Fabrications : Essai sur la fiction et l histoire
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Description

Essai ludique au ton personnel, Fabrications raconte les huit années d’une passionnante enquête intellectuelle pendant lesquelles Louis Hamelin a écrit La constellation du Lynx. Ce roman a parfois été perçu comme un document politique ou un ouvrage historique ; à l’inverse, le présent essai sera peut-être pris pour une œuvre de fiction. Pourtant, à part Samuel Nihilo, l’alter ego fictif de l’auteur, les personnages qu’on y rencontre existent ou ont déjà existé — même si leurs noms ont parfois été modifiés — et leurs propos sont rapportés avec le souci de traduire au mieux leur pensée.
Où se trouve le plus de vérité ? Dans le patient réexamen des faits qui préside à la fabrication artisanale du romancier ou dans les récits tout aussi construits qui forment la « version officielle », avec sa narration univoque et ses prétentions à l’authenticité ? Il y a une histoire secrète qui, à l’instar de la littérature, fabrique des récits. D’une même matière surgissent des interprétations antagonistes, dont l’une s’imposera en repoussant les autres dans la fiction. Ici, le processus est soumis à un éclairage littéraire qui fait appel tant à l’expérience des Brigades rouges qu’à l’intelligence de quelques œuvres phares, de Tolstoï à Mailer.
Voici donc la vraie histoire de Samuel Nihilo.
Chroniqueur de littérature au Devoir depuis 1999, Louis Hamelin est l’auteur de sept romans dont La rage (1989), prix du Gouverneur général en 1990, et La constellation du Lynx (2010), qui a été couronné par cinq prix littéraires dont celui des Libraires et celui des Collégiens. Il a aussi publié un recueil de nouvelles et deux essais.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 août 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782760632899
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le prix de la revue Études françaises a été créé en 1967, à l’initiative du directeur de la revue, M. Georges-André Vachon, et grâce à la générosité d’un imprimeur montréalais, M. J. Alex Therrien. Il a été décerné de façon irrégulière, entre 1968 et 1980, à des auteurs du Québec ou de la francophonie. Des œuvres romanesques, des recueils de poésie et des essais ont été couronnés durant cette période. Après une interruption d’une quinzaine d’années, le prix a été relancé et redéfini en 1995.
La revue Études françaises et les Presses de l’Université de Montréal désirent souligner une contribution exceptionnelle à la réflexion sur la littérature et l’écriture de langue française. Le lauréat, choisi par un jury de la revue, reçoit un prix d'une valeur de 5000$ pour un manuscrit inédit. Cette année, ce jury était constitué de Francis Gingras, directeur de la revue, de Jean-François Hamel, d'Élisabeth Nardout-Lafarge, de Benoît Melançon, directeur scientifique des Presses de l'Université de Montréal, et de Pierre Nepveu.
Mise en pages: Yolande Martel Epub: Folio infographie Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Hamelin, Louis, 1959- Fabrications. Essais sur la fiction et l’histoire (Prix de la revue Études françaises) ISBN 978-2-7606-3317-9 I. Titre. PS8565.A487f32 2014 C848’.54 C2014-940519-7 PS9565.a487f32 2014 Dépôt légal: 3 e trimestre 2014 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2014 www.pum.umontreal.ca ISBN (papier) 978-2-7606-3317-9 ISBN (epub) 978-2-7606-3289-9 ISBN (pdf) 978-2-7606-3290-5 Les Presses de l’Université de Montréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour leurs activités d’édition et remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).
Pour Mérédith, qui aura 57 ans en l’an 2070 .
Ne vous autorisez jamais, dit l’observateur, à penser que vous disposez d’une plate-forme fixe d’où il est possible de mesurer ces propositions. Nous sommes parmi les étoiles avec Einstein, je vous l’assure. Norman Mailer, L’Amérique Je veux pas me ramasser avec un autre roman. Paul Rose, à son procès pour enlèvement, octobre 1971
Histoire d’une obsession
Entre 2002 et 2010, de l’aube de la quarantaine au demi-siècle d’existence, à part manger, dormir, baiser à l’occasion, faire de la bicyclette, me baigner, ouvrir et refermer des bouquins, courir les bois et boire du vin, j’ai travaillé à un roman dont le sujet principal est la crise d’Octobre.
