Effectivité des agences nationales anti-corruption en Afrique de l’ouest: Bénin, Libéria, Niger, Nigéria, Sénégal, Sierra Leone
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Effectivité des agences nationales anti-corruption en Afrique de l’ouest: Bénin, Libéria, Niger, Nigéria, Sénégal, Sierra Leone , livre ebook

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Description

Avec plus de 100 milliards de dollars perdus chaque année, d’après certaines informations, à cause de la corruption et autres pratiques illicites, la lutte contre la corruption en Afrique fait face à d’énormes défis. Cependant, des lois et politiques aux niveaux continental, régional et national ont été promulguées et adoptées par les dirigeants africains. Au nombre de ces initiatives il y a la création d’agences spécialisées mandatées pour lutter contre la corruption au niveau national, ainsi que l’institution aux niveaux régional et continental des mécanismes pour assurer l’harmonisation des normes et l’adoption des meilleures pratiques dans la lutte contre la corruption.Pourtant, compte tenu de la disparité entre l’apparente impunité dont jouissent les fonctionnaires et la rhétorique anti-corruption des gouvernements de la région, l’efficacité de ces organismes est considérée avec scepticisme.Cette étude des agences anti-corruption à l’échelle continentale vise à évaluer leur pertinence et leur efficacité en examinant leur indépendance, leurs mandats, les ressources disponibles, l’appropriation nationale, les capacités en leur sein et leur positionnement stratégique.Ces enquêtes comprennent des recommandations fondées sur des preuves appelant à des institutions plus fortes, plus pertinentes et efficaces qui sont directement alignées sur les cadres régionaux et continentaux de lutte contre la corruption, comme la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption, que les six pays étudiés dans ce rapport – Bénin, Libéria, Niger, Nigeria, Sénégal et Sierra Leone – ont tous ratifiée.

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Informations

Publié par
Date de parution 07 mars 2017
Nombre de lectures 8
EAN13 9781928331360
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Effectivité des agences nationales anti-corruption en Afrique de l’ouest
Bénin, Libéria, Niger, Nigéria, Sénégal, Sierra Leone
Une étude de la fondation Open Society Initiative for West Africa (OSIWA)
Par Gilles Badet, Luc Damiba, Stéphane B. Engueléguélé, Emmanuel Gaima, Chijioke K. Iwuamadi, Semou Ndiaye et Shine Williams
Publié par African Minds pour Open Society Foundations 224 West 57th Street New York, NY 10019 www.opensocietyfoundations.org Open Society Initiative for West Africa Rte de la Pyrotechnie, Dakar, Senegal www.osiwa.org African Minds 4 Eccleston Place, Somerset West, 7130, Cape Town, South Africa info@africanminds.org.za www.africanminds.org.za 2016 Sauf mention contraire, le contenu de cette publication est sous licence internationale obtenue par Creative Commons Attribution Non-Commercial 4.0 ISBNs 978-1-928331-36-0 Print 978-1-928331-37-7 EBook 978-1-928331-38-4 e-Pub Ce document peut être gratuitement téléchargé au site www.africanminds.org.za Pour obtenir la version imprimée de ce document, s’adresser à : African Minds Email : info@africanminds.org.za Si vous êtes en dehors de l’Afrique : African Books Collective PO Box 721, Oxford OX1 9EN, UK Email : orders@africanbookscollective.com
TA BL E DE S M AT IÈRE S
Préface_____________________________________________________ iv 1. Un Aperçu général Stéphane Bobé Enguéléguélé _________________________________________1 2. Bénin Gilles Badet _______________________________________________________27 3. Libéria Emmanuel AR Gaima et Shine Williams________________________________79 4. Niger Luc Damiba_______________________________________________________109 5. Nigéria Chijioke K Iwuamadi _______________________________________________167 6. Sénégal Semou Ndiaye ____________________________________________________225 7. Sierra Leone Emmanuel Gaima _________________________________________________285
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PRÉFACE
