Une autre France
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Une autre France , livre ebook

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Description

Pourquoi le pays des Droits de l’homme a-t-il pu donner à son extrême droite la moindre chance d’accéder aux plus hautes responsabilités de l’État ? Pourquoi ce même pays, alors que nulle part ailleurs le marxisme ne trouve plus le moindre écho, peut-il accorder tant de crédit à son extrême gauche trotskiste ? Ces questions en soulèvent une autre, beaucoup plus radicale : Comment vote-t-on ? Comment chacun de nous décide-t-il quel homme ou quel parti choisir ? Quels événements petits ou grands nous motivent-ils ? À quel réseau d’influence est-on rattaché ?À partir d’une cartographie électorale, économique et sociale des 36 565 communes de France, Hervé Le Bras apporte une interprétation profondément originale de la nouvelle donne politique française. Non, nous ne votons pas en fonction de notre sexe, ni de notre appartenance sociale, de nos diplômes, de notre état civil ou de notre âge ! Alors, comment vote-t-on ? La réponse est dans les cartes. Hervé Le Bras est directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (Paris) et Fellow du Churchill College (Cambridge). Il a notamment publié Les Trois France et Essais de géométrie sociale aux Éditions Odile Jacob.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2002
Nombre de lectures 4
EAN13 9782738166722
Langue Français
Poids de l'ouvrage 9 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© É DITIONS O DILE J ACOB, OCTOBRE  2002
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN 978-2-7381-6672-2
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
www.centrenationaldulivre.fr
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
à Annie
Remerciements

D e nombreux concours ont permis de rédiger ce livre dans la foulée des élections présidentielle et législatives de mai et juin 2002. Odile Jacob qui sait allier l’enthousiasme à la détermination. Le laboratoire de démographie historique et le service informatique de recherches de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS) où j’ai pu réaliser les cartes, mener les calculs et discuter les résultats lors de mes séminaires. Le Churchill College de Cambridge où l’élection à un poste de fellow m’a donné accès à un milieu de recherche riche et non conformiste ainsi qu’aux formidables ressources de la General Library . La confiance du journal Libération et le travail avec mon collègue Jacques Lévy qui ont permis de publier à chaud les commentaires géographiques et politiques des deux élections. Le soutien de Jean-Louis Guigou et de la DATAR dont il est le délégué qui m’ont aidé depuis dix ans à prospecter l’hétérogénéité économique, sociale et démographique de la France au niveau des communes. Le séminaire de morphologie qui regroupe depuis deux ans à l’EHESS des spécialistes de la théorie de l’art, des mathématiques, de l’histoire, de la biologie et de la géographie mettant en commun leurs savoirs et leurs réflexions sur les formes et leur engendrement. Les discussions fructueuses et souvent passionnées avec Alain Blum, Maurizio Gribaudi, Elizabeth Zucker, Michel Wieviorka, Jean-Pierre Braun et de nombreux autres collègues et amis. L’École d’architecture Paris-Belleville, le Cambridge Group for the history of population, l’association Pharos de San Leo, l’Université de Berkeley où j’ai pu tester les idées de cet ouvrage dans des séminaires durant les trois derniers mois. Le soutien indéfectible et toujours pertinent de Gérard Jorland dans le groupe morphologie et aux éditions Odile Jacob. Last but not least comme on dit à Cambridge, ma femme Annie, et mes enfants Véronique et Romain pour leur affection et leur patience durant la réalisation de ce livre.
Introduction

