L'Occident face à la renaissance de la Chine

Claude Meyer

Description

Face à un Occident atteint d’une forme de fatigue démocratique, la Chine poursuit résolument sa marche vers la superpuissance. Ce défi chinois, aujourd’hui économique et géopolitique, sera aussi à terme idéologique et culturel. Rivalité pour la suprématie mondiale, visions politiques incompatibles, choc des cultures : les relations entre la Chine et l’Occident seront-elles dominées par l’affrontement ? Cet essai poursuit un double objectif : décrypter les ambitions planétaires de la Chine et esquisser les contours d’un dialogue sino-occidental ouvert mais exigeant, sans angélisme ni diabolisation. Hors du champ politique, il existe en effet des domaines dans lesquels un dialogue approfondi entre l’Occident et la Chine permettrait de faire émerger les valeurs communes sur lesquelles fonder des coopérations ambitieuses et rendre ainsi plus habitable ce monde instable, miné par les inégalités et menacé par la montée des nationalismes. Un ouvrage essentiel pour mieux se préparer aux profonds bouleversements entraînés par l’irruption de la Chine dans un ordre mondial qu’elle entend remodeler. Claude Meyer, conseiller au centre Asie de l’IFRI, enseigne l’économie et les relations internationales à Sciences Po. Docteur en économie, diplômé en philosophie, sociologie et études asiatiques, il a notamment publié Chine ou Japon : quel leader pour l'Asie ?, Presses de Sciences Po, 2010 et La Chine, banquier du monde, Fayard, 2014 (colauréat du prix Turgot 2015). 

Sujets

• Political Science
• International Relations

Informations

• Publié par: Odile Jacob
• Date de parution: 30 mai 2018
• Nombre de lectures: 9
• EAN13: 9782738144669
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 26 Mo

Extrait

© O DILE J ACOB , JUIN  2018 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-4466-9
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Composition numérique réalisée par Facompo
À la mémoire de mes parents.
Avant-propos

Le XXI e  siècle sera-t-il celui de la Chine comme beaucoup d’analystes le pensent ? Selon leurs prévisions, elle détrônerait les États-Unis comme première puissance économique dans une dizaine d’années et s’imposerait comme leader mondial vers le milieu du siècle, juste à temps pour célébrer le centième anniversaire de la fondation de la République populaire de Chine en 1949. Les conséquences de ce basculement stratégique capital, s’il se réalise, sont encore difficiles à imaginer mais nul doute qu’elles se feront sentir dans tous les domaines, économique, géopolitique, voire civilisationnel. Cet ouvrage, qui analyse certaines de ces conséquences, poursuit un double objectif. Le premier est de donner au lecteur des repères essentiels sur les multiples défis posés à l’Occident par l’irruption de cette puissance chinoise dans un monde qu’il a si longtemps dominé. Le second est d’esquisser les conditions d’un dialogue à la fois exigeant, lucide et constructif malgré les nombreuses difficultés auxquelles il se heurte et dont certaines semblent pour l’heure insurmontables. Ce deuxième volet comporte évidemment une part de subjectivité et, pour éclairer le lecteur sur ce point, je voudrais résumer ce qui m’a conduit à écrire ce livre après des décennies consacrées à la découverte de l’Asie.
De formation à la fois philosophique et économique, j’ai conduit une double carrière d’universitaire spécialisé sur l’Asie et de banquier international dans une institution japonaise. Après avoir longuement étudié les évolutions de l’Asie et évolué dans un milieu professionnel de tradition confucéenne, le moment était venu de m’interroger sur les effets que le leadership chinois pourrait avoir sur le reste du monde, y compris sur le plan civilisationnel. La dimension culturelle est en effet cruciale dans le face-à-face Chine-Occident car ces univers, qui ont fortement divergé dans leur rapport à la modernité, se réclament chacun d’une civilisation éminente qui est tentée d’affirmer sa supériorité intrinsèque. La Chine étant étudiée ici dans sa globalité, l’approche retenue utilise donc les ressources de plusieurs disciplines, notamment l’économie, les relations internationales, l’histoire et la philosophie.
En cours de rédaction, j’ai bénéficié de nombreux soutiens auxquels je dois beaucoup. Je voudrais remercier ceux qui m’ont fait l’amitié de lire tout ou partie du manuscrit et m’ont fait part de leurs commentaires. J’exprime donc toute ma reconnaissance à Christian Sautter, Jean-Luc Domenach, Thierry Meynard, Benoît Vermander, Michel Bellaiche et François Hominal, sans oublier Tania et sa relecture aiguisée. Évidemment les jugements que j’exprime dans cet ouvrage n’engagent que moi et les erreurs qu’il peut contenir sont de mon fait. Sans pouvoir les citer tous, je voudrais remercier les hauts fonctionnaires et chercheurs chinois ou étrangers qui m’ont reçu à Pékin, Shanghai, Canton et Paris pour des interviews stimulantes. Merci aussi à mes collègues étrangers en Chine et au Japon qui m’ont accueilli pour des séjours d’enseignement ou de recherche, me permettant d’approfondir certains thèmes de cet ouvrage. Je remercie aussi la direction de PSIA-Sciences Po – Enrico Letta, Vanessa Scherrer et Stéphanie Balme – de m’avoir confié un enseignement de master qui a nourri au fil des années mes recherches et ma réflexion, grâce à l’inlassable curiosité d’étudiants d’une dizaine de nationalités. Je suis aussi très reconnaissant à Thierry de Montbrial, Dominique David et Françoise Nicolas de m’avoir accueilli à l’IFRI au sein du très dynamique centre Asie.
Je remercie vivement Odile Jacob et Bernard Gotlieb pour avoir cru en ce projet et l’avoir accueilli. Je suis très reconnaissant à Perrine Simon-Nahum de la confiance qu’elle m’a témoignée en me proposant le thème de ce livre, qui n’aurait pas vu le jour sans ses encouragements. Merci aussi à toute l’équipe des Éditions Odile Jacob, notamment Gaëlle Jullien.
Si j’ai pu poursuivre ce long travail, c’est grâce aux encouragements et à l’affection de ma famille et je remercie du fond du cœur Dyssia, Tania et Yannick pour leur indéfectible soutien.
Introduction

« Il n’est pas exclu que [la Chine] redevienne au siècle prochain ce qu’elle fut pendant tant de siècles, la plus grande puissance de l’univers 1 . »
Charles DE G AULLE .