La première vague d’eorts de lutte contre la corruption en Afrique, à l’échelle nationale et internationale, avait comme objectif principal la création d’entités nationales dévouées à la tâche de conduire la lutte contre la corruption. Cela devint la norme par laquelle les communautés nationales et les bailleurs de fonds allaient désormais évaluer les progrès dans la lutte contre la corruption. Aujourd’hui encore, une large variété d’institutions qui se consacrent exclusivement à l’élimination de la corruption avec divers degrés d’autonomie, de nancement et d’appui, sont créées, soit à la demande des bailleurs de fonds internationaux soit sur base des engagements politiques pris par des politiciens avant leur arrivée au pouvoir ou lorsqu’ils convoitent une réélection. Vu l’émergence d’une nouvelle vague de mouvements citoyens pour la transparence et la responsabilisation, catalysant de plus en plus de changements signicatifs, les organismes de lutte contre la corruption sont sous une surveillance plus rigoureuse ; leur utilité et leur ecacité sont désormais de plus en plus ouvertement questionnées. Plusieurs indices de gouvernance, tels queTransparency International, l’indice de gouvernance de la Banque mondiale et l’indice Ibrahim de la gouvernance africaine (IIGG) de la fondation Mo Ibrahim, montrent qu’il y a eu des progrès dans la maitrise de la situation dans certains pays. Des voix sceptiques arment néanmoins que les progrès ont été modestes et lents dans le meilleur des cas, ou qu’ils n’ont pas réussi à réduire la vénalité dans le secteur public. Divers rapports de perception montrent que pour la plupart des gens, la corruption est beaucoup plus profondément enracinée malgré l’existence de ces institutions. Bien que la plupart des pays arme avoir mis en place de meilleurs dispositifs anticorruption, le paradoxe est que la corruption semble être de plus en plus endémique. Plusieurs facteurs expliquent que la lutte contre la corruption ne donne pas les résultats escomptés. Parmi ces facteurs on peut citer à titre indicatif : l’absence de gouvernement ouvert (ce qui rend les fonctionnaires non responsables devant les citoyens), la persistance des intérêts internationaux et la concurrence non seulement pour les ressources naturelles, mais aussi pour l’accès aux marchés plus rentables dans les économies émergentes de la région, l’opacité et l’inecacité des systèmes de gestion des nances publiques, la croissance et les eets pervers de la fuite des capitaux et les sorties nancières illicites, l’inecacité de l’application juridique de la réglementation en matière de lutte contre la corruption et l’absence relative d’indépendance des systèmes judiciaires dans la région. En outre, il y a aussi le manque de volonté politique et d’intérêts. Tout ceci se manifeste en forme d’interférences directes ou indirectes dans le travail des organismes de lutte contre la corruption, de poursuites sélectives ciblant des adversaires politiques, des membres de l’opposition ou de gouvernements précédents, et du faible appui budgétaire de ces institutions.
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PRÉFACE
Cette étude évalue les eorts de lutte contre la corruption dans six pays d’Afrique de l’ouest ayant diérentes formes de gouvernance et dotés de caractéristiques macroéconomiques, socio-politiques et institutionnelles très diérentes. Des recherches similaires ont été entreprises en Afrique de l’est et en Afrique australe par le bureau régional pour l’Afrique de la Fondation des Sociétés Ouvertes (OSF). L’idée était de mener une étude comparative qui permette d’examiner la justication sous-jacente des succès et échecs des organismes consacrés à la prévention et à la lutte contre la corruption, avec l’objectif d’établir des voies et moyens de renforcer les eorts de lutte contre la corruption sur le continent africain. L’étude examine les eorts et les performances de ces agences basées sur des indicateurs de référence gurant dans la Déclaration de Jakarta sur les principes des organismes de lutte contre la corruption qui a été adoptée par les anciens chefs d’agences anti-corruption, des praticiens de la lutte anti-corruption et des experts. En résumé, ces principes incluent, entre autres, un mandat clair pour lutter contre la corruption, la permanence de l’institution de lutte contre la corruption, la neutralité et la garantie d’emploi des membres, l’autonomie fonctionnelle et nancière, l’immunité judiciaire au civil et au pénal pour les actes commis dans l›exercice de leur mandat, le pouvoir de recruter et de licencier leur personnel d’appui selon des procédures claires et transparentes et la responsabilité interne et le professionnalisme des institutions. Ces principes visent à garantir l’autorité et la sauvegarde de la fonction et l’indépendance opérationnelle des organismes de lutte contre la corruption de toute ingérence extérieure, de la même manière que les Principes de Paris ont déni le rôle, la composition, le statut et les fonctions des institutions nationales des droits de l’homme. J’espère que les principes de Jakarta, ou quelque chose du genre, seront un jour adoptés par l’Assemblée générale des Nations Unies. Tous les pays étudiés dans cette recherche sont parties à la Convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC) et la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la Corruption (CUACC). La CNUCC oblige les Etats signataires