L Iliade ou l humanité en question
190 pages
Français

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L'Iliade ou l'humanité en question , livre ebook

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Description

Pourquoi certaines œuvres d'art traversent-elles les siècles ? Pourquoi leur écho perdure-t-il, de génération en génération, par-delà les limites d'une appartenance à un moment historique donné ? Quel est le secret de ces œuvres qui telle l'"Iliade" nous imposent leur immuable présence ? Pour le découvrir, il faut passer outre les obstacles linguistiques, formels et culturels pour partir à la recherche de ce qui constitue la modernité et fonde l'intemporelle proximité de ces créations : la part de l'humain. Tel est le voyage auquel convie cette lecture de l'"Iliade" qui tente de pénétrer l'intimité même du poème, traversant des paysages étranges où se croisent âmes errantes et héros déchus pour y reconnaître en définitive la familière et troublante image de notre propre intériorité.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 janvier 2017
Nombre de lectures 2
EAN13 9782342059663
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L'Iliade ou l'humanité en question
Florence Ursulet
Connaissances & Savoirs

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Connaissances & Savoirs
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
L'Iliade ou l'humanité en question
 
Avant-propos
Ecrire sur l’ Iliade à une époque où ce nom évoque peut-être davantage une multinationale cotée au CAC 40 qu’un interminable poème en vers composé, à l’aube de notre civilisation, dans une langue oubliée, est sans doute une gageure, pour ne pas dire une folie. Il faut vivre avec son temps et laisser la poussière recouvrir peu à peu ces œuvres immémoriales qui n’intéressent plus personne désormais, si ce n’est quelques chercheurs chenus, bientôt momifiés dans la pénombre de leurs bibliothèques. Et puis, tout n’a-t-il pas déjà été dit sur Homère et ses deux épopées l’ Iliade et l’ Odyssée , dont l’une raconte la colère d’Achille et l’autre le retour d’Ulysse après la prise de Troie ? Des générations d’érudits les ont traduites, interprétées, disséquées, parfois même jusqu’à tuer le souffle narratif qui les parcourt. Non vraiment, il n’y a plus rien à en dire. Néanmoins, avant de laisser le rideau de notre mémoire collective tomber définitivement sur ces écrits, que l’on me permette une dernière question toute simple, à moi qui ne suis que simple lectrice : pourquoi l’ Iliade  ? Pourquoi ce poème a-t-il traversé les siècles et constitué le sujet de moult superproductions cinématographiques ? Pourquoi, à l’image de toutes ces légendes primitives, n’a-t-il pas été englouti dans l’enchevêtrement de récits ancestraux qui nous constituent et fondent notre conception du monde, mais dont nous avons oublié jusqu’à l’existence ?
A priori , rien de bien attrayant dans ce poème. L’action ? Que s’y passe-t-il qui retienne l’attention et s’inscrive dans les hauts-faits des légendes héroïques ? On y cherche sans succès quelque combat contre des créatures monstrueuses ou des forces obscures. Point de Jason ou d’Héraclès pour préserver l’ordre du monde de périls dévastateurs. On y attend en vain la venue du héros exemplaire qui, par sa seule grandeur d’âme, abolit l’injustice et le crime, défait des êtres méchants ou maléfiques et donne à la communauté sens et cohésion. Bien-sûr les dieux sont présents ; leur rôle est même déterminant en tant qu’agents moteurs de l’action. Mais à la fois trop proches et trop éloignés des hommes, ils n’apparaissent jamais comme des forces transcendantes ayant pour fonction d’instaurer justice et harmonie dans la société humaine. A première vue, nul projet fondateur ne semble être à l’œuvre, nulle ambition de donner au récit la force visionnaire d’une tension vers un absolu, un idéal, un point de repère signifiant. Que dire des personnages ? Quand ils ne sont pas les jouets des dieux qui, à la première occasion, trompent leurs sens et leur esprit, ils semblent noyés au cœur d’un monde par rapport auquel ils peinent à prendre leurs distances. La cohérence de leur statut d’individus unifiés par un certain nombre de traits de caractères constants est parfois même sujette à caution, tant ils paraissent démunis face aux forces qui les assaillent. Livrés pieds et poings liés à l’espace et au temps, les personnages de l’ Iliade semblent incapables de prendre un recul suffisant pour se dégager de l’action qui les emporte ainsi que pour affirmer une identité qui leur appartiendrait en propre. Un héros est immanquablement décrit plein d’ardeur et de courage, tandis qu’un homme de basse naissance sera nécessairement pleutre. Nul n’échappe à ce carcan qui prive les personnages de toute autonomie et fige leurs relations en une suite de références à un code de conduite qui détermine chaque geste et chaque pensée. Ainsi l’ Iliade semble profondément marquée par l’archaïsme des temps reculés qui l’ont vue naître, ancrée dans l’imaginaire et les codes sociaux d’une époque que son éloignement nous rend parfaitement étrangère.