« [Au milieu de ce siècle], la Chine se hissera au premier rang du monde en termes de puissance globale et de rayonnement international. »
X I J INPING 2 .

Renaissance de l’ancien empire du Milieu… Le général de Gaulle l’avait pressentie, le président Xi Jinping l’a solennellement proclamée devant le Congrès du Parti communiste chinois le 18 octobre 2017 : cette renaissance devrait permettre à la Chine de s’imposer comme première puissance mondiale vers 2050 et de retrouver ainsi la place qui était la sienne jusqu’au début du XIX e  siècle 3 . Voilà l’avenir radieux que le « nouvel empereur rouge » promet au pays, voilà donc dévoilé ce « rêve chinois de la grande renaissance de la nation chinoise » qu’il annonçait le 17 mars 2013 dans son discours inaugural comme président. Cette restauration de la grandeur passée, les Jeux olympiques de Pékin en 2008, puis l’Exposition universelle de Shanghai en 2010 l’avaient déjà mise en scène, célébrant avec éclat le retour spectaculaire de la Chine sur la scène internationale.
La scénographie de ces manifestations fut pensée dans les moindres détails, tel le poster d’apparence anodine qui annonçait l’ouverture des J.O. de Pékin. À y regarder de plus près, il se révélait pourtant très éloquent sur le sens que la Chine donnait à l’événement comme métaphore de ses ambitions planétaires. Pour illustrer la continuité des Jeux de Pékin avec ceux d’Athènes en 2004, cette affiche représentait le passage de témoin entre deux coureurs, l’un de la Grèce antique, l’autre de la Chine des Han, premier âge d’or de l’empire du Milieu (de 206 av. J.-C. à 220 apr. J.-C.). Continuité, vraiment ? Rupture plutôt, car cette image était aussi le symbole subliminal de la renaissance chinoise : la Chine héritière des Han était de retour et prenait le relais de cet Occident héritier d’Athènes, désormais en proie au doute, voire au déclin. Pour faire bonne mesure, les Jeux s’ouvraient le 8 août 2008 par une rutilante dramaturgie qui mettait en scène cette renaissance de façon éclatante et rappelait au monde la vitalité et la créativité d’une Chine éternelle, au-delà des tribulations et des humiliations passées. La date, elle aussi, avait été choisie avec soin : le 8/8/08 était un jour triplement faste par la répétition du chiffre 8, symbole de fortune et de bonheur.
En 2017, la symbolique de cette renaissance chinoise face à un Occident en crise a pris un tour plus personnel. Le contraste n’est plus alors seulement conceptuel, il s’incarne dans les personnalités opposées des dirigeants de la première et de la deuxième puissance mondiale. Le 20 janvier 2017, Donald Trump est investi 45 e  président des États-Unis sur fond de contre-manifestations. Ces mouvements de protestation tranchent avec un autre événement majeur qui intervient neuf mois plus tard à Pékin. C’est en effet triomphalement que Xi Jinping – secrétaire général du Parti communiste chinois (PCC) et président de la République populaire de Chine (RPC) – est reconduit le 25 octobre par le XIX e  Congrès du PCC pour un nouveau mandat de cinq ans.
La déclaration d’investiture du nouveau président américain se borne à paraphraser son slogan lapidaire : « À compter d’aujourd’hui, ce sera l’Amérique d’abord et seulement l’Amérique ! » À l’opposé, le maître de la Chine prononce devant le Congrès un discours de plus de trois heures, annonçant « une nouvelle ère » pour le socialisme à la chinoise et déroulant jusqu’au milieu du XXI e  siècle les différentes étapes de la marche de la Chine vers la superpuissance. Myopie contre ample vision du futur : tout sépare les deux hommes, sur le style comme sur le fond.
Sur le style d’abord : autant Donald Trump est impulsif, imprévisible et incohérent, autant Xi Jinping est placide, mesuré et résolu. Réactions compulsives à l’actualité d’un côté, vision à long terme de l’autre : le premier « tweete » frénétiquement, le second expose dans des discours-fleuves sa vision du futur, tant pour le développement de la Chine que pour son rôle dans le monde. Sur le fond, le contraste est tout aussi saisissant dans le traitement des grands dossiers internationaux. Sur les questions du libre-échange et du réchauffement climatique par exemple, les deux dirigeants jouent à fronts renversés. Face au protectionnisme revendiqué par Donald Trump, Xi Jinping entonne au forum de Davos, haut lieu du capitalisme libéral, un hymne à la mondialisation, salué par une standing ovation de l’auditoire.
Dès son arrivée au pouvoir, Trump fait deux incroyables cadeaux à la Chine, validant ainsi le titre prémonitoire de la revue Foreign Policy du 9 novembre 2016 : « La Chine vient de gagner l’élection américaine ». Premier cadeau le 23 janvier 2017 : le président américain décide brutalement de se retirer du Partenariat transpacif