P endant six semaines, avec le géographe Jacques Lévy, nous avons examiné pour le compte du journal Libération le mystère des dernières élections présidentielle et législatives. Chaque élection déjoue les pronostics et les sondages. Ce fut encore le cas, d’abord avec la montée des trotskistes et de l’extrême droite, ces « tribunitiens » qui regroupèrent le tiers des voix au premier tour de la présidentielle, et surtout avec la relégation de Jospin en troisième position derrière Le Pen. Mais notre plus grande surprise est venue d’ailleurs. En dessinant les cartes de résultats à différentes échelles et pour divers candidats ou partis, nous avons pris conscience d’une révolution spatiale. Le vote que l’on expliquait presque toujours par une combinaison de stabilité régionale — les régions de droite, de gauche, les fiefs communistes ou FN, les pôles chevènementistes ou villieristes — et de changement social — la reprise du chômage, le malaise des ouvriers, le repositionnement des employés, le poids des retraités, l’indifférence des jeunes — révélait une puissante composante spatiale. Les électeurs paraissaient avoir voté selon leur position au sein des grandes agglomérations et sur les axes de circulation. En fonction de la distance au centre-ville, en fonction de la proximité des rivages maritimes ou des vallées des grands fleuves, en fonction de l’éloignement du lieu de travail, de l’importance des agglomérations et de l’isolement du rural profond, les voix s’étaient portées sur un parti ou un candidat précis.
La surprise tenait en partie à un élément technique. Au lieu des habituels résultats par départements et grandes villes diffusés par l’Agence France-Presse, nous avons obtenu rapidement des résultats par circonscriptions et par communes. C’était un peu comme la découverte du microscope, du télescope ou du scanner. Nous n’avions pas vraiment changé d’idées mais, sous nos yeux, les résultats dessinaient à une autre échelle d’autres formes et d’autres dynamiques. Ce qui passait pour une irrégularité ou une scorie sur une carte par départements révélait soudainement une structure fine, élaborée. Ainsi, le succès des chasseurs-pêcheurs de Saint-Josse dans la Somme, qui fait figure de bizarrerie sur une carte à l’échelle départementale, livre à l’échelle communale une organisation raffinée où leur forte implantation le long de la baie de Somme rayonne vers l’intérieur en se faufilant entre les agglomérations avant de buter sur des rivières ou contre les frontières départementales de l’Oise, de l’Aisne et de la Seine-Maritime.
D’habitude, je rapprochais les résultats électoraux des changements de mœurs et de conjoncture économique ou au contraire des permanences historiques, telles que l’orientation catholique ou laïque, industrielle ou rurale. Il était en effet possible de distinguer des tempéraments au niveau des départements en s’inspirant des travaux d’André Siegfried et de François Goguel, les pionniers de la géographie politique. Depuis plusieurs années, je disposais aussi, grâce à l’INSEE, de descriptions économiques et sociales au niveau communal dont j’avais pu apprécier la richesse. Elles ne contredisaient pas la géographie des tempéraments mais lui ajoutaient le contraste entre les villes et les campagnes, entre les côtes et l’intérieur, entre les vallées des grands fleuves et les reliefs. Elles permettaient d’affiner et d’enrichir la description de la géographie humaine sans invalider les grandes divisions du territoire connues depuis longtemps.
Le rapprochement de ces données socio-économiques et des données politiques au niveau communal a révélé en revanche un profond désaccord. On savait déjà que certaines distributions ne se répondaient pas. Par exemple au niveau départemental, la proportion d’ouvriers et celle des voix du PC ne se recouvraient pas, ou bien la proportion des voix de droite et la fécondité. On pensait cependant qu’à échelle plus fine, les catégories en cause se réconcilieraient car chacun d’entre nous connaît une famille nombreuse conservatrice et un ouvrier militant communiste. Or, la comparaison au niveau communal des opinions politiques et des catégories socio-économiques donnait un résultat encore plus confus qu’à l’échelle départementale. En outre, apparaissait un nouvel élément qu’on peut qualifier de différence de texture. Sur les cartes communales, les caractères économiques et sociaux se dispersent comme s’ils avaient été saupoudrés. Entre des communes à fort chômage s’intercalent des communes en plein emploi ; entre des communes ouvrières, d’autres peuplées plutôt de cadres, entre des communes à forte fécondité, des communes sans enfants. On pense aux îles Lipari si variées que visite Nanni Moretti dans son film Caro diario (Journal intime) .
Au contraire, la texture des cartes politiques à l’échelle communale montre le plus souvent des zones compactes, des continuités le long de couloirs homogènes, des ramifications et pour finir des filaments. On voit aussi des noyaux centraux entourés de strates successives se terminant par un léger halo. Au niveau départemental, il n’est pas possible de détecter cette différence absolue de texture des distributions politiques et socio-économiques car la carte conserve encore un caractère un peu figé et administratif. Mais au niveau communal, il devient évident — et on le constatera tout au long de l’ouvrage — que les deux types de phénomènes n’ont pas la même nature et qu’ils ne peuvent donc pas avoir des règles communes d’engendrement et d’évolution. Dans l’espace concret, la politique se fabrique très différemment de la société et de l’économie. Les règles d’apparition d’une opinion et d’un parti, les règles de leur développement et de leur stabilisation, puis parfois de leur disparition possèdent une logique propre qui ne répond pas à celle des règles de création, développement et fermeture des entreprises ni aux différenciations des classes sociales dans l’espace.
Cet ouvrage a pour premier objectif de rendre compte de ce hiatus, de cette hétérogénéité, de cette absence de mise en phase des réalités politiques et socio-économiques. Mais, aussitôt, se pose la question des raisons d’une telle différence et des motifs pour lesquels elles ont pratiquement échappé aux analyses électorales. Sur le second point, la réponse est assez simple. On a confondu catégories et causalité. Expliquons-nous en partant du comportement supposé de l’électeur. Lorsqu’il se retrouve dans l’isoloir, son choix va dépendre de sa situation actuelle et de ses aspirations, mais surtout de son existence entière qui les a construites petit à petit. L’analyste cherche à résumer l’ensemble de ces existences individuelles en les triant selon certains caractères dont il calcule les résultats électoraux : tant de votes communistes ou FN pour le caractère « ouvrier », tant de votes à droite pour le caractère « personne âgée de plus de 65 ans », etc. La tendance dominante a été de privilégier les caractères de classe sociale ou de catégorie socioprofessionnelle qui permettaient de se situer dans la théorie marxiste ambia

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