à créer au sein de leurs systèmes juridiques des organes spéciaux dédiés à la prévention de la corruption. Elle demande, en outre, a chacun des états parties d’accorder à ces organismes l’indépendance nécessaire, conformément aux principes fondamentaux de son système juridique, pour leur permettre d’exercer leurs fonctions ecacement et d’être libres de toute inuence indue. L’article 5 de la Convention de l’UA comprend une obligation similaire pour les états africains, les obligeant à créer des organismes de lutte contre la corruption. Il prévoit que les agences nationales chargées de la lutte contre la corruption et autres infractions connexes doivent jouir de l’indépendance et de l’autonomie nécessaires pour leur permettre d’exercer leurs fonctions ecacement. Le cadre législatif, réglementaire et institutionnel, ainsi que l’indépendance et l’ecacité de ces institutions nationales de lutte contre la corruption, varient d’un pays à l’autre, de même que la volonté politique et les intérêts de diérents gouvernements. Cette étude met en relief certaines des dicultés opérationnelles et politiques qu›elles éprouvent pour répondre aux normes internationales et aux meilleures pratiques dans le domaine. Le rapport ore des recommandations à l’égard de chaque pays.
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EFFEC TIVITÉ DES AGENCES NATIONALES ANTICORRUPTION EN AFRIQUE DE L’OUEST
Quoique cette étude ne couvre que six pays d’Afrique de l’Ouest, les lecteurs intéressés par les questions de corruption en particulier et de la bonne gouvernance en général la trouveront assez utile pour susciter des interrogations similaires au sujet des institutions anti-corruption dans leur propre territoire ou dans de nombreux autres pays de l’Afrique. Ma conclusion à la lecture de ce rapport et à partir de ma propre expérience dans le domaine est que la corruption n’est qu’un symptôme de problème beaucoup plus sérieux de gouvernance. Bon nombre d’observateurs se plaisent à qualier ces agences de « tigres en papier » et à évaluer leur indépendance par le simple fait du nombre des poursuites réussies de « gros poissons ». A mon humble avis, ce critère est un indicateur incorrect. Les organismes de lutte contre la corruption sont habituellement plus ecaces lorsqu’ils sont intégrés dans l’architecture de la gouvernance générale et quand ils sont bien domestiqués. A eux seuls ils ne peuvent pas lutter contre la corruption. Nous avons du pain sur la planche si nous voulons réellement améliorer le niveau d’ecacité de ces organismes. Je fais le vœu que cette recherche va contribuer de façon signicative à faire avancer le débat en vue de cet objectif.
Abdul Tejan-Cole Directeur Exécutif, OSIWA Ancien président de la Commission anti-corruption de Sierra Leone
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1 UN A PERÇU GÉNÉR A L Stéphane Bobé Enguéléguélé
Les politiques de renforcement de la gouvernance publique et de lutte contre la corruption se sont épanouies en Afrique de l’Ouest et au Sahel, à la faveur de la découverte des relations très labiles entre le sous-développement institutionnel, l’inecience des politiques publiques et l’instabilité politique. Les pays d’Afrique de l’Ouest ont créé des organes de lutte contre la corruption de manière plus ou moins simultanée à partir du milieu des années 2000. Il s’agit de l’implémentation locale d’une dynamique mondiale, que l’Afrique était sommée de rejoindre, sous la contrainte parfois honteuse des ajustements structurels, 1 et de l’initiative PPTE .
A. Corrupon et faïbesse endémïque de ’Etat Des États faibles, dotés de capacités d’action relativement nulles, s’étaient montrés incapables de garantir l’accès du plus grand nombre aux services publics de base, et nalement d’assurer la sécurité des centres politiques. Simultanément des catastrophes naturelles révélaient tout à la fois l’insécurité et la forte exposition des peuples à des risques majeurs, souvent d’origine climatique. La corruption se développait de manière saillante dans la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest. Cette corruption est liée aux mutations des systèmes économiques lorsque la dérégulation a généralement favorisé l’opacité des transactions, alors que la logique libérale devait imposer la transparence. Yves Mény explique justement que,le bouleversement des situations acquises, voire des rentes du passé a créé les conditions de situations spéculatives où il était possible d’acquérir rapidement et sans 2 besoin de beaucoup de travail ou de capital des bénéîces considérables. Ces situations spéculatives se développent à la faveur d’une transformation du lien entre économie marchande et économie politique, et de l’apparition de nouveaux entrepreneurs politiques imbriqués 3 dans les aaires marchandes.
