L Art au féminin II
141 pages
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L'Art au féminin II , livre ebook

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Description

Lors de ses recherches, Marie Bagi a été confrontée, à plusieurs
reprises, à la question de l’intime. Cet intime, sous diverses formes
et médiums, semble être l’élément clé de la création des femmes.
Elles nous le font découvrir de manière profonde. la création est
alors une action viscérale. Simone de Beauvoir disait "On ne naît
pas femme, on le devient." Pour pour les artistes femmes, c’est
certainement le contraire : elles ne deviennent pas artiste, elles
naissent ainsi.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 décembre 2019
Nombre de lectures 2
EAN13 9782304047950
Langue Français
Poids de l'ouvrage 6 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Marie Bagi
L’Art au féminin
Tome II
Les diverses formes de l’intime dans les œuvres des artistes femmes
é ditions Le Manuscrit
Paris
EAN 9782304047950
© Décembre 2019


Chapitre 1. La représentation de l’intime chez les artistes femmes : la caractéristique de leurs œuvres ?
Par les différents moyens que l’art met à disposition, les artistes femmes ont exploité l’image par l’intime. Qu’est-ce que l’intime ? Définir l’intime n’est pas sans difficultés. Il peut être interprété de diverses façons en art dont les prémisses ont été exposées dans la partie précédente. Selon André Lalande, l’intime désigne l’« A. Intérieur (au sens où ce mot s’oppose à public, extérieur, manifesté ). Est intime ce qui est fermé, inaccessible à la foule, réservé ; par suite, ce qui est individuel, connu du sujet seul, soit accidentellement, soit essentiellement et par nature 1 . » Mais il est aussi perçu comme étant « B. Intérieur (au sens où ce mot s’oppose à superficiel) ; profond ; qui tient à l’essence de l’être dont il s’agit […] 2 . »
Il ajoute également que ce terme d’« intime » peut être périlleux à cause de sa signification double. Il est vrai que l’intime possède de multiples dimensions quant à son interprétation. En effet, il y a l’intime qui touche à la dimension du corps. Le corps, que certaines personnes choisissent de dévoiler aux êtres aimés – un intime qui toucherait la sphère privée de l’être. Mais il y a aussi le corps qui, comme nous l’avons vu, se dévêtit, laissant alors apparaître des parties cachées, non révélées à tous, au « public », mais qui devient œuvre/médium.
En outre, il existe aussi l’intime touchant la dimension émotionnelle. Les émotions que certaines personnes peuvent ressentir lorsqu’une relation se crée avec un être important. L’intime est lié à l’être en lui-même ; cela revient à dire qu’il fait partie de chaque individu. Cet individu peut choisir de le partager ou non.
Nous disposons donc de notre propre intime qui est à la fois découverte de soi, mais aussi centré sur la liberté de l’être. Cette découverte de soi peut être très profonde, allant jusqu’à trouver des facettes de son être dont l’existence était insoupçonnée. Cet élément est mis en lumière par Maître Eckhart (1260-1328) 3 qui parle de « profondeur de l’intime » et est repris par Éric Mangin 4 dans son ouvrage Maître Eckhart ou la profondeur de l’intime où il parle « d’authenticité humaine » qui serait marquée par le lien que l’âme possède entre Dieu et le monde où elle vit. L’authenticité est un concept qui concerne donc le soi intérieur qui nous aide à décider du partage de cet intime à une ou plusieurs personnes. Car nous savons que l’intime, de par les relations, a été conçu pour être divulgué.
En effet, la dimension du couple instaure cette sphère intime partagée avec l’autre. Cette sphère peut être détruite si le couple se meurt ou se sépare. Hannah Arendt (1906-1975) 5 s’était intéressée à ce concept dans son ouvrage Condition de l’homme moderne . Elle avait alors affirmé que « l’amour, à la différence de l’amitié, meurt, ou plutôt s’éteint, dès que l’on en fait étalage 6 » . En soi, quand cet amour se déploie et devient trop présent, il peut mener à la passion. C’est cette passion qui, une fois essoufflée, fait mourir le couple et ainsi renferme à nouveau cette intimité. L’exemple type est le couple Claudel/Rodin que nous avons étudié et que nous retrouverons par la suite. Dans leur cas, l’intime est l’union de deux âmes qui existait à travers l’amour et la sculpture. Deux éléments qui, tour à tour, disparaîtront de la vie de Camille Claudel.
Par cet exemple, il est bon de rappeler ce qu’Hannah Arendt a dit sur la vie privée et la société dont elle fait partie :
La société de masse détruit non seulement le domaine public, mais aussi le privé : elle prive les hommes non seulement de leur place dans le monde, mais encore de leur foyer où ils se sentaient jadis protégés du monde. […]
Une vie passée entièrement en public, en présence d’autrui, devient superficielle. Tout en restant visible, elle perd la qualité de devenir à partir d’un fond sombre qui doit demeurer caché à moins de perdre sa profondeur en un sens non subjectif et très réel. La seule manière efficace de garantir contre le grand jour de la publicité l’ombre des choses qui ont besoin du secret, c’est la propriété privée, un lieu que l’on possède pour s’y cacher 7 (pp. 100-113).
