LE YEMEN EN GUERRE
38 pages
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Description

Que comprendre de la tragédie qui frappe le Yémen depuis 2015 ? Quelles sont les causes et les conséquences de cette guerre qui continue de faire des milliers de victimes et dont la complexité des enjeux est apparemment inextricable ? Initialement un conflit intérieur entre le mouvement houthiste et le gouvernement central, la guerre qui fait rage au Yémen s’internationalise en 2015 lorsque l’Arabie saoudite et ses partenaires interviennent en soutien au gouvernement central afin de contrer les houthistes, eux-mêmes proches de l’Iran. Jonglant entre les multiples factions ennemies ou amies, et les motivations souvent contradictoires des acteurs, l’auteur montre comment les puissances extérieures ont profité de la faiblesse de l’État central pour faire du Yémen un théâtre de leurs affrontements. Il analyse l’internationalisation de la guerre et brosse un tableau très sombre des perspectives de stabilisation du pays.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 septembre 2021
Nombre de lectures 4
EAN13 9782760644069
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Thomas Juneau
Le Yémen en guerre
Entre fragmentation et internationalisation
Les Presses de l’Université de Montréal





Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Titre: Le Yémen en guerre. Entre fragmentation et internationalisation / Thomas Juneau. Nom: Juneau, Thomas, auteur. Description: Mention de collection: Le monde en poche Comprend des références bibliographiques. Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 20210048123 Canadiana (livre numérique) 20210048131 ISBN 9782760644045 ISBN 9782760644052 (PDF) ISBN 9782760644069 (EPUB) Vedettes-matière: RVM: Yémen—Histoire—2015- (Guerre civile) RVM: Yémen—Relations militaires. Classification: LCC DS247.Y48 J86 2021 CDD 953.305/3—dc23 Mise en pages: Chantal Poisson Dépôt légal: 3 e trimestre 2021 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2020. www.pum.umontreal.ca Les Presses de l’Université de Montréal remercient de son soutien financier la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).





Introduction
Lorsque la vague de soulèvements qui balaie le monde arabe atteint le Yémen au début 2011, le pays est déjà au bord de l’effondrement après des décennies de mauvaise gouvernance et de tensions internes. Le Yémen est alors l’État le plus pauvre du monde arabe, il manque cruellement de ressources naturelles, ses infrastructures limitées s’écroulent et ses systèmes de santé et d’éducation ne satisfont pas à la demande d’une population croissante. La stabilité du pays est d’autant plus secouée dans les années 2000 par l’émergence au nord-ouest des rebelles houthistes et par le renouveau au sud d’un fort sentiment séparatiste. L’année 2011 va ensuite marquer un tournant: les luttes acharnées au sein de l’élite du régime provoquées par la descente dans la rue des protestataires forcent le départ du président de longue date, Ali Abdallah Saleh.
Mais les espoirs d’une transition qui pourrait mener à des jours meilleurs sont de courte durée: le processus de dialogue national qui suit ne suffit pas à établir un nouveau contrat social. Les houthistes prennent alors le contrôle de la capitale en 2014, poussant le gouvernement internationalement reconnu vers le sud, puis vers l’exil en Arabie saoudite. C’est dans ce contexte déjà difficile que l’Arabie saoudite intervient militairement au Yémen en mars 2015 à la tête d’une coalition de dix États principalement arabes et sunnites, plongeant le pays encore plus profondément dans une spirale de violence et de désespoir dont il est difficile de voir aujourd’hui une issue.
Ce petit ouvrage analyse l’internationalisation de cette guerre, ou comment des puissances extérieures ont profité de la faiblesse de l’État yéménite pour faire du pays un théâtre de leurs affrontements. L’ouvrage commence par un bref survol historique, retraçant l’accumulation des tensions qui mènera à leur explosion en 2011. Le deuxième chapitre analyse ensuite les événements de 2011 à 2015, alors que le Yémen s’enfonce progressivement dans une spirale de violence. Puis, le troisième chapitre se concentre sur l’internationalisation de ce qui était, à l’origine, une guerre civile. Enfin, le quatrième chapitre dresse, sous un angle plutôt pessimiste, un bilan des conséquences de cette guerre et des perspectives de paix.