1L’ïnïave pays pauvres rès endeés(« Inïave PPTE ») es un programme conjoïn du Fonds monéaïre ïnernaona e de a Banque mondïae ancé en 1996 pour assïser es pays es pus pauvres du monde en rendan eurs dees ïnernaonaes « souenabes ». voïr : hps://www.ïmf.org/exerna/np/exr/facs/fre/ hïpcf.hm.2 Y. Mény, Corrupon, poïque e démocrae, Conluences, N° 15/1995, p 15. 3 Ibïd p 16.
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EFFEC TIVITÉ DES AGENCES NATIONALES ANTICORRUPTION EN AFRIQUE DE L’OUEST
La corruption a son origine dans ces bouleversements qui changent la nature de l’État et de la relation de service public ; il s’agit aussi d’une corruption de subsistance, une petite corruption qui questionne l’accès des plus humbles aux services publics. La corruption tend dans ce contexte à devenir fonctionnelle dans ces sociétés, alors que la mondialisation des économies s’accompagne d’une nouvelle division internationale du travail transformant les États périphériques en zones privilégiées de production de richesses illégales, ayant leur source dans la prédation et le siphonage de la fortune publique et des ressources naturelles, ensuite recyclées dans l’o-shore. J.F. Bayart, S. Ellis et B. Hibou qui ont bien analysé les processus, les dénissent comme la généralisation au sein de l’Étatde pratiques dont l’incrimination est patente, soit au regard des critères juridiques nationaux en vigueur, soit et surtout au 4 regard des critères du droit international. L’observatoire géopolitique des drogues propose quelques concepts pour rendre compte de ce phénomène. Lesnarco-étatsentretiennent ainsi, dans des congurations variables, des relations singulières avec les milieux du trac des stupéants ; ici, dessecteurs de l’appareil 5 d’état proîtent directement, pour une part importante, voire essentielle, des revenus du narcotraîc.La nature de ces relations varie d’un contexte géopolitique à l’autre : dans certains cas, les ressources procurées par les tracs contribuent à l’enrichissement de l’État dont elles constituent un facteur essentiel des politiques économiques sinon même budgétaires. Dans d’autres cas, la démultiplication des relations politique/crime est liée à la déliquescence des pouvoirs régaliens dans certaines régions. Les traquants deviennent des rivaux sinon des partenaires d’un État privé des instruments de son autorité. Dans certains cas également, 6 le crime est une ressource privée du politique. Les intérêts du narcotrac pénètrent les rouages du jeu politique, se substituent aux mécanismes réguliers de la compétition élective. Par ailleurs, dans les narco-démocraties, des pans entiers de l’économie tombent dans le giron de pouvoirs privés, qui tirent l’essentiel de leur puissance de tracs et aussi de leur organisation en véritables groupes de pression et en réseaux d’inuence. On assiste enn à la systématisation d’une collaboration de fait entre les organisations criminelles et une fraction de l’élite politico-administrative qui participe parfois de ces groupes que le droit pénal dénit pourtant encore comme des criminels. Les États vont découvrir les incidences macroéconomiques absolument catastrophiques de la corruption et de l’inexistence de l’État de droit. La corruption apparaît au grand jour comme l’un des premiers termes d’une logique criminelle qui permet à certaines élites politiques ou économiques, d’accumuler des fortunes détournées au détriment du développement de pays pauvres. Le coût pour la communauté internationale, sans cesse exposée au reproche de ne pas faire assez pour l’aide au développement, est considérable. Les élites corrompues deviennent, à travers le blanchiment, des modernisateurs de la nance criminelle : le blanchisseur d’aujourd’hui est un professionnel pragmatique qui a les moyens d’investir une
4 J.F Bayard e a,La crïmïnaïsaon de ’Éa en Afrïque, Bruxees, 1997page 36. 5 Observaoïre géopoïque des drogues, Éas des drogues, drogues des Éas, Hachee, coecon Purïe ïnervenon, 1994 p 12. 6 Ibïd.
