Le voyage dans le roman pastoral - article ; n°1 ; vol.56, pg 337-357
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 2004 - Volume 56 - Numéro 1 - Pages 337-357
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2004
Nombre de lectures 109
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Eglal Henein
Le voyage dans le roman pastoral
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 2004, N°56. pp. 337-357.
Citer ce document / Cite this document :
Henein Eglal. Le voyage dans le roman pastoral. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 2004, N°56.
pp. 337-357.
doi : 10.3406/caief.2004.1549
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_2004_num_56_1_1549LE VOYAGE DANS LE ROMAN
PASTORAL (1)
Communication de Mme Eglal HENEIN
(Tufts University, U.S.A.)
au LVe Congrès de l'Association, le 8 juillet 2003
« Je respons ordinairement
à ceux qui me demandent
raison de mes voyages :
que je sçay bien ce que je
fuis, mais non pas ce je
cerche. »
Montaigne (2)
La Genèse donne au voyage des débuts de mauvais
augure : Adam et Eve ne voyagent qu'après avoir quitté le
Paradis terrestre, et les errances de Caïn indiquent un châ
timent terrible. D'après Ovide, c'est à l'âge de fer que
l'homme inventa le voyage « en même temps que le cr
iminel appétit de la possession » ; « les pins, si longtemps
dressés sur les hautes montagnes, devenus navires, bon
dirent sur les flots inconnus » (3). Même si le destin de
prestigieux personnages mythiques valorise la notion de
voyage, une « odyssée » reste un voyage pénible, et la
(1) Je remercie Elizabeth Goldsmith pour ses suggestions et ses remarques.
(2) Essais, éd. P. Villey et Verdun L. Saulnier, Paris, Presses Universitaires de
France, 1965, Ш, p. 972.
(3) Les Métamorphoses, traduction, introduction et notes par Joseph Chamo-
nard, Paris, Garnier-Flammarion, 1966, 1, 127-161. 338 EGLALHENEIN
métaphore de la Toison d'or n'a pu s'appliquer qu'au
maillot jaune du Tour de France (4) — qui n'est pas un
voyage de tout repos ! L'anglais « travel », « voyage », rap
pelle les difficultés associées à cette activité, de même que
l'expression québécoise « J'ai mon voyage » qui signifie
« j'en ai assez ». La Curne de Sainte-Palaye montre dans
son Dictionnaire historique de l'ancien français que
« voyage », confondu avec « pèlerinage », est une péniten
ce dans la législation médiévale :
Ceux qui diront ou feront injure aux mayeurs [maires] et
eschevins leur devoir faisant, ou pour chose en dépendante,
en seront corrigés par prison, voyage ou autrement (5).
Les récits de voyage du xvne siècle ont inspiré les tr
avaux des chercheurs invités par Bernard Beugnot à Montr
éal (6) et ceux des nombreux experts qui fréquentent le
Centre animé par François Moureau et Sophie Linon-Chi-
pon (7). Les relations et les utopies se taillent alors la part
du lion. Entre la réalité de la relation et l'invention de
l'utopie, il y a pourtant un troisième type de voyage
raconté par écrit, le récit fictif d'un périple généralement
vraisemblable comme on en trouve dans les romans, héri
tiers de l'épopée, du roman grec (8), du poème héroïque
et du roman de chevalerie. Maurice Lever a relevé dans sa
bibliographie de La Fiction narrative en prose au xvw siècle
une bonne douzaine d'œuvres où les mots « voyage » ou
(4) Dictionnaire culturel de la mythologie gréco-romaine, sous la direction de
René Martin, Paris, Nathan, 1992, article « Toison d'or ».
(5) Texte intégral de l'édition Favre en 1876. L'Atelier historique de la langue
française, cédérom, Redon.
(6) Voyages : récits et imaginaire, Papers on French Seventeenth Century Litera
ture, 1984, XVI, 497 p.
(7) Métamorphoses du récit de voyage : actes du colloque de la Sorbonně et du
Sénat (2 mars 1985), Paris - Genève, Champion - Slatkine, 1986, 173 p., 24
illustrations. Je recommande le site de ce Centre : www.crlv.org.
(8) Quand j'ai présenté ma communication, je n'avais malheureusement
pas encore lu l'étude magistrale de Laurence Plazenet sur le voyage dans le
roman grec et dans ses imitations et adaptations : L'Ébahtssement et la délecta
tion. Réception comparée et poétiques du roman grec en France et en Angleterre aux
xvi' et xvw siècles, Paris, Honoré Champion, 1997. LE VOYAGE 339
« voyageur » figurent dans le titre ou le sous-titre (9).