Au Québec, la crise terroriste de l’automne 1970 que nous connaissons sous le nom de crise d’Octobre est vue, au choix, comme un des événements politiques les plus importants du XX e siècle au Canada – qui est un grand pays tranquille la plupart du temps – ou bien, avec ses deux otages et son unique trépassé, comme une crisette insignifiante si on la compare aux tortures sadiques et aux exécutions sommaires qui, quelques années plus tard, vont accabler les militants de gauche du Chili et de l’Argentine.
Aux yeux tuméfiés de ces nations martyres, le Québec n’a que ses quelques centaines de détentions arbitraires à agiter. L’otage exécuté? N’en parlons même pas. D’abord, il n’est pas bien sûr qu’il l’ait été, au sens propre du terme. Ensuite, comparons ces résultats avec le bilan des séparatistes basques de l’ETA (829 morts) et irlandais de l’IRA provisoire (1707 victimes en trente ans). Conclusion: le Front de libération du Québec (FLQ) ne fait pas très sérieux, et la prétention de notre Octobre à évoluer dans les ligues majeures des crises politiques pourrait même paraître légèrement ridicule.
Considéré sous l’angle du mythe, par contre, force est de constater qu’Octobre tient la route. Résiste au passage des ans. À l’usure des idées. À l’affaiblissement de la culture politique. Au-delà d’un temps rétréci par la manie du présentisme et par le traitement conventionnel d’une histoire pour les nuls réduite à une simple compilation d’acteurs et de dates, dans l’archétype du bouc émissaire où se côtoient logique sacrificielle et violence symbolique, Octobre déploie ses significations.
J’avais onze ans. Je vivais en Gaspésie, et il faut croire que j’allais encore à la messe, car sinon je ne pourrais me rappeler la voix étranglée d’indignation du curé Lamarre anathémisant le FLQ et les profs du cégep de Gaspé du haut de la chaire. Le Québec ne savait pas encore que Percé avait accouché de la cellule Chénier l’été précédent.
Dimanche matin, 18 octobre 1970. Mon père entend, à la radio, de la musique funèbre, il comprend tout de suite. Il dit: Ils l’ont trouvé…
Cette semaine-là, sur l’avis de recherche reproduit à la une du Devoir , la gueule féroce de Paul Rose, les grosses narines de Carbonneau. Des bandits. Des tueurs. J’ignorais encore que la photographie judiciaire obéit à cette loi dérivée de la physique quantique qui dit que l’observateur modifie la chose observée.
Avec ma fascination de préado pour les scènes d’alcôve de l’appartement situé au 3720, chemin Queen-Mary, auxquelles firent allusion les journaux pendant l’enquête du coroner, ce sont mes seuls souvenirs de la crise d’Octobre.
Entre 1970 et 1990, presque rien: j’ai lu le livre de Pierre Vallières, L’exécution de Pierre Laporte: les dessous de l’ Opération Essai.
Regardé, à l’antenne de Radio-Canada, l’entrevue accordée à Marc Laurendeau par un Paul Rose toujours emprisonné. L’homme m’avait impressionné.
Au début des années 1990, m’étant entretemps métamorphosé en écrivain, j’ai rencontré Vallières au Salon du livre de Montréal. Francis Simard l’accompagnait. J’avais devant moi le cerveau du FLQ des années 1960 et une icône de la crise d’Octobre, réunis pour les besoins d’un film.