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UN APERÇU GÉNÉRAL
fraction des fonds à blanchir pour recycler ecacement l’argent sale ; il agit rationnellement sur la base d’un arbitrage permanent entre objectifs et contraintes ; il dispose d’une gamme d’outils qu’il peut utiliser seuls ou en combinaison pour monter autant d’opérations de 7 blanchiment que son imagination et ses moyens lui permettent . Les chocs économiques générés par les ux massifs d’argent sale recyclés ne frappent pas seulement de plein fouet les systèmes locaux, mais perturbent à terme le système économique international. Les incidences sont cependant plus fortes sur les systèmes périphériques, par dénition moins structurés et moins armés que les économies des pays développés, pour résister aux secousses fatalement générées par l’économie criminelle.
B. Organïser a ue contre a corrupon Cet environnement a permis l’émergence d’un nouveau discours sur la réforme de la gouvernance publique, impliquant la prévention et la répression de la corruption : on 8 assiste de fait, à l’émergence d’unepolice morale de l’anticorruption .Ce nouveau système de représentation voit des réaménagements des perceptions du politique, où la corruption est lue à partir d’un discours dépassant les postures politistes et néo-patrimoniales classiques. Ces dépassements rendent possibles de nouvelles approches, où n’est plus en causela corruption et sa puissance de qualiîcation de situations politiques ou de comportements déviants (…) mais plutôt les conditions d’engendrement de nouveaux sens de cette notion pour qu’elle s’inscrive dans une 9 logique réaménagée .La corruption est perçue sous l’angle du basculement des signications dans l’ordre des discours et des représentations. Jusqu’alors,la corruption en Afrique était prise dans un régime imaginaire que l’on pourrait qualiîer de diurne, c’est-à-dire qu’elle ne pouvait que subir la puriîcation du règne à venir des pensées transcendantes, un avènement de nouvelles institutions 10 politiques qui balaieraient les scories d’un monde îni.Moderniser l’Etat c’était dépasser la gestion clientéliste et néo-patrimoniale de la chose publique, et instaurer un régime derigueurqui installerait la gouvernance sous le sceau du renouveau. La corruption est désormais perçue comme une menace globale, qui, en raison de son caractère transversal, autorise 11 unegouvernance par l’extérieur, et.une économie morale plus urgente et plus rigoureuse C’est dans ce cadre que se situent les initiatives tendant à réformer la gouvernance publique, et inspirer, à partir d’instruments juridiques régionaux et internationaux, des processus de réforme. Ces initiatives sont d’un double ordre. Elles émanent d’abord des organisations non gouvernementales qui, telles Transparency International, vont contribuer à placer en haut de l’agenda des États et des organisations internationales, la promotion de l’État de droit et la lutte contre la corruption. Pour Transparency international, la structuration
7 M.-C Dupuïs,Fïnance crïmïnee. Commen e crïme organïsé banchï ’argen sae, Parïs PUF 1998 p 4 8 O. Vaée,La poïce morae de ’ancorrupon. Cameroun, Nïgerïa, Karhaa coecon Les Afrïques, Parïs 2010. 9 Ibïd. page 29. 10 Ibïd. 11 Ibïd. page 42.
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EFFEC TIVITÉ DES AGENCES NATIONALES ANTICORRUPTION EN AFRIQUE DE L’OUEST
d’un système national d’intégrité constitue ainsi un indicateur de politiques ecientes de lutte contre la corruption. Il s’agit de doter les sociétés d’un corset d’institutions destiné à réduire au maximum l’inuence de la corruption et garantir l’État de droit. Les gouvernants doivent
adoper une approche gobae, an dans ’anayse que dans es sraégïes d’approche. Les souons préconïsées, réaïses e concrèes, son arcuées e reïées en un sysème cohéren. En déinïve, e déi consïse à mere en pace un sysème de ransparence e de responsabïïé, avec un doube objecf : prévenïr a fraude en faïsan de a corrupon une enreprïse à hau rïsques e à pes prois e, orsqu’ee se manïfese, a sanconner sysémaquemen, 12 ’ïmpunïé éan ïncompabe avec ’ïnégrïé .
La promotion d’un système national d’intégrité vise ainsi à inciter les acteurs à appréhender le problème et les solutions de manière diérente, en passant à un système à responsabilité à la fois verticale et horizontale. Ici
se créé un cerce verueux où es dïérens ïnervenans son responsabes es uns envers es aures e où aucun dïrïgean nï aucune ïnsuon n’es pus en posïon de domïner e rese du sysème. Des ïens enre es dïverses pares du sysème d’ïnégrïé se ssen e se consoïden. Le cerce se referme par a 13 sancon des éecons quï obïgen à rendre des compes au peupe .
