés y ont une apparence d'exilés. L'activité y manque,
et jusqu'à la propreté ; pas même un Kourouma (pousse-pousse) qui
donne l'illusion du pays natal. Le quartier coréen, plus bruyant, est
d'une saleté répugnante ; grands, élancés, vêtus d'une tunique ou blouse uniformément blanche, et qui toujours réclame un
nettoyage, les Coréens, avec leur moustache raide au coin des lèvres
et la barbiche de bouc au menton, évoquent comme une caricature
le type familier des portraits de Richelieu. Plus encore que le cos
tume blanc, la coiffure fait leur originalité; les cheveux, longs, tor
dus au sommet de la tête, y sont dressés comme un piquet; un
chapeau bizarre, en fils de soie, à mailles larges, protège la coiffure
comme une cloche à fromage. Les bords en sont larges et plats, le
haut figure un cône tronqué. Les gros personnages, p

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