L'Alinéa littéraire ou Le Rêve de Jacques Gringoire

Jeff Gilniat

Description

Vous connaissez sans doute les legs de Villon, les pensées de Pascal, les caractères de La Bruyère, les fables de La Fontaine et bien d’autres écrits de tailles plus ou moins courtes, poursuivant à tour de rôle un but satirique, didactique ou ludique, suscitant la révolte, la réflexion ou tout simplement le divertissement. Eh bien, voici que je vous propose comme nouveau genre "l’alinéa littéraire". Cette forme, vous le verrez, est simple et d’un abord facile. Vous pourrez donc, si vous en avez envie, passer vous-même à l’invention et imaginer une suite, un contexte, l’étoffe d’une histoire. Faites-en votre usage personnel.

Enfin, l’auteur espère bien que vous preniez goût à ce genre de rédactions et qu’une mode littéraire puisse s’en trouver. C’est là un de ses plus grands souhaits.

Sujets

• Political Science

Informations

• Publié par: Edilivre
• Date de parution: 26 mars 2015
• Nombre de lectures: 0
• EAN13: 9782332870162
• Langue: Français

Extrait

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ISBN numérique : 978-2-332-87014-8

© Edilivre, 2015
Citation


Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit.
(Jean d’Ormesson)
L’Alinéa littéraire ou Le Rêve de Jacques Gringoire
 
 
Jeune poète, Jacques Gringoire avait fait un rêve dans lequel il avait hérité d’une grosse fortune qui lui permettait d’acheter une maison dans un joli petit village de Provence tout pittoresque, avec boutique attenante. Sur la devanture de cette boutique, on pouvait lire : « Littérature à l’emporte-pièce : Alinéa littéraire. » Il était sûr qu’on ne s’y rendait pas pour acheter de la poterie ou des savons. Ce qu’on y trouvait, c’étaient des enveloppes contenant à chaque fois une feuille avec un alinéa fait maison, d’ordre littéraire, issu d’un quelque part mystérieux que monsieur Barrie aurait sans doute appelé « le pays imaginaire ». Cet alinéa était censé enchanter son acheteur, le stimuler à l’étude du monde, à la réflexion, et même à la rédaction d’un nouvel alinéa, sinon d’un texte ou d’un roman. Cette idée intriguait en premier lieu le village, puis se répandait aux alentours par les gens qui passaient dans le coin et remarquaient la boutique à l’enseigne inhabituelle. Même l’office de tourisme, à partir d’un certain moment, indiquait son adresse comme une curiosité de la région qu’il ne fallait pas manquer d’aller voir. Le négoce de monsieur Gringoire fleurissait.
1.
Devait-il vraiment entendre la leçon mise en avant par la fable et y souscrire sans plus ? Elle lui paraissait trop dure dans sa conclusion. La fourmi était inclémente, comme l’était la saison de l’hiver. Il lui semblait que la cigale n’avait pas chômé en chantant, qu’elle avait fait l’apport de l’art, ajoutant au quotidien l’agrément de la musique. Fallait-il donc lui en tenir rigueur à ce point et lui faire le reproche de n’avoir rien engrangé pendant la saison des récoltes ? La cigale se voyait condamnée à crever de faim, alors que la fourmi allait se recroqueviller dans son tas. La morale voulait s’en tenir là, intransigeante. Elle semblait implacable, comme un mur qui ne voulait reculer. Que pouvait-on y ajouter d’autre ? Que pouvait-on y changer ? Il fallait considérer que la fable n’était, en toute apparence, apte qu’à faire passer un unique message, un peu lapidaire dans l’histoire de la fourmi et de la cigale, et qu’on ne pouvait lui demander d’être exhaustive.
2.
Pendant le repas de midi, il avait posé la question à Catherine : comment, selon elle, les grands auteurs avaient-ils fait pour écrire leurs romans ? Elle lui avait répondu que les romans relevaient fondamentalement du genre épistolaire, que les romanciers adressaient leurs projets tout d’abord comme ébauches à un destinataire fictif ou réel, que souvent il s’agissait de l’éditeur même qui, prêt à financer l’entreprise, exigeait des renseignements sur le contenu et le développement du récit. Cette réponse un peu spontanée l’avait fortement impressionné et lui semblait logique. Mais à qui allait-il s’adresser, lui ? Au président de la République ? À Matignon ? Aux hommes et femmes de la nation qui reposent au Panthéon ? Il se promenait dans le jardin du Luxembourg. Mille questions lui traversaient l’esprit. Il avait le vertige.
3.
Fabrice Célestin se tint là, sur le littoral, et avait du mal à comprendre. Il pensait à sa mère, à cette femme formidable qui l’avait mis au monde dans les souffrances de l’enfantement. Elle ne lui avait certainement pas donné la vie pour qu’il reste sur une terre devenue hostile, où l’ennemi d’un régime massacreur le guettait à tout bout de champ. Fabrice était condamné à s’exiler. Mais il avait du...