Entre empire et nations : Penser la politique étrangère
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Description

Avec la chute du mur de Berlin, un système international a disparu ; un autre, tout différent, a pris sa place. À demeurer immobile face à ce changement radical, la politique étrangère de la France se condamne à l’immobilisme. N’est-il pas temps de se demander ce qu’est au juste une politique étrangère et si l’Europe peut indéfiniment lui servir d’alibi ? N’est-ce pas à l’intérêt national qu’il faut en demander le secret ? En quoi consiste-t-il ? Et, s’il se confond avec la sécurité du pays, sur quoi aujourd’hui celle-ci peut-elle reposer ? Voici les questions que pose ici Gabriel Robin, sans tabou ni souci des idées reçues. Et il veut en chercher les réponses dans les leçons de l’histoire, dans l’expérience qu’il a de la diplomatie, dans l’évidence qu’imposent les derniers développements de l’actualité internationale. Pour arracher la politique étrangère aux ornières du passé et lui ouvrir des perspectives qu’à tort on croit fermées, ne faut-il pas d’abord faire l’effort de la penser ?Gabriel Robin, ambassadeur de France, a été conseiller diplomatique des présidents Pompidou et Giscard d’Estaing, puis directeur politique au Quai d’Orsay avant de devenir représentant permanent de la France au Conseil de l’OTAN. Il a notamment publié Un monde sans maîtres. Ordre ou désordre entre les nations ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 août 2004
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738167798
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Gabriel Robin
ENTRE EMPIRE ET NATIONS
Penser la politique étrangère
www.centrenationaldulivre.fr
© O DILE J ACOB , AOÛT 2004 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
ISBN : 978-2-7381-6779-8
www.odilejacob.fr
Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2° et 3° a, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Cette ouvrage a été numérisé en partenariat avec le Centre National du Livre.
Introduction

La politique internationale est comme un vaste théâtre où il n’y a jamais de relâche et où se répètent sans fin les pièces d’un répertoire apparemment inépuisable. Les hommes politiques y tiennent la vedette, et c’est pour eux que s’allument les feux de la rampe ; mais le gros de la troupe, ceux qui font le service et assurent la continuité du spectacle, ce sont les diplomates. Ils sont partout. Tantôt ils sont sur la scène pour donner la réplique ou remplir les intermèdes en qualité de confidents, de récitants ou de simples figurants ; tantôt ils s’activent derrière le rideau à changer les décors, à moduler les éclairages ou à préparer les artistes dans leurs loges.
Quelque trente années durant, j’ai appartenu à la troupe. J’y ai rempli tour à tour divers emplois et j’ai été des principales représentations, moins souvent, à vrai dire, sur les planches que dans l’ombre des coulisses ou dans le trou du souffleur. On ne fait pas si longtemps ce métier sans s’interroger non pas tant sur les petits bouts de rôles qu’on a eu à interpréter et qui de toute façon sont microscopiques que sur le spectacle lui-même, sa signification d’ensemble et sur l’intérêt qu’il mérite.
Ni cet intérêt ni ce sens ne paraissent très évidents quand on se souvient de tant de textes plus ou moins solennels, de communiqués, de déclarations, de chapitres de traités auxquels on a eu l’occasion de prêter la main et qu’on songe au peu que n’a pas emporté la fuite incessante de l’actualité ; ou qu’on se remémore ces rencontres, ces conférences et sommets en tout genre dont on se figurait qu’ils allaient faire l’Histoire et qui n’ont laissé derrière eux qu’un éphémère sillage sur lequel, déjà, les eaux de l’oubli se sont refermées. Aurait-on fait rien d’autre, alors, qu’écrire sur le sable ou labourer la mer ? Et faudrait-il renoncer à retrouver le fil d’une quelconque mélodie dans ce qui n’aurait été finalement que le bruit et la fureur d’un immense et éternel tintamarre ?
Ce serait conclure de façon par trop expéditive. Même réduite à ses seules ressources, la diplomatie, je m’en suis expliqué ailleurs 1 , ne mérite ni excès d’honneur ni indignité. Il ne faut pas plus se laisser prendre au décorum dont elle aime à entourer son cérémonial qu’à ce qu’il y a souvent de guindé, de convenu ou d’un peu ridicule dans son langage et ses manières. La vérité est qu’avec ses règles et ses limites, ses travers et ses réussites elle est ce que les États ont trouvé de mieux ou de moins mal pour organiser leurs rapports quand ils ont décidé de vivre en paix les uns avec les autres. Dans le cours des temps ordinaires, elle est une simple technique maniée par de bons ou de mauvais artisans pour remplir une fonction essentiellement utilitaire, quitte pour les meilleurs à la relever d’un tour ludique ou décoratif.
Il arrive, toutefois, qu’entre les mains d’un Richelieu ou d’un Mazarin, d’un Pitt ou d’un Bismarck, ou d’un de Gaulle, la prose de la diplomatie se change en poésie et que la technique s’élève à la hauteur d’un art. Pour que ce miracle se produise, il faut que la diplomatie soit mise au service de quelque chose de plus grand qu’elle-même et qu’elle s’en trouve comme illuminée de l’intérieur. Ce quelque chose est proprement ce qu’on appelle une politique étrangère. Sa présence se reconnaît sans peine à l’éclat incomparable qu’elle donne à une diplomatie, mais son secret n’est pas si facile à percer.
Il l’est d’autant moins qu’on ne croit pas, en général, avoir besoin de s’en enquérir. Chacun est si bien persuadé de savoir ce que c’est qu’une politique étrangère que presque personne ne songe à le demander. S’en mêler passe pour n’exiger ni étude spéciale ni compétence particulière. Bref, la politique étrangère serait de ces choses qu’on sait sans avoir besoin de les apprendre.
Si cela était vrai, cependant, il faudrait qu’elle fût à la portée de tout un chacun et qu’on pût en faire comme M. Jourdain faisait de la prose, machinalement et sans y penser. Or c’est précisément ce qui ne se peut. Quoi que soit une politique étrangère, il est au moins sûr qu’elle est, d’abord, une pensée. Qu’une diplomatie se passe de pensée et fonctionne à l’aveugle, c’est à la rigueur concevable ; encore ne serait-elle pas des meilleures ; mais une politique étrangère sans dessein ni pensée pour l’éclairer et l’unifier n’est rien sinon un concept vide de sens, une contradiction dans les termes.
Pour qui, par conséquent, veut comprendre ce que c’est que la politique étrangère il n’y a pas d’autre démarche possible que de tenter de la penser. Telle est la vérité que voudrait illustrer ce livre.
Négativement, d’abord, en nous intéressant à titre préliminaire et initiatique à ce qu’on appelle la PESC (Politique étrangère et de sécurité commune). Voilà, en effet, le cas exemplaire d’une prétendue politique étrangère qui a un nom depuis le traité de Maastricht, mais qui, une douzaine d’années plus tard, se retrouve aussi dénuée de réalité qu’au premier jour, faute, précisément, d’être nourrie de la moindre pensée.
Mais positivement, surtout, en consacrant l’essentiel de notre enquête aux trois questions qui se posent à quiconque veut penser la politique étrangère, nous nous demanderons successivement de quoi elle procède, à quoi elle vise et en quoi elle consiste. Nous progresserons ainsi de ce qui lui sert de cadre à ce qui lui donne son axe et pour finir à ce qui forme son contenu.
Que le lecteur, cependant, ne se méprenne pas, les termes généraux dont l’auteur a dû user pour décrire les différentes étapes de l’enquête ne doivent pas induire en erreur. Ce livre n’a ni intention ni prétention théorique ; il n’y faut chercher ni longs développements doctrinaux ni savantes discussions académiques ; et l’on n’y trouvera d’ailleurs ni apparat critique ni annexe bibliographique. S’il lui arrive d’utiliser des concepts abstraits, ce sera toujours et d’un bout à l’autre pour en faire application à un unique cas particulier qui est à la fois très concret et très accessible puisqu’il est à égale distance de l’auteur et du lecteur : ce cas particulier est celui de la politique étrangère de la France de notre temps dans son actualité d’hier et d’aujourd’hui, y compris la plus brûlante.
Ce livre n’est pas un traité ; il n’en a ni l’autorité magistrale ni, espère-t-on, l’austérité scolaire. Il voudrait plus modestement avoir la liberté de pensée et de ton d’un essai. L’auteur ne sait pas s’il voit mieux que les autres, mais au moins voit-il avec ses propres yeux et convie-t-il le lecteur à en faire autant. Pour traiter son sujet, il ne s’est armé que de deux choses : ce qu’il a d’expérience de ce dont il parle et ce que la providence a bien voulu lui impartir de droite raison.

