Les Lois du sarkozysme
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Les Lois du sarkozysme , livre ebook

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Description

Le vrai visage du sarkozysme, dévoilé par un éminent juriste, conjuguant la finesse de l’analyste et la verve du polémiste. Thomas Clay est professeur agrégé de droit privé, doyen honoraire de la faculté de droit et de science politique de l’université de Versailles vice-président de l’université et associé-gérant de Corpus Consultants.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 mars 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738177254
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

©  O DILE J ACOB, MARS 2013
15, RUE S OUFFLOT, 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-7725-4
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Sommaire
Couverture
Titre
Copyright
Introduction
I - Une destruction méthodique des valeurs du pacte républicain
En finir avec les grandes lois de la IIIe République
En finir avec les acquis de l’après-guerre
II - L’installation méthodique des valeurs du sarkozysme
La promotion du modèle américain
L’individualisme comme nouveau paradigme
Conclusion
Du même auteur
Introduction

Alors que l’on pouvait croire le sarkozysme brouillon et obsessionnellement rivé à l’actualité, sans idéologie, sans projet véritable, sans vision d’avenir, son décryptage montre au contraire une pensée politique parfaitement structurée qui s’est acharnée à insuffler de nouvelles valeurs à notre pays, en détricotant méthodiquement celles qui l’ont fait ce qu’il est. La mutation a été d’autant plus insidieuse qu’elle a été masquée par un impressionnisme de surface, qui égarait par son approche faussement confuse.
Derrière ce quinquennat simplement réactif en apparence, on discerne en réalité une pensée à l’œuvre, une volonté de transformer nos valeurs, coûte que coûte. A priori rien de critiquable, car tel peut bien être le rôle d’un président élu. À condition de l’avoir été pour cela. Or on ne trouve rien de tel dans la campagne de 2007 et la défaite de 2012 marque le rejet de cette greffe forcée : les Français n’ont pas voulu de ce nouvel univers référentiel. L’absence de légitimité démocratique résultant d’un choix clair présenté au peuple n’a pas été considérée comme un obstacle : le renversement des valeurs serait imposé, en force s’il le fallait, et c’est à quoi on a assisté pendant plus de cinq ans.
Tel un écran de fumée, la confusion savamment entretenue a égaré jusqu’aux meilleurs chroniqueurs politiques 1 et a occulté une transformation minutieusement orchestrée que seule révèle une analyse juridique, méthodique et rétrospective des réformes adoptées. À l’issue du quinquennat sarkozyste, on peut faire surgir les lignes de force de ce qui s’est accompli sous nos yeux et qui, comme rédigé à l’encre sympathique, est apparu progressivement pour peu que l’on veuille bien se plonger dans le détail des textes des réformes réalisées.
Certes on pourrait estimer que l’analyse vient à contretemps et qu’il est vain de décrypter l’idéologie d’un président battu. Le suffrage universel agirait comme une lessiveuse qui rendrait inutile de s’interroger sur ce qui ne s’est pas produit. Trois raisons militent cependant pour tenter cette analyse.
En premier lieu, il est éclairant de revenir sur les causes de cette défaite en scrutant non pas l’image politique, ni l’homme qui l’incarne, ni même ses postures droitières abondamment commentées, mais les racines idéologiques du pouvoir qui s’est exercé, lesquelles ont joué un rôle d’autant plus important dans son échec qu’elles étaient dissimulées. Tout n’était pas que foucades et réactions ; il y avait une idéologie que seul le recul du temps permet de mettre au jour. C’est l’intérêt du regard rétrospectif.
En deuxième lieu, il est singulier de constater que la droite républicaine se réclame du sarkozysme et qu’on assiste à une incessante compétition pour déterminer qui est le plus sarkozyste. Perçu comme une sorte d’adoubement, voire de talisman, le sarkozysme serait le passeport pour la victoire. C’est d’autant plus paradoxal qu’il a conduit la droite à la défaite lors de toutes les élections depuis cinq ans, y compris lors de la déroute historique aux sénatoriales de 2011. En outre, bien que l’allégeance au sarkozysme semble sans limite, personne ne sait ce qu’il signifie réellement, à l’inverse par exemple de ce que peut être le gaullisme. Se revendiquer ainsi d’un système de valeurs indéfinies offre une situation propice à la clarification. C’est l’intérêt du regard contemporain.
En troisième lieu, il n’est pas exclu – certains pensent qu’il est probable – que l’ancien président de la République essaie de jouer à nouveau un rôle politique de premier plan et tente d’imposer une seconde fois son modèle qui a pourtant déjà échoué. En novembre 2012, on trouvait 64 % de Français pour souhaiter qu’il se présente à l’élection présidentielle de 2017 2 . L’analyse proposée ici pourrait donc aussi servir pour l’avenir et se justifie comme exercice d’anticipation. À l’inverse de l’élection précédente, instruits cette fois par l’expérience, nous ne pourrons pas ignorer ce qui se joue, quels sont les ressorts idéologiques que l’ancien président veut en réalité pour la France. On peut y être favorable ou non, mais pour cela encore faut-il qu’ils soient identifiés. Si l’ancien président de la République devait se représenter, autant savoir ce qui nous attend. C’est l’intérêt du regard prospectif.
Or c’est dans l’analyse de ce qui s’est passé qu’on trouve les linéaments de ce qui pourrait se produire à nouveau. Le rétrospectif nourrit le prospectif. À relire les lois du quinquennat précédent, on y découvre qu’il ne s’est pas agi seulement de défaire les valeurs fondatrices de notre pacte républicain, mais aussi de leur en substituer d’autres empruntées à des systèmes différents. Dans les codicilles de ces lois innombrables que plus personne ne parvenait à suivre, et au détour de dispositions inintelligibles, se cachaient les vraies racines idéologiques du sarkozysme.
Les lois du sarkozysme, ce sont aussi bien les lois au sens matériel, les lois publiées, que les lois au sens immatériel, les lois immanentes. Cette polysémie rend parfaitement compte de la dialectique entre lois écrites et lois non écrites. C’est dans les premières qu’apparaissent les secondes, et c’est pour consacrer les secondes que sont votées les premières. Mais seule la confrontation des deux fait apparaître le sarkozysme.
Pour être publiées au Journal officiel , elles n’en sont pas moins des lois d’airain, des tables de la loi des nouvelles références que l’on voulait imposer, et traduisent une volonté de greffe forcée et discrète. Il s’agissait de déstabiliser par acculturation, de brouiller les repères, d’affaiblir les pensées pour, finalement, imposer d’autres valeurs. Tel est le vrai visage du sarkozysme.