J’ai ensuite revu Simard à quelques reprises. Nous avions des amis communs. Nous ne parlions jamais de l’affaire Laporte, ni de son livre, Pour en finir avec Octobre , que j’avais aussi lu et dont je possède aujourd’hui cinq exemplaires, dont deux annotés jusqu’à la manie. Dans son entourage semblait régner un consensus tacite: Affaire réglée. On n’en parle pas… On ne revient plus là-dessus. Simard avait payé sa dette. Son indéfectible ami, le cinéaste Pierre Falardeau, jouait le rôle de chien de garde. Dans le livre de l’un, dans le film de l’autre ( Octobre , 1990), le fin mot de l’histoire avait été prononcé. Il y avait ce tabou qu’on sentait peser quand on pénétrait dans le cercle.
1994. Le gratin de la gauche québécoise se presse dans la salle Marie-Gérin-Lajoie du pavillon Judith-Jasmin de l’Université du Québec à Montréal (UQÀM) pour la première de La liberté en colère , le film né de la rencontre, organisée par le documentariste Jean-Daniel Lafond, dans un chalet de Saint-Alphonse-de-Rodriguez, de Simard, Vallières et Charles Gagnon, qui fut très brièvement mon pape lorsque je militai dans les rangs du groupuscule marxiste En lutte! à la fin des années 1970.
Je croise Plume à l’entrée, aperçois, en descendant les marches, la belle tête blanche de Michel Chartrand. Mais avant d’entrer, dans un couloir, j’ai rencontré Francis Simard allant et venant comme un fauve en cage, l’image s’est présentée à moi, elle m’a marqué. Il savait ce que j’ignorais encore: que prisonnier de l’écran, il allait, dans quelques minutes, être livré en pâture au public, que son langage corporel de grosse bête acculée s’apprêtait à le trahir dans la scène devenue célèbre de sa confrontation avec Vallières devant les grillages de Parthenais.
Simard: On l’a enlevé, on l’a séquestré, pis yé mort… Le reste, m’a mourir avec, boss.
Et non pas: on l’a tué. Juste une pudeur, peut-être, mais cette histoire en sera une où les mots sont importants, une histoire de mots qui résonnent, définitifs, relatifs, où chaque texte devient une chambre d’échos. C’est mon Octobre: comme une immersion sans retour dans une magistrale leçon de lecture.
Au cours des années suivantes, un personnage d’ancien felquiste porteur d’un lourd secret a fait son apparition dans un projet de gros roman que je caressais, et dont le personnage principal était Montréal. Une idée de livre vraiment formidable, ambitieuse, pleine d’épisodes signifiants, de personnages colorés, un peu confuse, sans doute. Avec le recul, le titre trouve toujours grâce à mes yeux: Le rituel de la mise à mort . Quant au livre lui-même, j’allais complètement me casser les dents dessus pendant un séjour dans le gris Paris de l’hiver 1998. Un échec professionnel spectaculaire, et une catastrophe personnelle dont le personnage de l’ancien felquiste fut le seul rescapé.
Retour à 1994. Je me suis greffé au petit groupe qui, après la projection de La liberté en colère , se retrouve attablé dans un resto de la rue Saint-Denis fréquenté par des profs de l’UQÀM. Falardeau en est, et Simard. Pour moi, qui fais mon entrée dans le monde, ou tout comme, ces gars-là sont des sortes de héros.
Héros est un mot avec lequel j’aurai l’occasion, ailleurs dans ces pages, de prendre mes distances, mais ils étaient de la nomenklatura , évoluaient dans les grandes ligues du débat national, à la confluence de la culture et du politique. Des gens connus, avec qui je me sentais, sinon de profondes affinités, du moins une instinctive sympathie confortée par une absence d’antagonisme immédiat. Ça me paraissait suffisant à l’époque (ça l’est toujours) pour accepter une invitation au resto ou à la taverne du coin.
À cause d’un livre, je deviendrais un jour le poil à gratter de toute une faune accouchée par Octobre. Celui qui crache dans la soupe aux pois.
Incontestable
5 octobre 1970. Enlèvement de l’attaché commercial britannique à Montréal, James Richard Cross, par la cellule Libération du Front de libération du Québec.

8 octobre. Lecture du Manifeste du FLQ à la télé de Radio-Canada. Six autres exigences de la cellule Libération demeurent insatisfai

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