Noms de pays et de nationalités également montrent la
survie d'une curiosité éveillée cent ans plus tôt par la
découverte de nouveaux mondes. Le voyage est un thème
romanesque aussi riche que complexe ; il peut servir de
cadre, voire de prétexte, aux descriptions et aux aventures
les plus variées. Qui s'étonnerait qu'une histoire des
romans se présente adroitement comme un récit de voya
ge humoristique, Le Voyage merveilleux du prince Fan-Férê-
din dans la Romande (10) ? Peut-être que l'illustration la
plus curieuse et la plus pertinente de la fonction dyna
mique et allégorique du voyage dans les romans de
l'époque baroque se trouve dans une oeuvre de Béroalde
de Verville parue en 1610 : L'Histoire véritable ou le voyage
des Princes Fortunez. Les héros sont dits « Fortunés » parce
qu'ils sont malmenés par la Fortune et que, par consé
quent, ils doivent entreprendre de nombreux voyages.
En tant qu'aventure romanesque, le voyage reste un
sujet relativement vierge. Si ceux que présente Georges de
Scudéry dans des romans héroïques de 1654 et 1665 ont
été étudiés (11), l'ensemble des romans n'a pas encore
servi de terrain de recherche (12). C'est même plutôt l'i
nfluence des récits de voyage sur les romans qui a intéressé
un critique (13). Les outils théoriques sont rares. Curtius
(9) Paris, Éditions du CNRS, 1976.
(10) Bougeant, 1735.
(11) Les deux études se trouvent dans les actes du colloque L'Autre au
xvil' siècle, éd. par R. Heyndels et B. Woshinsky, Biblio 17, 1999 : Cristina Ber-
nazolli, « Voyage réel, voyage imaginaire, voyage initiatique dans le pays de
l'Autre : l'itinéraire du héros dans Alanc ou Rome vaincue », p. 57-67 ; Anto-
nella Arrigoni, « Itinéraire géographique, itinéraire métaphorique dans
l'Ibrahim de Georges de Scudéry », p. 47-56.
(12) Cela ne va pas tarder à changer grâce au livre de Mme Plazenet. Elle
signale que dans les romans considérés proches des romans grecs « de 1595
au milieu des années trente, les voyageurs représentent 30 % à 45 % du per
sonnel de la fiction » (Plazenet, op. cit., p. 334).
(13) Selon Jacques Chupeau, qui examine la production romanesque de la
seconde moitié du xvne siècle dans un article intitulé « Les Récits de voyage
aux lisières du roman », ce sont les relations de voyage qui ont eu tant d'in
fluence sur les romans qu'elles ont entraîné « le renouvellement du récit à
l'époque classique » (« Le Roman au xvn« siècle », Revue d'histoire littéraire de
la France, mai-août 1977, 77e année, n° 3-4, p. 552). 340 EGLALHENEIN
s'intéresse au locus amoenus sans s'occuper du moyen d'y
parvenir ; Bachelard, en étudiant la terre, l'air ou l'espace,
médite sur la chute ou le vol, distingue l'image d'ici et
celle de là-bas, mais ne s'arrête pas sur le voyage à pro
prement parler. Il reconnaît pourtant que pour « le vrai
poète » l'imagination est un voyage (14) et que « bien des
métaphysiques demanderaient une cartographie » (15).
Nombreux sont les romanciers du XVIIe siècle qui privi
légient le récit de voyages fictifs, qu'il s'agisse de justifier
la brève mention de lieux de passages ou de lieux d'origi
ne comme dans les écrits de Jean-Pierre Camus, ou d'au
toriser la description plus développée mais moins fiable
de lieux lointains, comme dans les œuvres d'Aubusson
(16), ou encore de représenter allégoriquement des sent
iments (le Tendre ou le Royaume d'amour). Les auteurs de
romans brodent même parfois sur des récits de voyages
authentiques comme sur les aventures de ces marins de
La Rochelle qui ont échoué sur une île des Bermudes (17),
ou sur les voyages qu'ils ont eux-mêmes effectués (18).
Par ailleurs, le voyage est perçu comme une activité
didactique ; le personnage de roman voyage en respectant
en général une certaine &#

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