Sur quelques aspects du Nouveau Roman
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Description

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le roman vit ce qu'il est convenu de nommer une crise. Mais pourquoi crise ? Par rapport à quoi ? C'est ce que Robbe-Grillet définit comme l'impossibilité de raconter en toute ingénuité, en toute innocence. Les romanciers se sont trouvés confrontés à des problèmes liés à la représentation de la réalité, représentation du monde et des personnages, à la description, à la pratique et aux limites du monologue intérieur.
L'acte de narration est assumé par un narrateur. Qui est-il?
Comment cet acte de parole va-t-il s'inscrire dans le livre ? Qui est ce sujet qui pose le livre comme ce par quoi il s'énonce ? Il n'est pas possible de trouver un seul Nouveau Roman où, de façon ou d'autre, cet acte constitutif du genre, inaugural, pour ainsi dire, ne soit pas posé dans l’œuvre, à travers l'oeuvre. Ceux que l'on regroupera sous le label Nouveau Roman sont partis de ces questionnements. Sarraute, Simon, Pinget, Butor, Robbe-Grillet, considèrent l'acte de narrer comme devant intervenir au cœur même de leur réflexion théorique et de leur pratique de créateurs.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 août 2013
Nombre de lectures 2
EAN13 9782332594242
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-59422-8