1 . Article « Diplomatie », in Dictionnaire de stratégie, Paris, PUF, 2000.
1
La PESC : un bibelot d’inanité sonore

« Il est institué une politique étrangère et de sécurité commune. » Gravée dans le faux marbre du traité de Maastricht, la formule est si lapidaire et si péremptoire que, pour un peu, on s’y laisserait prendre. Il y a dans cette annonce triomphale comme l’écho des premiers versets de la Genèse : « Que la lumière soit, et la lumière fut. » Ne sait-on pas, d’ailleurs, que le traité de Maastricht passe pour une bible et que ses auteurs se prennent volontiers pour des démiurges ? Pourquoi, alors, ne pas croire au miracle d’une nouvelle création ? C’est qu’ici la puissance supposée du verbe ne parvient à révéler que la légèreté de la pensée.
À défaut de savoir précisément ce qu’est une politique étrangère, quiconque s’est un peu mêlé de diplomatie, quiconque même a quelques notions d’Histoire sait au moins ce qu’elle n’est pas. Elle n’est pas de ces choses qui se décrètent d’un trait de plume un beau matin, comme on fait d’un droit de douane ou d’un jour de foire. Il ne suffit pas d’en faire retentir le nom pour la tirer du néant, ni même d’en prononcer le nom pour en comprendre le sens. Prétendre « l’instituer », c’est proprement ne savoir ni ce qu’on dit ni de quoi on parle.
Que, pourtant, il se soit trouvé des diplomates pour concevoir cette sottise, des juristes pour la mettre en forme, des ministres et des chefs d’État pour la couvrir de leur autorité, que, même, il ne se soit trouvé que peu d’intellectuels pour en dénoncer ou simplement en relever l’incongruité, c’est ce qu’on aurait du mal à comprendre, si l’on n’avait eu cent fois l’occasion d’observer à quel point le mot Europe est doté de nos jours de pouvoirs réellement magiques. Sa seule invocation suffit à faire vaciller des têtes qu’on aurait crues plus solides. À ceux qu’il ensorcelle, comme Jupiter à ceux qu’il veut perdre, il commence par ôter l’esprit et, fussent-ils réputés pour la sûreté de leur jugement, il n’est presque point d’inepties dont il ne les rende capables, ni d’évidence auxquelles il n’ait la force de leur fermer les yeux.
Aussi ne peut-on plus se contenter de montrer l’énormité du doigt. Nous sommes à une

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