Alors, encore une fois, pourquoi et comment cette œuvre a-t-elle pu occuper une telle place dans le panthéon de la culture occidentale ? Pour répondre à cette question, peut-être va-t-il falloir aller un peu au-delà des apparences et partant de ce que n’est pas l’ Iliade , ni le récit de la guerre de Troie, ni une épopée contant les exploits de héros exemplaires, comprendre ce qui fait son universalité et son étonnante modernité. Première œuvre écrite de la littérature occidentale, poème des commencement, l’ Iliade , paradoxalement, avec la guerre et la mort pour seul paysage, pour unique horizon, offre une image de fin du monde, celle du monde héroïque, mis en faillite à la fois par ceux-là mêmes qui l’incarnent, les héros, et à la fois, dans le passage de l’oralité à l’écrit, par sa propre représentation poétique. Là, pour la première fois, est expérimentée une exploration créatrice de la fêlure, de la discordance essentielles qui fondent la conscience humaine : son aspiration à l’éternité face à la réalité de sa condition. Bien évidemment, il ne faut pas comprendre Homère comme s’il avait lu Freud ou Proust. Néanmoins quelque chose de fondamental se joue dans ce poème, dont la puissance fait exploser le carcan de la lecture traditionnelle : la représentation de l’instant où l’être humain naît à lui-même dans sa confrontation avec la mort. Aussi incontestable que soit l’irréductible distance qui nous sépare de la langue et du monde homérique, la singulière présence de l’ Iliade tient donc au fait qu’elle renferme une quête essentielle pour l’humanité, celle de deux objets indissociables que sont l’identité et le sens, de la fissure née de la querelle, au gouffre de la guerre, de l’aveuglement à l’apocalypse, de la rupture à la reconnaissance.
Introduction
Origine et Structure du Mythe
« Chante, ô déesse, la colère du Péléide Achille », ainsi s’ouvre l’ Iliade , affirmant d’emblée un projet inhérent à la constitution originelle de la communauté humaine, le récit.
Au commencement était le mythe 1 .
Que faire ? La mort est là. Elle emporte le père, le frère, l’enfant. Comment les hommes peuvent-ils vivre en voyant disparaître ceux qu’ils côtoient, qu’ils ont toujours connu et en devinant qu’un sort semblable les attend ? Au moment où ils commencent à percevoir la mort et sentent la menace de l’anéantissement peser sur chacun de leurs gestes, une question devient primordiale : comment se fait-il que la naissance de la conscience n’affranchisse pas l’homme de la mort ? Une contradiction essentielle apparaît en effet entre une existence au cours de laquelle les capacités cognitives des êtres humains ne cessent de se développer et une fin ultime qui vient briser et annihiler ce mouvement. Dès l’instant suivant l’éveil de la conscience, celle-ci se construit et se développe en se nourrissant de sens. Mais comment la vie d’un être conscient est-elle possible dès lors que son accomplissement est la plongée dans l’indistinct, le retour à la matière ? En même temps, il y a la nécessité de faire disparaître cette dépouille qui se corrompt atrocement, qui perd toute personnalité, toute identité. Mais on ne se débarrasse pas du corps d’un être cher comme on le ferait d’une quelconque charogne, car, malgré ce retour à la matière, inanimée jusqu’à l’informe, le cadavre porte encore en lui la présence symbolique de celui qui n’est plus. Alors, au lieu de simplement l’éloigner pour échapper aux miasmes de la putréfaction, les proches du défunt prennent soin de lui et affirment, contre l’évidence immédiate de la mort, la permanence de son identité en accomplissant une cérémonie funéraire. Celle-ci a pour fonction à la fois d’interrompre le processus visible de décomposition du cadavre, en tout point insupportable pour les vivants, et à la fois de nier la disparition de tout ce qui le caractérisait en tant qu’individu particulier, de refuser le retour du vivant au néant. Peut-être est-ce dans cette transformation symbolique du cadavre en sépulture que s’est développée la capacité des humains à créer un monde de signes et de symboles grâce auquel ils vont explorer le monde réel et apaiser tout autant la douleur du deuil que la terreur de la mort. En ritualisant leur confrontation à la mort, les hommes créent un mode nouveau de rapport à la réalité ; ils cessent d’être seulement les victimes impuissantes de la contingence pour devenir les démiurges d’un autre univers que celui directement offert à leur perception, un univers dans lequel chaque action a une cause et une conséquence, chaque événement prend sa place dans le cadre d’un développement ordonné. Ainsi la célébration des funérailles donne lieu à l’évocation du défunt qui, de fait, entame une nouvelle existence ; présent malgré son absence, il devient le héros de sa propre vie mise en récits. Peu importe si ces évocations n’ont plus grand-chose à voir avec le déroulement exact de son existence, car l’histoire que l’on raconte à propos du mort va pouvoir se transmettre au-delà de la vie-même de ceux qui l’ont dite en premier. Ainsi, de génération en en génération, elle pourra se transformer, se déformer au gré des prismes choisis par les conteurs, mais elle est définitivement affranchie de tout lien à la contingence individuelle. A la vie succède le récit, à la physiologie le signe, l’humanité est née… et avec elle l’art et la religion.
En effet, à partir de la commémoration funéraire, s’opère un double développement : d’une part, le récit, grâce à son caractère à la fois apaisant et jubilatoire, devient le support d’une représentation du monde libérée des données immédiates de la perception se

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