© Edilivre, 2013
Introduction
Depuis plus d’un siècle maintenant le roman vit ce qu’il est convenu de nommer une crise. Mais pourquoi crise ? Crise par rapport à quoi ? C’est ce que Robbe-Grillet définit comme l’impossibilité de raconter en toute ingénuité, en toute innocence. Les romanciers se sont trouvés confrontés à des problèmes liés à la représentation de la réalité, à la description, au point de vue, à la pratique et aux limites du monologue intérieur, à la représentation du monde et des personnages…
Les Nouveaux romanciers sont partis de ces questionnements. Les autres écrivains de leur génération aussi, qu’ils en aient eu pleinement conscience ou non. Mais ce qui les caractérise c’est le fait de considérer l’acte de narrer, le fait de raconter comme devant intervenir au cœur même de leur réflexion théorique et de leur démarche pratique.
L’acte de narration est assumé par un narrateur. Qui est-il ? Comment cet acte de parole venant de lui va-t-il s’inscrire dans le livre ? Il n’est pas possible de trouver un seul Nouveau Roman où, de façon ou d’autre, cet acte constitutif du genre, inaugural, pour ainsi dire, n’est pas posé dans l’œuvre, à travers l’œuvre.
Qui parle ? Qui est ce « je » , même s’il ne s’énonce jamais en tant que tel ? Qui est ce sujet qui pose le livre comme ce par quoi il s’énonce ? Est-il aussi simple, aussi transparent, que ça ? En fait, plutôt que « Je parle », ne faudrait-il pas dire « ça parle par moi ? » A quoi renvoie ce « ça ».
Dans un dossier consacré au Nouveau Roman, Pierre Lepape précise que « le Nouveau Roman est né, à la fin des années 50, d’un manque d’étiquette plutôt que de la création d’une véritable école littéraire ». Si, ironise t-il, les Français adorent les « écoles » – littéraires, artistiques, intellectuelles – et affectionnent les ismes, il n’en demeure pas moins que, par Nouveau Roman, ont été regroupés « des écrivains qui n’ont, à vrai dire, pas grand chose en commun » . En outre, ils n’appartiennent pas à la même génération, « Ils n’ont participé à aucune entreprise collective ni manifeste, ni revue ».
Claude Ollier le précisait en 1989. « Il me semble que depuis une quinzaine d’années, chacun a suivi sa voie de telle façon que les différences s’en sont trouvées nettement accusées et que des divergences fondamentales de conception sont apparues » . Mais il rappelle que si, aujourd’hui, l’appellation Nouveau Roman, « plaisamment contrôlée, a fini par ne plus désigner qu’une sorte de « maniérisme du fantasme », c’est en opposition totale avec « ce qu’elle recouvrait à l’origine, d’élan novateur et d’ouverture créatrice ».
Pierre Lepape y insiste. Si le phénomène Nouveau Roman est important dans l’histoire de la littérature française, c’est que « pour, avec passion, ou contre, avec violence, on s’est affronté sur la nature même du roman, sur les personnages, sur les relations entre l’écriture et le monde, sur les habitudes de la lecture, sur la conception même de l’homme ».
Emile Henriot rendant compte du Voyeur , le 22 mai 1957, contestait « la mise en vedette d’un ouvrage en soi discutable », et, en dépit du talent qu’il concède à l’auteur, « sa technique d’une complication voulue (lui) semblait sans grand intérêt, propre à dérouter seulement le lecteur, sous couleur d’un éclairage neuf » . Et, analysant la Jalousie , roman dans lequel les objets sont vus d’un œil de « métreur, d’entomologiste et de botaniste » , il déclare n’avoir rien trouvé dans ce livre « qui échauffe l’imagination, émeuve les sens ou le cœur, ou amuse l’esprit, rien qui apprenne quoi que ce soit d’inconnu sur l’homme, rien qui suggère ou provoque une façon nouvelle et profitable de penser ».
Parlant de Tropismes de Nathalie Sarraute, le même Emile Henriot estime ne pas voir « ce que peuvent gagner ces petits récits naturalistes au fait que leurs acteurs ne sont pas nommés, ni ce qu’il y a à retenir de ces abstractions et de cette littérature à système, si ce n’est qu’elle cherche très légitimement autre chose que le déjà vu et le déjà dit » . En d’autres termes à faire du nouveau à tout prix.
En réalité, le Nouveau Roman venait d’ouvrir une crise dans la création romanesque, et, par les débats de fond suscités, tout le roman français allait en bénéficier – même ceux qui se sont opposés à lui sans nuances. Plus particulièrement, le Nouveau Roman a fait prendre conscience qu’il n’y a pas une manière « naturelle » d’écrire des romans et d’autres qui seraient « artificielles ».
Toute œuvre d’art repose sur un certain nombre de conventions. « Le Nouveau Roman a été, dans les années 50 et 60, l’expression la plus consciente d’une crise du genre dont les origines remontent à la fin du siècle dernier » , écrit Michel Raimond. Même si, dans Esthétique et théorie du roman , à l’avance, Bakhtine avait récusé ce mot de crise : « Par sa nature même, le roman est a-canonique… c’est un genre qui éternellement se cherche, s’analyse, reconsidère toutes ses formes acquises. Ce n’est possible que pour un genre qui se construit dans une zone de contact direct avec le présent en devenir ».
Et, si d’autres romanciers avant eux l’avaient eux expérimenté – Queneau, Cayrol – d’autres vont explorer les voies nouvelles que la réflexion poussée d’un certain nombre de Nouveaux Romanciers, par leurs travaux théoriques comme par leurs œuvres de fiction, va contribuer à dessiner : le Clézio, Echenoz.
Lucien Goldmann, dans Sociologie du roman , en inscrivant le Nouveau Roman dans le genre réaliste, au sens de « création d’un monde dont la structure est analogue à la structure essentielle de la réalité sociale au sein de laquelle l’œuvre a été écrite » , répondait à sa manière à un Karl Haendens pour lequel « le Nouveau Roman est une plate et triste machine pour aboutir à la destruction totale de la littérature » , et qui ironisait : « Qu’ont-ils donc offert pour remplacer ce qu’ils ont si sombrement voulu détruire ? Nichts, nothing, niente, nada, nitchevo, niet, que dalle, autrement dit : rien » .
Claude-Edmonde Magny a fort bien formulé cette sortie du roman d’un âge de l’innocence et de sa tentative de dire le réel. « Le jour où Valéry a prétendu qu’il lui était impossible d’écrire une phrase comme “la marquise sortit à cinq heures”, le roman s’est éveillé la conscience du scandale qu’il représentait dans la littérature. Jusque là il croissait paisiblement, loin des critiques et des esthéticiens, dans l’inconscience heureuse des genres littéraires qui, oubliés par Boileau, ne jouissent pas encore d’une existence officielle » .
Aujourd’hui, qu’en est-il de l’évaluation esthétique ? « L’effet obnubilant de la nouveauté est définitivement passé » , écrit Jean Philippe Domecq . Incontestablement, les conceptions théoriques de Robbe-Grillet ont marqué une rupture importante. Mais dans quelle mesure cette rupture est-elle significative sur le plan esthétique, littéraire, philosophique ?
En dépit des réserves qu’il y apporte, Domecq estime que, grâce à Robbe-Grillet, « les limites du roman traditionnel furent définitivement énoncées en France, au point que personne n’osa s’en réclamer ». Grâce à lui un vrai débat sur « les formes littéraires » a éclos. Par là, « Robbe-Grillet a contribué à faire connaître les véritables créateurs du roman français d’alors : N. Sarraute, Claude Simon, Robert Pinget, le Butor de la Modification , et Samuel Beckett annexé à même enseigne » .
Les Nouveaux Romanciers, en effet, vont installer dans le domaine français de la 2ème moitié du XX eme siècle, une esthétique de la différence. A l’origine, on le sait, il n’y a pas eu d’école Nouveau Roman. Se sont rencontrés peu à peu des écrivains s’intéressant à des problèmes littéraires considérés d’une certaine manière : chacun à sa manière, ces auteurs ont exploré les voies possibles de l’élaboration romanesque à partir de leur propre sensibilité et de leurs présupposés. Butor, occupé par la représentation du temps, passe de Passage de Milan à la Modification ; Robbe-Grillet découvre et approfondit le point de vue ; Simon tente de dire de la manière la plus vraie un roman de la mémoire ; Sarraute de rendre les voix de la sous-conversation.
Chez tous ces auteurs, on perçoit, dans le temps qu’ils poursuivent leur œuvre romanesque, un approfondissement de la réflexion théorique, qui n’a pas précédé la création mais l’a accompagnée. Sarraute, Butor, Robbe-Grillet, publient beaucoup d’études sur ce qu’ils font eux-mêmes, et sur le genre romanesque en général. Par le genre de littérature qui les passionne, ils ont été occupés à représenter de manière littéraire tout un ensemble de recherches centrés exclusivement sur l’acte romanesque en soi.
I La représentation
« En se penchant sur la narration et le narrateur, écrit Kayser en 1955, on en arrive à des problèmes qui ne laissent pas d’être actuels » . Il est commode, en effet, d’évacuer tout ce qui touche à l’acte narratif, à l’activité narratoriale, sous prétexte qu’il ne s’agit là que de « forme » – par opposition au fond, au contenu.
« Quel étrange type de narration chez Joyce, chez Proust ou chez Knut Hemsun », s’était-il écrié quelques lignes plus haut. On pourrait mettre à la place : chez Robbe-Grillet, Pinget ou Butor. C’est cela qui frappe le lecteur des romanciers de ce siècle : « l’étrange nature du narrateur et la narration romanesque ». Car cela pose en réalité le problème crucial et premier de la signification du roman. A conception nouvelle du narrateur correspond une vision autre du roman comme art, comme création. Virginia Woolf, par exemple, considère la disparition du narrateur « olympien »

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