Au fond, comment l’intime peut-il être réellement perçu puisqu’il évoque à la fois le partage, mais aussi ce qui est caché ? Les artistes femmes vont jouer avec ce concept afin d’introduire le public à leurs œuvres. Elles vont l’inviter à se mêler de leur vie retranscrite dans leur travail afin de créer un espace « intime » entre elles et lui.
L’art est pour elles un moyen de transmettre ce qu’elles ne peuvent exprimer par les mots. Elles s’extériorisent à travers le matériel qu’elles travaillent. Pour illustrer notre sujet, nous allons prendre l’exemple de six artistes ayant travaillé entre le xix e et le xx e siècle. Il s’agit de Camille Claudel, Frida Kalho, Louise Bourgeois ou encore Niki de Saint Phalle. Ces dernières ont toutes une démarche artistique différente avec des matériaux qui leur sont propres pour représenter l’intime à travers la reproduction de corps, notamment. Nous procéderons de manière chronologique et commencerons avec Camille Claudel et son œuvre.
1.1 Camille Claudel (1864-1943) : l’intime redécouvert
Camille Claudel fut, dès sa plus tendre enfance, attirée par la sculpture. « Elle commence à modeler dès l’âge de six ans. […] Elle reçoit ses premières leçons de sculpture à treize ans 8 . » La sculpture en devint même sa raison d’être. À tel point que le jour où elle sera enfermée à l’asile, elle se sentira comme morte ; ainsi, la mort de son œuvre s’ensuivra. La sculpture la fait vivre. Sans elle, la vie ne vaut pas la peine d’être vécue. Elle mit d’ailleurs de côté son apparence physique soignée et son hygiène de vie pour sculpter. En effet, au cours de son activité artistique, elle eut continuellement les mains pleines de terre lorsqu’elle était jeune.
Camille, elle, obsédée par la terre, les mains et la robe salies, les ongles noirs, n’en finit pas de malaxer l’argile et d’essayer de tirer des formes de la pâte brunâtre qui lui colle aux doigts. […] Jamais prête à l’heure, elle – madame Claudel – trouve sa fille aînée hirsute et négligée. […] Madame Claudel envoie invariablement Camille se relaver les mains 9 .
Mettant tout son argent dans les outils et la matière dont elle avait besoin pour effectuer son travail, elle exprimait ses maux à travers la sculpture. C’était sa façon à elle d’extérioriser sa pensée au-delà des mots ; c’était aussi une forme de refuge. Le travail lui offrait la possibilité de s’évader et de penser au temps où elle était petite fille lorsqu’elle pétrissait la terre de la campagne de son village natal 10 . Et pourtant, cette petite fille rêvait alors de partir à Paris dans le but d’apprendre à sculpter avec les grands maîtres. Pour ce faire, elle rechercha l’appui de son père qu’elle obtint dès lors que ce dernier fut persuadé qu’elle possédait un talent certain 11 . Mais plus que le talent, la sculpture était pour Camille Claudel un art de vivre, une raison évidente de se lever le matin : une véritable vocation 12 .
Camille s’évade dans les formes imaginaires qu’elle tire de la glaise – un matériau qu’elle s’est appropriée par hasard, avec un instinct très sûr de ce qu’elle aime et un appétit féroce. Elle aurait pu dessiner ou aquareller, mais c’est pétrir qui lui plaît, plonger ses mains dans cette matière à la fois molle et rebelle, qu’elle caresse et malaxe mais contre laquelle elle doit lutter aussi. […] Elle lui permet, sans prendre la poudre d’escampette, d’être là sans y être, d’habiter une autre planète, libre et secrète 13 .
Son amour pour la sculpture outrepassera d’ailleurs l’amour qu’elle porte à Auguste Rodin, puisqu’au moment où elle décide de se séparer de lui, elle sculptera encore plus, peut-être pour occuper ses pensées ou parce que le désir de créer est plus fort que tout. Un écrit du sculpteur décréta qu’à partir du 12 octobre 1886, il n’avait que Camille Claudel comme élève :
Pour l’avenir à partir d’aujourd’hui 12 octobre 1886, je ne tiendrai pour mon élève que Camille Claudel et je la protégerai seule par tous les moyens que j’aurai à ma disposition par mes amis qui seront les siens, surtout par mes amis influents 14 .
Comme nous l’avons déjà mentionné, Camille Claudel était chargée des marbres en tant que plasticienne. Son travail consistait à dégrossir l’œuvre d’après un modèle de plâtre exécuté selon Auguste Rodin qui ne taillait d’ailleurs jamais ses marbres. C’est Camille Claudel qui était chargée de cette tâche. Lui ne s’occupait que de la finition et de la signature de ses sculptures 15 .
Elle devient la collaboratrice clairvoyante et sagace, le sculpteur l’associe à ses propres travaux, la consulte pour tout, lui confie avec les directives du plus exigeant des maîtres le soin de modeler les mains et les pieds des figures qu’il compose 16 .
Comme nous l’avons vu, elle sera aussi son modèle pour certaines de ses œuvres telles que La Porte de l’Enfer (ill. 26) où une Danaïde devait y prendre place, mais qui, dans la dernière version de l’œuvre, ne fut pas représentée. La Danaïde est un personnage féminin issu de la mythologie grecque. Égyptos et Danaos étaient deux frères jumeaux, fils de Bélos qui régnait sur un vaste royaume comprenant la Lybie, l’Égypte, l’Arabie et l’Assyrie. Égyptos avait donné naissance à cinquante fils et Danaos à cinquante filles, les fameuses Danaïdes. À la mort de leur père, Danaos hérita de la Lybie et Égyptos de l’Arabie. Cependant, Égyptos décida un jour d’envahir l’Égypte, menaçant ainsi la sécurité du royaume de Danaos. Afin de mettre fin à leur r

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