Un secret d État
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Un secret d'État , livre ebook

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Description

D'une victoire brillante et pleine de promesses à une défaite imprévue et lourde d'humiliations, la présidence de Jacques Chirac n'a pas fini de sidérer les Français et le monde. Ce livre en dévoile les complots et les secrets. Denis Jeambar est le directeur de la rédaction de L'Express.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 1997
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738141118
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

DU MÊME AUTEUR
Sur la route de Flagstaff , Stock, 1980.
George Gershwin , Mazarine, 1982.
Le PC dans la maison , Calmann-Lévy, 1984.
Dieu s’amuse , Laffont, 1985.
Daisy , Laffont, 1992.
Le Jour où la girafe s’est assise , Arléa, 1994.
L’Inconnu de Goa , Grasset, 1996.
 
En collaboration avec Yves Roucaute :
Éloge de la trahison : de l’art de gouverner par le reniement , Seuil, 1988.
 
En collaboration avec José Frèches :
Le Poisson pourrit par la tête , Seuil, 1992.
 
En collaboration avec Jean-Marc Lech :
Le Self-service électoral , Flammarion, 1993.
La Grande Lessive : anarchie et corruption , Flammarion, 1995.
 
En collaboration avec Claude Allègre :
Questions de France , Fayard, 1996.
© O DILE J ACOB , JUIN  1997 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-4111-8
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
I
L’apprenti sorcier

A U LENDEMAIN DES ÉLECTIONS législatives du 5 mars 1967, qui virent la victoire de la droite d’un seul siège, venu des îles Wallis et Futuna au terme d’une longue nuit d’attente, le général de Gaulle laissa tomber, à la fois soulagé et goguenard, devant Alain Peyrefitte : « Alors, vous les avez gagnées, vos élections ! C’est dommage ! On aurait vu comment on peut gouverner avec la Constitution ! »
Le fondateur de la V e  République pensait, à l’évidence, que la légitimité conférée au président de la République par le suffrage universel est telle qu’elle peut lui permettre de traverser bien des orages. Depuis, deux cohabitations lui ont donné raison. Les institutions de 1958, mises à l’épreuve entre 1986 et 1988 par le « couple » forcé Mit terrand-Chirac, puis de 1993 à 1995 par l’attelage imposé Mitterrand-Balladur, ont démontré à la fois leur souplesse et leur solidité. La répartition des pouvoirs entre le chef de l’État et le Premier ministre y est, en effet, suffisamment floue pour permettre à chacun de sauver les apparences, même quand tout les oppose. Ces vertus opérationnelles tout à fait exceptionnelles de la Constitution ont offert à la France une stabilité nouvelle qui est aussi un atout rare pour affronter les chocs d’un monde en mutation permanente. Un pays n’a pas d’avenir quand ses fondations politiques, c’est-à-dire institutionnelles, sont fragiles.
 
L’héritage du général de Gaulle est d’abord là. Et c’est cet héritage que le curateur du gaullisme, Jacques Chirac, a mis en péril en dissolvant l’Assemblée nationale le 21 avril 1997, un an avant le terme de la législature. Perdu le 1 er  juin par la majorité RPR-UDF sortante, ce scrutin, qui ne ressemble à aucun autre, ouvre, en vérité, une période sans précédent dans l’histoire de la V e  République. Jacques Chirac a provoqué une explosion nucléaire dans notre système politique en appuyant sur le bouton de la dissolution. Certes, de Gaulle en 1962 et 1968, puis Mitterrand en 1981 et 1988 en firent tout autant, mais dans des circonstances si différentes que les enjeux ne menaçaient guère le cœur de la République. En octobre 1962, le cabinet Pompidou avait été renversé par l’Assemblée nationale, hostile au référendum visant à instaurer l’élection du président de la République au suffrage universel. En juin 1968, il s’agissait de solder électoralement les désordres politiques et sociaux du mois de mai. En 1981 et 1988, les législatives furent des consultations filles de la présidentielle, installée du coup par François Mitterrand comme le scrutin pivot de notre régime politique. Ironie de l’histoire qui aura vu ainsi l’auteur du Coup d’État permanent , détracteur acharné de la V e  République, en renforcer l’esprit élyséen ! Bref, ni de Gaulle ni Mitterrand, pas plus que Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing, n’avaient osé pratiquer une dissolution à froid. Jacques Chirac, lui, a tenté un véritable coup de bluff, bien dans la manière, il est vrai, de ce pré sident qui mène sa vie politique tambour battant depuis trente ans avec une audace qui dément ce tempérament « radsoc » qu’on lui colle à la peau.
 