L’équilibre de tout le système repose sur l’obligation de rendre compte, notion qui va inspirer les réformes des appareils d’État, et la création d’institutions destinées à garantir l’intégrité et la redevabilité. Car, dans la perception de Transparency International, le système national d’intégrité repose sur des piliers institutionnels (législatif, exécutif, judiciaire, service public, corps d’inspection et de contrôle, société civile, médias, organisations internationales), dont il s’agira de garantir tout à la fois la solidité, l’indépendance, la transparence et l’intégrité du fonctionnement. Ces initiatives émanent ensuite des organisations de coopération régionale et internationale, qui vont élaborer un maillage relativement dense de textes, supposés inspirer les réformes au sein des États, en vue d’améliorer la gouvernance, par la neutralisation de la corruption et la promotion de l’État de droit. Ces conventions régionales et internationales structurent ainsi la création institutionnelle par les États membres, par ailleurs engagés dans des stratégies d’harmonisation technique de leurs dispositifs de lutte, au sein d’organisations de coopération régionale (CEDEAO, UEMOA). Il s’élabore un champ d’institutions, où se construisent des régulations et le cadre de politiques publiques. Car, le renforcement de l’intégrité suppose la mise en place d’organismes chargés, à diérents
12 TI,Combare a corrupon. Enjeux e perspecves, Parïs Karhaa 2002 page 64. 13 Ibïd. page 65.
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UN APERÇU GÉNÉRAL
14 niveaux, de garantir la abilité du système national d’intégrité. Du niveau international au niveau local, se met en place un maillage juridique destiné à appréhender la corruption et la traiter, selon un modèle univoque et homogène. La Convention des Nations Unies contre la corruption a mis à la charge des États signataires la création dans leurs systèmes juridiques d’instances spécialement dédiées à la prévention et à la répression de la corruption et de l’enrichissement illicite. L’article 6 de cette Convention énonce que :
1. Chaque Éa pare faï en sore, conformémen aux prïncïpes fondamenaux de son sysème jurïdïque, qu’exïsen un ou pusïeurs organes, seon qu’ï convïen, chargés de prévenïr a corrupon par des moyens es que : a) L’appïcaon des poïques vïsées à ’arce 5 de a présene Convenon e, s’ï y a ïeu, a supervïsïon e a coordïnaon de cee appïcaon ; b) L’accroïssemen e a dïusïon des connaïssances concernan a prévenon de a corrupon. 2. Chaque Éa pare accorde à ’organe ou aux organes vïsés au paragraphe 1 du présen arce ’ïndépendance nécessaïre, conformémen aux prïncïpes fondamenaux de son sysème jurïdïque, pour eur permere d’exercer eîcacemen eurs foncons à ’abrï de oue ïnluence ïndue. Les ressources maérïees e es personnes spécïaïsés nécessaïres, aïnsï que a formaon don ces personnes peuven avoïr besoïn pour exercer eurs foncons, devraïen eur êre fournïs.
L’article 5-3 de la Convention de l’Union africaine contre la corruption reprend cette obligation pour les États africains, imposant la création d’organes qui, de manière concrète, seront chargés de lutter contre la corruption. Ce texte engage les pays membres àmettre en place, rendre opérationnelles et renforcer des autorités ou agences nationales indépendantes chargées de lutter contre la corruption.Tout en recommandant une spécialisation d’agences dans la prévention et la détection des activités de blanchiment et de nancement du terrorisme, le Groupe d’Action Financière Internationale (Ga) invite de son côté les États à désigner des institutions auxquelles serait impartie la coordination politique des stratégies de prévention et de répression des crimes économiques. La première recommandation révisée du Ga dispose ainsi :
Les pays devraïen ïdenier, évauer e comprendre es rïsques de banchïmen de capïaux e de inancemen du errorïsme auxques ïs son exposés e devraïen prendre des mesures, parmï esquees a désïgnaon d’une auorïé ou d’un mécanïsme pour coordonner es acons d’évauaon des rïsques e mobïïser des ressources ain de s’assurer que es rïsques son eîcacemen aénués.
14 Pnud,Lue conre a corrupon. Noe praque, févrïer 2004, page 17.
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