1 . Par exemple Thomas Legrand, Ce n’est rien qu’un président qui nous fait perdre notre temps , Stock, coll. « Parti pris », 2010 ; ou Renaud Dely, qui voit en l’ancien président de la République « un aventurier sans scrupule » et « sans colonne vertébrale idéologique » ( La Droite brune. UMP-FN : les secrets d’une liaison fatale , Flammarion, 2012). À l’opposé, et radical, Alain Badiou, De quoi Sarkozy est-il le nom ? , Lignes, 2007.

2 . Sondage IFOP, Journal du dimanche , 11 novembre 2012, p. 2.
I
Une destruction méthodique des valeurs du pacte républicain

Historiquement, deux périodes fécondes ont construit à coups de grandes lois notre pacte républicain, qui n’est ni de gauche ni de droite puisque l’on peut rattacher les premières (1905-1907) à Clemenceau et les secondes (1944-1946) à de Gaulle. Ce sont les grands acquis de ces deux périodes qui ont été en ligne de mire et que l’on a voulu remplacer par le primat de l’individualisme, plagiant le modèle anglo-saxon le plus conservateur, d’ailleurs souvent mal compris.
Pour prescrire de nouvelles valeurs, encore fallait-il d’abord faire place nette et détruire celles, préexistantes, qui fondent notre pacte républicain. L’idéologie sarkozyste est donc d’abord une destruction, celle des grandes lois de la III e  République et de l’après-guerre.

En finir avec les grandes lois de la III e République
Les acquis de la première période appartiennent au patrimoine génétique de notre pays et ne sauraient être remis en cause sans soutien démocratique clair. Les assauts qu’ils ont subis sont pourtant frontaux : laïcité, identité nationale, sécurité, fonction publique, protection des consommateurs, droits des salariés, etc., tout a été revu, modifié, bouleversé. L’inventaire est édifiant.

LAÏCITÉ
« Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance », a déclaré l’ancien président de la République à la basilique Saint-Jean-de-Latran de Rome le 20 décembre 2007, après avoir rencontré le pape Benoît XVI, ajoutant même que « les racines de la France sont essentiellement chrétiennes ». Cette allégeance au religieux doit se comprendre comme une préfiguration de la capitulation de la laïcité. Elle est devenue une orientation politique forte, voire un des marqueurs du sarkozysme.
Une première traduction politique de cette inflexion a été opérée avec la tentative d’ouvrir aux instituts catholiques la possibilité de délivrer des diplômes, non plus seulement canoniques, mais aussi profanes. En d’autres termes, il ne suffisait plus aux instituts catholiques de remettre des diplômes propres à ce qu’ils sont, pour des étudiants qui ont choisi volontairement de ne pas entrer dans le circuit classique, il fallait qu’ils viennent concurrencer l’enseignement supérieur public avec les mêmes diplômes – sans les mêmes garanties d’ailleurs. C’était bien un affaiblissement volontaire de l’université publique et laïque qui était visé par cette faveur faite aux instituts catholiques. D’autant que, dans le même temps, la dotation budgétaire publique à ces instituts était sensiblement augmentée.
Des mesures de ce type ne font pas les grands titres de la presse, mais n’en constituent pas moins des bouleversements importants non seulement parce qu’elles déstabilisent l’enseignement supérieur public, pourtant présenté comme une priorité du quinquennat dans un plan de communication habile, mais surtout parce qu’elles portent atteinte

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