Le Yémen jusqu’en 2010
La guerre qui fait rage au Yémen est, initialement, un conflit intérieur entre le mouvement houthiste et le gouvernement central, conflit qui s’internationalise en 2015 lorsque l’Arabie saoudite et ses partenaires interviennent en soutien au gouvernement central afin de contrer les houthistes, eux-mêmes proches de l’Iran. Ces événements suivent un schème historique: le Yémen a été, tout au long de son histoire, la cible d’interventions par des puissances extérieures qui ont exacerbé des tensions locales préexistantes. Ce serait toutefois une erreur, ou à tout le moins une simplification réductrice, de décrire le pays comme un acteur passif, le récipiendaire plus ou moins inerte des actions d’acteurs plus puissants. Même dans ses grands moments de faiblesse, le Yémen – comme État unitaire, ou comme la somme des acteurs locaux qui, ensemble, représentent le pays sur la scène internationale – a toujours eu ses propres intérêts et bénéficié d’une certaine autonomie.
Tout au long de l’histoire du pays, en effet, les Ottomans, les Britanniques et d’autres interviennent au Yémen, contribuant chacun à façonner le pays que l’on connaît aujourd’hui – ses frontières, ses habitants, son évolution politique. Entre 1962 et 1970, par exemple, un conflit entre forces républicaines et royalistes s’est internationalisé lorsque, dans un contexte de guerre froide arabe, l’Arabie saoudite soutient l’imam zaydite renversé en 1962 par les républicains, eux-mêmes soutenus par l’Égypte de Gamal Abdel Nasser 1 . Puis, en novembre 1990, le Yémen nouvellement unifié s’oppose à la résolution 678 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui autorise le recours à la force par la coalition menée par les États-Unis contre l’Iraq après son invasion du Koweït. Motivée par l’affinité de Saleh envers Saddam Husayn ainsi que par l’opinion publique yéménite largement opposée à la perspective d’une intervention américaine, cette décision coûte cher: environ un million de travailleurs yéménites sont expulsés des riches pétromonarchies voisines, principalement d’Arabie saoudite. La perte de la rente que représentaient leurs salaires, combinée au choc de l’unification, fait saigner l’économie déjà fragile du pays.
Le contexte est différent aujourd’hui, bien entendu, mais il est possible de tracer certains parallèles historiques. Des puissances internationales profitent de l’espace créé par un conflit intérieur au Yémen pour tenter d’étendre leur influence et exercer une pression sur leurs adversaires. Il s’agit certes d’une description juste des actions de Riyad, Abou Dhabi, Téhéran et Washington aujourd’hui 2 . Cela dit, toute description de la guerre depuis 2015 – ou de celle des années 1960 – comme un conflit par procuration ( proxy war ) au sein duquel les grandes puissances manipulent de petits acteurs locaux est, au mieux, incomplète. En effet, les acteurs yéménites n’hésitent pas à requérir ce soutien étranger ni à manipuler leurs donateurs dans la poursuite de leurs propres objectifs intérieurs – même lorsqu’ils divergent de ceux des puissances extérieures qui les soutiennent.
En plus du cliché du Yémen en tant qu’acteur passif, un second mythe commun est celui du conflit sectaire. La guerre au Yémen présente certes une dimension sectaire: les houthistes sont des chiites zaydites, et plusieurs de leurs adversaires sont non seulement sunnites, mais aussi islamistes. Il est également vrai que les puissances extérieures qui interviennent au Yémen n’hésitent pas à mobiliser des identités sectaires locales dans la poursuite de leurs intérêts. Malgré cette réalité, il est, encore une fois, incomplet de réduire la guerre au Yémen à une simple dynamique sunnite-chiite, ce que plusieurs journalistes et politiciens font fréquemment en assimilant les houthistes et l’Iran à des «chiites» et le gouvernement central et ses partenaires étrangers à des «sunnites».
La guerre au Yémen est, d’abord et avant tout, née d’une dynamique locale: une compétition entre acteurs yéménites qui cherchent à maximiser leur part des ressources limitées d’un pays appauvri. Ces acteurs ont ensuite progressivement mobilisé le soutien de puissances extérieures qui partagent leurs intérêts, même si cet alignement n’est souvent que partiel. Les différentes factions au sein de l’écosystème politique yéménite manipulent donc, à leur façon, les jeux d’influence déjà engagés entre l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Iran et les États-Unis. Afin de mieux comprendre les conditions qui ont mené à l’explosion puis à l’internationalisation de la violence au Yémen au cours des dernières années, commençons toutefois par un bref survol de l’histoire du pays.
Le contexte historique
Le nord du Yémen est gouverné, de 890 jusqu’en 1962, par une succession presque continue d’imamats zaydites, à la puissance et aux frontières fluctuantes. Les zaydites représentent une petite minorité au sein de la famille chiite, elle-même minoritaire au sein du monde musulman. La très grande majorité des chiites sont en effet duodécimains, puisqu’ils reconnaissent une lignée de douze imams issus de l’union entre Ali, cousin du Prophète Mohammad, et Fatima, fille du Prophète. Le douzième imam – le mahdi , ou messie – a été, selon les duodécimains, occulté par Dieu et reviendra à la fin des temps établir le règne de la justice sur terre.
Le chiisme zaydite, quant à lui, est né d’une dispute au sujet de la succession du quatrième imam: la majorité des chiites prête allégeance à l’un de ses fils, alors qu’une petite minorité demeure loyale à un autre fils, Zayd ibn Ali. La révolte qu’il attise est brutalement réprimée, et Zayd y trouve la mort. Ses disciples, les zaydites, ont néanmoins perduré et se concentrent aujourd’hui presque exclusivement au Yémen.
Les zaydites forment la majorité des populations des régions montagneuses du nord-ouest du Yémen et environ 40% de la population totale du pays; le reste adhère à l’école chaféite de la branche sunnite. Les zaydites se distinguent par leur croyance selon laquelle seules les familles de descendants du Prophète – les sada – ont la légitimité nécessaire pour gouverner les fidèles. Le pouvoir – l’imamat – doit aussi revenir à celui qui est le plus apte à mener la lutte armée contre l’injustice. La société zaydite est ainsi fortement stratifiée, avec une caste historiquement supérieure, les sada, dont fait partie la famille al-Houthi. Ce sera d’ailleurs un fort

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