Joueur de poker, guidé à la fois par l’esprit romanesque et une cautèle corrézienne, Jacques Chirac n’a jamais cessé de prendre des risques dont il a finalement toujours tiré profit. S’il n’avait pas choisi Valéry Giscard d’Estaing contre le gaulliste Jacques Chaban-Delmas lors de la présidentielle de 1974, démissionné de Matignon en août 1976, créé le RPR la même année, concouru aux présidentielles perdues de 1981 et 1988, poussé Balladur en 1993 pour s’élever de son côté au-dessus de la mêlée, sans doute n’aurait-il jamais été élu président de la République en mai 1995. Sa vie aura incontestablement nourri la saga postgaulliste de la V e  République, mais elle est d’abord un enchaînement d’actions qui s’apparentent à des quitte ou double, une tentative permanente pour troubler l’eau politique et y faire une pêche miraculeuse.
Ce tempérament de condottiere, audacieux et courageux, correspond bien aux temps de la conquête du pouvoir. La présidence de la Répu blique n’est pas, en revanche, un champ de bataille où sans cesse on guerroie. La sagesse doit inspirer le souverain qui n’est plus le chef d’un camp, mais le représentant de tout le peuple. Seule la cause présidentielle, reflet des intérêts supérieurs de la nation, doit alors l’inspirer. En brandissant devant le mufle des électeurs la muleta écarlate de la dissolution, Jacques Chirac a oublié cet impératif à la fois intime et essentiel qui oblige tout Président à ne jamais mettre en cause les institutions, dont, disait le général de Gaulle, tout découle.
 
Plus d’un siècle d’histoire vient, en fait, d’être balayé par le désastreux banco chiraquien. Au-delà des acteurs, c’est notre régime politique qui est atteint, l’œuvre du général de Gaulle qui est en miettes. Dépositaire d’une Constitution à vocation présidentielle, Jacques Chirac, après deux années d’usage, l’a littéralement démantelée, provoquant un grand bond en arrière.
Il faut remonter aux balbutiements de la III e  République pour prendre la mesure du séisme que nous venons de vivre et dont nous n’avons pas fini de subir les répliques. La France est devenue pour quatre-vingt-un ans une république parlementaire en 1877, après la dissolution de la Chambre par le président Mac-Mahon, alors soucieux de démontrer – pour préserver les intérêts des monarchistes – que le chef de l’État était au moins l’égal du Parlement. Le suffrage universel tranchera contre Mac-Mahon. Sommé par Léon Gambetta de « se soumettre ou de se démettre », il finira par démissionner quinze mois plus tard.
Cet épisode a pesé jusqu’en 1958 sur l’équilibre des pouvoirs en France. Il aura fallu la guerre d’Algérie et les désordres extrêmes du régime d’Assemblée sous la IV e  République pour que naisse, avec la V e , un pouvoir fort, c’est-à-dire ayant de nouveau l’usage du droit de dissolution. Prévu par l’article 12 de la Constitution (« Le président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des présidents des Assemblées, prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale […]. Il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l’année qui suit ces élections »), ce droit est bel et bien l’un des éléments fondamentaux de nos institutions. Il leur donne une connotation présidentielle en plaçant ouvertement la légitimité élyséenne au-dessous de la légitimité parlementaire, mais cette arme absolue est aussi empoisonnée. La crainte qu’elle inspire aux députés a pour corollaire obligé la sagesse de son emploi.
 
La dissolution, c’est la foudre, mais Jupiter était nu quand il l’a déclenchée. Son utilisation ne peut donc être que stratégique. Elle est faite pour dissuader les frondes de députés, trancher des conflits graves par le suffrage universel ou harmoniser le pouvoir élyséen et parlementaire. Le Président ne doit donc s’en servir qu’à coup sûr, avec la certitude de l’emporter. Cet instrument stratégique ne permet pas de jouer avec les circonstances. Or c’est l’usage qu’en a fait Jacques Chirac dans une lecture institutionnelle erronée et, surtout, contraire à la pratique gaulliste.
 
Par quel mystère le président de la République a-t-il pu commettre une telle erreur qui le prive de son arme de dissuasion, constitutionnellement pour un an, et, politiquement, bien au-delà ? Le bricolage historique auquel nous venons d’assister aura trop de conséquences sur le destin de la France pour ne pas essayer de l’éclairer.
Bien entendu, l’Histoire ne se déroule pas au-dessus des hommes et sans eux. Ils en sont à la fois les acteurs et les forgerons. Jacques Chirac est donc l’auteur et le responsable de cet incroyable cataclysme. Sa personnalité est au centre des événements qu’il a lui-même provoqués alors que les Français ne lui demandaient strictement rien.
Le chef de l’État n’est pas un homme médiocre, et trop de mauvais procès lui ont été faits. Il n’est pas devenu président de la République par inadvertance. Les Français l’ont élu après l’avoir vu à l’œuvre pendant trois décennies qu’il aura marquées de son empreinte. Par ses coups de boutoir, ce Murat de la politique a su déplacer bien des lignes de la vie publique française. Son impatience, si souvent dénoncée, n’a pas été que destructrice car, toujours, il a agi avec républicanisme. Même si la première cohabitation ne fut pas

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